Quand Shawnee Kish a été déclaré gagnante du concours CBC Music Searchlight en mars 2020 grâce à sa chanson « Building a Wall » – elle était la première artiste autochtone à remporter le premier prix de ce concours –, elle aurait dû être catapultée sur les scènes d’un bout à l’autre du pays. Sauf qu’une semaine plus tard, toutes ces scènes ont été fermées. Il n’y aurait pas de prestation durant la JUNO Week. Ni ailleurs, en fait. La pandémie a mis à mal la majorité des formes d’art, de culture et de divertissement et elle a plongé la majorité des artistes dans une profonde incertitude. Shawnee, elle, a fait ce qu’elle fait toujours quand elle traverse une période difficile : elle a écrit des chansons.
« Quand j’ai un obstacle à surmonter, je me tourne vers la musique », dit Kish que nous avons jointe chez elle à Edmonton. « La pandémie n’était même pas le bout le plus difficile. Plein de choses ont été bouleversées dans ma vie personnelle au cours des deux dernières années. Ma mère est tombée malade et dans ma tête c’était la seule constante dans ma vie. Elle a souffert d’un ACV majeur. En la voyant traverser cette épreuve, en étant là quand elle était sous assistance respiratoire, j’ai eu l’impression que tout d’un coup, mon monde entier se résumait à un grand “Qu’est-ce que je fais maintenant ?” J’utilise donc l’art pour me lancer dans l’autonomisation et l’inspiration, pour surmonter ce que j’ai besoin de surmonter. »
La musique comme remède est une leçon qu’elle a apprise très jeune. Elle a commencé à écrire et enregistrer des chansons quand elle avait environ cinq ans. Puis, à l’adolescence, elle a découvert qu’il s’agissait d’un moyen de faire face à la pression exercée par les tentatives d’intégration d’une jeune femme mohawk en train d’assumer son identité bispirituelle.
« Je ne pense pas que je serais ici aujourd’hui si ce n’était de la musique », affirme-t-elle. « Je ne m’étais pas encore affiché. Ma famille et mes pairs mettaient de la pression pour que je trouve ma place dans une certaine vision du monde. Pas juste ma sexualité, mais mes racines autochtones. Je n’ai pas grandi sur une réserve. J’essayais donc de comprendre s’il y avait une place pour moi quelque part. Je me souviens de m’être sentie incroyablement seule quand je me réveillais. J’enfourchais mon vélo, je me sauvais dans la brousse et je me connectais à la nature en écrivant des chansons. Je me sentais en sécurité. La guérison par l’expression. J’ai réalisé que je serais OK. Et si c’était ça, mon avenir ? Et si c’était ça qui me donnait un objectif et un sens ? Je n’ai jamais regardé en arrière après. »
« Je me sers de l’art pour surmonter ce que j’ai à surmonter »
En effet. Outre Searchlight, Shawnee a connu de nombreuses réussites, récemment, notamment de partager la scène avec Lady Gaga, Madonna et Alicia Keys, figurer sur la liste Musicians You Need To Know de Billboard en 2019 ainsi que sur la liste des Artistes transcendant les genres (Gender Bending Artists) de MTV.
Son EP éponyme est paru le 25 juin 2021 et il comprend les simples « Got it Bad », une chanson blues rock enflammée qui a atteint la quatrième place du Top 20 de la CBC et la non moins brûlante chanson pop soul « Burnin’ Love », avec Jamie Fine, anciennement du duo Elijah Woods x Jamie Fine. Les deux artistes se sont rencontrées dans le cadre du Allan Slaight JUNO Master Class, un programme de développement et de mentorat.
Sa relation avec l’industrie canadienne de la musique n’a pas toujours été simple. Elle se souvient qu’on lui a demandé, lorsqu’elle était plus jeune, de changer de coiffure pour être plus attrayante pour son supposé public masculin hétéro ou encore recevoir beaucoup de conseils non sollicités de la part d’associés qui semblaient en savoir plus qu’elle sur qui elle devrait être. Aujourd’hui, en tant que fière membre de la communauté LGTBQ+ qui redonne à des organisations comme Jeunesse, J’écoute, Kish espère que les chansons qu’elle écrit à partir de toutes ces expériences de vie aideront les autres.
« Je ne contrôle pas entre quelles mains ma musique se retrouve, où ma carrière va se terminer, où la musique va me mener », dit-elle. « Mais j’ai le contrôle sur mon évolution en tant que créatrice, parolière et personne qui se tient debout avec fierté pour raconter son histoire. J’espère changer la vie de quelqu’un d’autre qui est comme moi. »