Meg Warren avait 21 ans et allait bientôt être diplômée en musique classique dans sa province natale de Terre-Neuve lorsqu’elle a décidé de tenter d’écrire de chansons. Au départ, sa motivation était externe : un quotidien de St-Jean présentait un événement intitulé The RPM Challenge dont l’objectif était d’écrire et d’enregistrer un album en un mois. Ne reculant devant rien, elle s’y est inscrite.

« Je me suis dit “c’est cool comme idée”, et j’ai tenté ma chance », se souvient-elle. Bien que sa formation fut en chant pour l’opéra, Warren est maintenant à la tête d’un groupe synth-pop baptisé Repartee, mais elle n’avait alors aucune expérience en composition et n’avait jamais auparavant écrit de paroles de chansons. Elle avait toutefois maintenant la piqûre. « Sans trop que je comprenne comment, j’ai immédiatement envisagé cela comme une réelle possibilité de carrière. »

Aujourd’hui âgée de 28 ans, elle raconte aujourd’hui son histoire avec beaucoup d’humour, amusée surtout par sa propre naïveté. « Je jure que si on me disait aujourd’hui que je dois lancer un groupe de musique, je ne sais pas si je le ferais », avoue-t-elle sans ambages. « Car maintenant je sais la quantité de travail qu’il nous a fallu pour nous rendre où nous sommes. Ça prend une éternité?! »

Mais elle ne trompe personne, c’est évident qu’elle le ferait. Après tout, Repartee a parcouru beaucoup de chemin depuis le lancement d’un premier EP en 2010 devant une salle comble au Ship Pub de Saint-Jean. Son groupe a partagé la scène avec des artistes de la trempe de Tegan and Sara, LIGHTS, The Arkells et Dragonette. Ils ont gagné cinq prix MusicNL en plus de nombreuses nominations et prestations dans le cadre des East Coast Music Awards. CBC Music a d’ores et déjà qualifié leur nouvel album All Lit Up un des meilleurs de 2016 à ce jour.

« J’aime créer de la musique à n’en point douter, et j’adore la musique en général et le processus créatif, mais ce qui me réjouit le plus c’est de monter sur scène. » — Meg Warren de Repartee

Bien qu’ils soient toujours de fiers Terreneuviens (« à 100 % », dit-elle, « c’est pour nous un honneur »), le batteur du groupe, Nick Coultas-Clarke, et elle-même se sont récemment installés à Toronto. Le guitariste Robbie Brett et le claviériste John Banfield les suivront sous peu.

C’est que c’est à Toronto que leur maison de disque, Sleepless Records, se trouve. Ils y ont été mis sous contrat il y a un an après que Warren leur ait fait parvenir trois récentes créations non sollicitées par courriel. « J’ai tenté ma chance », dit-elle simplement. Quelques mois plus tard, elle était à Toronto et a croisé un des dirigeants du label qui lui a proposé une rencontre. « Le reste », ajoute-t-elle en riant, « appartient à l’histoire?! »

Mais cela ne signifie pas pour autant que tout a été rose. À l’époque, le groupe venait tout juste de terminer la création de suffisamment de matériel pour un deuxième album, matériel dont ils étaient très fiers, mais qui allait être rejeté en bloc. « Ce fut une première difficile à avaler », avoue l’artiste. « Ils nous ont dit “vos chansons sont bonnes, mais du point de vue de la réalisation, ce n’est pas ce que nous recherchons”. »

Ayant foi en leur gérant, Alex Bonenfant, le quatuor est retourné en studio et a créé un nouvel album. « Je crois qu’ils voulaient réduire notre facteur pop un peu », explique Warren, avouant du même souffle qu’elle apprécie que des gens avec une bonne expérience de l’industrie contribuent au processus créatif du groupe après tant d’années à tenter d’y arriver seuls. « On n’a plus l’impression d’être seuls au monde, maintenant?! »

C’est While Warren et Brett, qui se sont connus à l’école de musique, qui sont les principaux auteurs-compositeurs pour le groupe, et depuis environ un an, ils ont également commencé à créer en studio avec d’autres artistes. « Nous n’écrivions pas de cette façon auparavant », confie-t-elle. « On se louait un local de pratique, à l’ancienne, équipés d’une guitare et de quelques accords, et c’est là que nous écrivions. »

Warren note ses idées de chansons dans une appli sur son téléphone au gré de son inspiration et elle avoue être particulièrement attirée par des chansons qui abordent des thèmes sombres enrobés d’une musique légère et entraînante, citant au passage Lily Allen comme influence. « Elle aborde des sujets sombres et lourds sur des musiques pop sémillantes », explique-t-elle joyeusement. C’est ce que je veux faire. »

La scène est son élément naturel et bien qu’elle avoue s’acclimater de plus en plus à la vie en studio (« ç’a longtemps été un simple moyen pour arriver à mes fins »), c’est encore et toujours sur scène qu’elle se sent le mieux. « Ce que j’aime quand nous sommes en spectacle, c’est de créer un lien avec le public et de partager cette expérience avec plein de gens », raconte-t-elle avec un enthousiasme palpable. « J’aime créer de la musique à n’en point douter, et j’adore la musique en général et le processus créatif, mais ce qui me réjouit le plus c’est de monter sur scène. »

Cette joie se reflète même dans ses choix vestimentaires lorsqu’elle monte sur scène : la réputation de Meg Warren et ses costumes élaborés — qui sont tous cousus à la main par sa mère — n’est plus à faire. Elle se souvient d’avoir déniché une robe dans un magasin de vêtements de seconde main, et sa mère s’est empressée de rentrer à St-Jean avec celle-ci et de la transformer juste à temps pour le lancement de l’album de Repartee. Lorsque Meg l’a enfin vue, la robe était devenue « cette chose brillante » que sa mère, une « ninja de la couture », avait créée pour elle. « Je suis si chanceuse », soupire la jeune femme.

Meg Warren se sent tout aussi choyée par les familles de ses musiciens, qu’elle décrit comme « les parents les plus cools du monde », tout comme elle est reconnaissante des fans de Repartee, surtout le contingent terre-neuvien, qui les accueille avec autant de chaleur à chaque fois.

Malgré les hauts et les bas de la vie de musicien en tournée au Canada, Meg Warren est toujours aussi convaincue de son choix de carrière. « Je vis un rêve », affirme-t-elle avec émotion. « Ma vie est un rêve. »