L’écriture de Bachman a toujours tourné autour du « hook ». « Les chansons qu’on aime le plus sont les chansons dont on se souvient », dit-il. « À l’intérieur de ces chansons, il y a de petites parties qui se démarquent, c’est ça qu’on appelle le “hook”, c’est le bout de la chanson que vous chantez à chaque fois et qui fait que vous l’aimez tant. Vous écoutez les couplets et l’histoire qu’ils racontent, mais ce qui fait que vous vous souvenez d’une chanson, c’est son “hook”. »

Il est également l’apôtre des intros simples et mémorables grâce à un riff ou une figure mélodique qui sera immédiatement reconnaissable et qui vous accroche dès le départ. Pensez à « Day Tripper », « Oh, Pretty Woman » ou Folsom Prison Blues ». Maintenant, pensez à « American Woman », « Takin’ Care of Business » ou encore « No Time ».

Ces « hooks » mémorables et ces intros simples, mais ô combien efficaces grâce à de puissants « riffs » ont toujours été le pain et le beurre de l’écriture de Bachman. Il raconte qu’il a vraiment compris ce principe lorsqu’il a composé l’intro au piano pour « These Eyes ».

« Vous écoutez les couplets et l’histoire qu’ils racontent, mais ce qui fait que vous vous souvenez d’une chanson, c’est son “hook”. »

« Lorsque je l’ai jouée pour Burton Cummings, il a dit “c’est tellement primitif, plus bas dénominateur commun et simple; jamais je n’aurais pensé à ça”, mais c’est parce qu’il est un pianiste accompli et qu’il pense en termes de boogie-woogie, vous voyez. Tout est dans les petites choses simples. »

Dans le Grand livre de l’écriture de hits de Bachman, il n’y a aucune place pour le nombrilisme ou la prétention. « Si vous écrivez pour vous-même, vous ne vendrez qu’un seul disque », lance-t-il à la boutade. « Le but n’est pas de plaire aux autres musiciens, de toute façon ils sont aussi fauchés que vous; c’est à la masse que vous devez vendre votre salade. »

Son nouvel album – intitulé Heavy Blues – est son 13e album solo et représente une chance de plus de joindre les masses. C’est également pour lui une opportunité d’aborder un territoire musical familier avec une nouvelle approche. Il propose 11 pièces dont l’ADN remonte directement au blues rock qui dominait la scène dans les années 60 et 70 grâce à des légendes telles Cream, The Who ou Led Zeppelin, une époque que Bachman connaît très bien, de toute évidence.

Toutefois, plutôt que de demeurer en territoire connu, son producteur, Kevin Shirley (Iron Maiden, Rush, Led Zeppelin), a encouragé Bachman à écrire de nouvelles chansons blues de son propre cru. Il a accepté le défi et l’a abordé comme un exercice d’écriture.


« J’ai approché l’exercice en me disant “quelle est l’essence de cette pièce ?” J’ai donc gardé le tempo et le rythme, mais j’ai écrit mes propres trucs. J’ai pris le riff de “Sunshine of Your Love” et je l’ai encore plus simplifié; je n’ai gardé que trois notes sur huit. J’ai construit ma chanson Bad Child autour de la pièce “Manic Depression” de Jimi Hendrix qui est en 6/8. »

Bachman affirme qu’il a aimé le défi « d’écrire de nouvelles pièces blues en recyclant de vieux trucs afin d’en faire quelque chose que jamais personne n’a entendu tout en leur donnant une impression de déjà vu. »

Son ami Neil Young lui a donné un conseil : « Il m’a dit “fait quelque chose d’entièrement nouveau. Achète-toi une nouvelle guitare, de nouveaux amplis. Monte un nouveau groupe. Réinvente-toi et fais-toi peur; c’est une bonne chose d’avoir peur, ça garde alerte, c’est excitant et ça fait circuler l’adrénaline.” » Bachman a donc mis sur pied un nouveau « power trio » blues rock pour l’enregistrement de l’album. Il a recruté le batteur Dale Anne Brendon, qui a notamment participé à la production Stratfordienne de l’opéra rock Tommy des Who, ainsi que la bassiste Anna Ruddick du groupe montréalais Ladies of the Canyon. Aucun d’eux n’avait joué ensemble avant d’arriver au studio.

« Ces deux dames m’ont donné des performances très puissantes », raconte Bachman. « Kevin Shirley s’est emparé de cette énergie et de cette synergie et il nous poussait inlassablement en nous disant “Jouez plus vite! Jouez plus fort! Encore plus fort!” »

Neil Young a également participé à l’album, contribuant sa guitare électrique à une des pièces, tout comme bon nombre de guitaristes réputés, dont Joe Bonamassa, Peter Frampton, Robert Randolph, Luke Doucet et même le regretté Jeff Healey.

Maintenant que « Heavy Blues » est sur le marché, le « power trio » de Bachman fait cet été la tournée des festivals de blues canadiens, en plus de quelques concerts aux États-Unis.

« J’adore monter sur scène avec les filles », confie Bachman. « On ne répète pas. Tout est très spontané. Il y a ce frisson d’imperfection lorsqu’est sur scène. J’y trouve un équilibre intéressant entre mon groupe classic rock habituel et les moments d’abandon et de folie que nous nous permettons avec les filles en jouant toutes sortes de blues. »

L’enthousiasme de Randy Bachman est palpable et contagieux. Ce nouveau projet, de toute évidence, l’a revigoré, lui a redonné un élan. Peut-être aimerait-il que quelqu’un d’autre interprète ses chansons, mais ces nouveaux bleus sont du type à faire sourire.