Il y a sept ans, Sébastien Lacombe faisait irruption dans le paysage de la chanson québécoise avec un premier album de folk-rock authentique et chaleureux, Comme au cinéma. L’auteur-compositeur-interprète récidivait en 2008 avec Impressions humaines, un deuxième compact proposant une plume aussi délicate et attachante, mais des compositions plus pop et léchées. Paru l’été dernier, Territoires se veut le fruit d’un récent périple d’un an au Sénégal. Exil déstabilisant certes, mais nécessaire.

« Ce fut un changement de vie majeur pour ma conjointe, mes enfants et moi, avance Lacombe d’emblée. On voulait un déracinement complet et partir deux ans. J’ai quitté le confort de la ville pour plusieurs raisons. D’abord, je voulais vivre une aventure à l’échelle humaine. J’avais soif de m’exiler, aller vivre ailleurs pendant un bout de temps. Puis, artistiquement, j’étais en panne d’inspiration. Panne sèche complète. Je me demandais ce qu’il me restait à apporter au monde de la musique. Je me posais beaucoup de questions par rapport au métier que je faisais. J’avais besoin de nouveaux repères. À travers l’expérience de vie, c’est devenu un autre projet : celui de l’album. »

Ajoutant des teintes world (« Adouna ») et de délicats arrangements électro (« D’où je viens ») à sa palette folk bien garnie, ce troisième recueil reflète ce goût pour l’aventure et l’errance (« Mr. Taximan). Il s’agit véritablement du produit des deux sources d’inspiration principales de l’homme : les voyages et les gens que l’on croise en chemin. « J’adore les rencontres impromptues. À Montréal, je suis casanier et routinier. En voyage, la soif de ce qui est nouveau apparaît tout d’un coup. C’est alors que tu es beaucoup plus ouvert et sensible aux contacts humains. Ça te place dans une espèce d’instabilité constante. Tu ne vis pas dans des grands hôtels et tu côtoies des gens de tous les jours. Tu te retrouves dans une bulle imposée en quelque sorte. Je me suis fragilisé en allant au Sénégal. Je n’avais aucun numéro de téléphone, aucun ami. J’étais forcé d’aller devant les gens pour survivre. Pas d’autre choix. Tu sais, une escale où je ne rencontre pas de gens nouveaux n’est pas une bonne escale pour moi, » avance l’auteur-compositeur de 40 ans, gagnant en 2003 du concours Ma Première Place des Arts.

« Tant que j’aurai quelque chose à raconter, que j’aurai un message à véhiculer qui sera écouté et apprécié et que je n’entendrai pas de petite voix dans ma tête qui me dit de passer à autre chose, je vais poursuivre ma route. La tête bien haute.. »

Avec ce solide nouvel opus sous le bras, l’infatigable voyageur songe maintenant à l’élaboration de son prochain spectacle. Le projet l’emballe, ça s’entend. « De nos jours, la scène prend une plus grande place dans le métier. Il ne faut surtout pas l’ignorer. Ainsi, mon prochain voyage en sera un de création. J’ai ramené énormément d’images du Sénégal et de d’autres périples et j’aimerais les intégrer à mon prochain spectacle qui aura trois axes : le fait français, le voyage et l’ouverture sur le monde. J’ai envie de créer un documentaire/spectacle et de me questionner sur la place du français dans le monde actuel et dans la chanson. Il y aura certainement un aspect éducatif là-dedans, même si je souhaite demeurer dans la poésie, » confie-t-il.

Grand admirateur de Félix Leclerc, Alain Bashung et Didier Awadi (leader du groupe rap sénégalais Positive Black Soul), notre globe-trotter a une vision terre à terre et plutôt réaliste du métier d’artiste en 2012. Son unique souhait : continuer de faire son chemin dans la jungle de la chanson francophone tout en demeurant ouvert aux possibilités. « Mon principe est simple : je vais aller où l’on m’invitera. Il ne faut pas se casser la tête avec ça. Éventuellement, j’aimerais exporter ma musique à l’étranger, mais à moyen terme, le Québec demeure ma priorité, » soutient-il.

Face à une industrie de la musique fragile, en pleine mutation, Sébastien Lacombe ne baisse pas les bras. Travailleur acharné, il demeure lucide et estime qu’il n’a pas encore dit son dernier mot. « C’est vrai que les artistes québécois travaillent incroyablement fort pour très peu de revenus en bout de ligne. Parfois, on n’y pense pas, on s’en fout carrément, mais n’empêche que c’est la vérité. À la fin de mon périple en Afrique, je me suis demandé pourquoi continuer à faire ce métier et j’en suis venu à cette conclusion : je ne suis pas encore allé au bout de mon aventure. Tant que j’aurai quelque chose à raconter, que j’aurai un message à véhiculer qui sera écouté et apprécié et que je n’entendrai pas de petite voix dans ma tête qui me dit de passer à autre chose, je vais poursuivre ma route. La tête bien haute. »