Article par Olivier Robillard Laveaux | jeudi 4 aot 2016
Mettez un instant de côté l’image totalitaire et répressive que vous avez de la Chine. Pas que le pays soit devenu un exemple de démocratie ou du respect des droits de l’homme – loin de là –, mais suffit de discuter avec les gars du Québec Redneck Bluegrass Project pour comprendre qu’il existe une autre Chine que celle décrite dans L’État du monde.
« La grosse bière coute 50¢, le pot pousse dans la rue, et si tu es un musicien étranger, tu peux faire à peu près n’importe quoi », explique le guitariste et chanteur du groupe JP Tremblay. « Là-bas, tout le monde veut prendre des photos avec toi, surtout si tu es blanc et que tu joues de la guitare. »
Originaire de Chicoutimi, le compositeur parle en connaissance de cause. Il a vécu en Chine de 2006 à 2013, à Kunming. C’est là qu’il a fondé Québec Redneck Bluegrass Project avec des colocs québécois qui, lors d’un voyage à travers l’Asie, s’étaient aussi enfargés les pieds dans le sud-ouest de la Chine.
« Je jouais déjà de la musique. J’avais survécu en Grèce pendant trois mois juste en jouant dans la rue. Mais en Chine, c’était spécial. On a vite constaté que les musiciens étrangers y étaient considérés comme des demi-dieux. Même pas besoin d’être bon », rigole Tremblay. « Lorsqu’on a fondé le groupe, on s’est mis à faire des concerts corporatifs, des monkeys show comme on les appelait. Les gens de compagnies comme Mercedes ou BMW étaient vraiment contents de s’offrir les services d’un groupe « exotique » pour leurs partys. On faisait ce qu’on voulait. Parfois, on se faisait embaucher pour jouer du jazz alors qu’on joue pas une maudite note de jazz. Pas grave! Les patrons voulaient quand même tous leur photo avec nous. »
En plus des corpos, la formation organisait ses propres tournées à travers la Chine, mais aussi le Laos, la Thaïlande et l’Inde. À plus de 10 000 km de la Belle Province, Québec Redneck Bluegrass Project est devenu une machine de guerre et de brosse; un groupe explosif sur scène avec ses compositions et ses reprises bluegrass livrées avec aplomb et bonne humeur. Le documentaire La Route de la soif a d’ailleurs été tourné lors d’un périple à travers la Chine.
« Des histoires, je pourrais t’en raconter mille. On a traversé la frontière entre la Chine et la Birmanie en pleine jungle avec des soldats qui voulaient savoir si on courrait vite et si on avait peur des balles. On a organisé pendant deux ans un festival de musique en banlieue de Kunming en soudoyant l’armée à coup de caisses de bières. Disons qu’il ne fallait pas être trop nerveux. »
Or, l’adrénaline des débuts est maintenant loin derrière. Habitué de revenir au Québec l’été pour de courtes tournées estivales, QRBP est de retour au bercail en permanence. « La route vers Tadoussac et Rouyn est peut-être moins excitante que la jungle birmane, mais pareil, on a pogné le clos l’autre jour dans le coin de Québec quand notre van a perdu une roue. L’important, c’est la destination. On est en masse capable de l’échapper et d’avoir du fun partout au Québec. Même que ça commençait à être moins le fun en Chine. La curiosité face à l’étranger s’estompe avec le temps, et les policiers peuvent maintenant débarquer dans les bars et faire passer des tests d’urine aux clients pour les arrêter s’ils ont pris de la dope. Ça devient fatigant. »
Complété par Nick Flame (mandoline), François Gaudreault (contrebasse) et Madeleine Bouchard (violon) le groupe organise sa transition depuis déjà quelque temps. Ses albums Scandales et bonne humeur (2014), 3000 boulevard de Mess (2011) et Sweet Mama Yeah! (2010) sont disponibles au Québec depuis l’an dernier. Le prochain disque est en chantier.
« Malgré ses 1,3 milliards d’habitants, il n’y avait que trois groupes bluegrass en Chine. Donc oui, les attentes ne sont pas les mêmes ici. On travaille en malade sur le quatrième disque qui devrait sortir cet hiver pour coïncider avec notre 10e anniversaire. Les tounes sont bonnes, et j’ai vécu en masse d’histoires inspirantes pour les textes. » Comme la fois où tu t’es fait emprisonner en Chine? lance-t-on à la blague. « Entre autres, mais j’y suis pas resté longtemps. Quelques heures seulement pour bris de matériel. Les flics étaient cool. Ils m’amenaient du thé et des cigarettes. »
Décidément, même les gardiens de prison chinois aiment le Québec Redneck Bluegrass Project!
Photo par courtesy of/courtoisie de Buzz Records. (Weaves)
Entrepreneurs : Une affaire de Buzz (Records)
Article par Stuart Berman | mardi 9 aot 2016
Comme pour toute histoire de rock and roll qui se respecte, tout a commencé dans un garage.
Dissimulé derrière le vénérable bar de blues Grossman’s dans le quartier chinois de Toronto, ce garage ouvrait ses portes au public en 2011 pour servir de vitrine à une souche résolument nouvelle de rock de guitare, un rock aussi sale et aussi laid que la ruelle couverte de graffitis et infestée de rats dans laquelle on le jouait à tue-tête. Cet espace sans nom ne pouvait accueillir qu’une cinquantaine de personnes à la fois, mais il y régnait une chaleur – au sens propre et au sens figuré – qui attirait les meilleurs jeunes artistes indie, punk et noise de Toronto et d’ailleurs. C’est notamment là qu’ont fait leurs premières armes le groupe punk rock vancouverois White Lung et le groupe électro-collagiste montréalais Doldrums avant d’attirer l’attention des étiquettes internationales et des festivals européens.
Un des spectateurs qu’on apercevait souvent au garage était Ian Chai. Il n’était pas un visiteur ordinaire, ne serait-ce que parce qu’il il avait une dizaine d’années de plus que les jeunes qui fréquentaient l’endroit. Mais, comme il l’explique en riant, « puisque je suis de type asiatique, personne ne se demandait qui était le vieillard dans l’assistance.» Chai avait des racines punk rock et les tatouages qui vont avec, mais il les dissimulait sous son costume pendant la journée.
Avocat de société à l’époque, Chai avait travaillé en Europe pendant une bonne partie des années 2000. À son retour dans sa ville natale de Toronto en 2011, il avait réalisé qu’il ne tenait pas à passer le reste de sa vie derrière une pile de dossiers. Il a alors décidé de joindre ses compétences en négociation à sa passion pour la musique en devenant gérant d’artistes. Il y avait un seul problème : « Quand je suis revenu à Toronto, explique-t-il, j’en avais été absent pendant cinq longues années, et ma connaissance de la scène locale était très limitée. »
Chai a donc décidé de faire ce que tout bon juriste aurait fait à sa place : étudier. Ses recherches sur la musique indie torontoise ont été grandement accélérées par sa rencontre avec Dean Tzenos, un ancien membre du groupe avant-grunge local Ten Kens qui était en train de lancer le groupe Odonis Odonis, un projet plus gothique, et qui avait besoin de conseils juridiques. Ayant appris que Chai s’orientait en gérance, Tzenos l’introduisit dans le milieu qui se développait autour du fameux garage de Chinatown, qui était animé par Denholm Whale, membre du groupe de Tzenos, ainsi que par Jude (seulement Jude), membre du groupe scuzz-punk HSY, et Stefi Murphy, artiste visuel résident de la salle. (Les trois compères louaient tour à tour l’appartement du sous-sol de la maison voisine pour s’assurer que ce loyer raisonnable – et l’accès au garage – reste dans la famille.)
« J’étais vraiment sceptique, admet Chai. J’étais comme, “Minute, j’ai pas besoin qu’une bande de jeunes de 19 ans me disent à quel point ils sont punk!” Mais ils avaient vraiment la vision de bâtir un espace communautaire et d’en faire le point de départ d’une future étiquette. Il était évident qu’on partageait les mêmes principes. »
Comme il fallait s’y attendre dans le Toronto des années 2010, le propriétaire du garage décida un jour de le transformer en appartement afin de pouvoir augmenter ses revenus locatifs. Après 18 mois de soirées trempées de sueur, l’endroit – qui était alors connu sous le nom de Buzz Garage – fut verrouillé en 2012. Or, si l’équipe du Buzz ne pouvait plus faire connaître les groupes rock underground les plus excitants à une petite bande d’inconditionnels du centre-ville de Toronto, elle pouvait en revanche les présenter au reste du monde grâce à la sagacité esthétique de l’équipe du garage et au sens des affaires de Chai.
« Je pense que c’est pour ça que les artistes aiment travailler avec nous – on a les même valeurs et on adore la musique bruyante. » – Ian Chai, de Buzz Records
Initialement, l’activité discographique de Buzz Records fut un prolongement pur et simple du rôle précédemment joué par le garage, et l’étiquette produisait fièrement les enregistrements discordants de groupes affiliés comme Odonis Odonis et HSY. Mine de rien, chaque nouvelle parution servait de rampe de lancement pour le prochain enregistrement, et le premier band à percer au sud du 49e parallèle fut Weaves, un groupe d’excentriques art-pop qui s’est vu reconnaître par Rolling Stone comme un « band à surveiller » après le lancement de son EP de 2014. Sorti en 2015, Sore, le premier album des misanthropes grunge-scarred de Dilly Dally, a fait encore plus de bruit dans le monde et a même été recensé dans The Guardian et Pitchfork. Cette renommée internationale, à son tour, a créé un climat favorable pour l’accueil critique des enregistrements des agitateurs noise-punk de Greys et des Weaves susmentionnés, deux formations qui parcourent l’Europe cet été après avoir lancé un album éponyme complet.
Le chanteur des Weaves, Jasmyn Burke, attribue une bonne partie de ce succès à Chai lui-même et à son entêtement à faire connaître la musique de ses groupes aux bonnes personnes. « Ian est un passionné et même parfois un extrême, explique-t-il. Il sait mettre de la pression sur les médias et les festivals pour s’assurer que vous y soyez dûment représentés, et il y a des moments où vous devez être strict avec les gens. Mais vous avez besoin de monde comme ça [comme Chai] – de gens qui n’ont pas peur de poser des questions, de frapper aux portes et de brasser la cage pour réussir. »
En un sens, l’évolution de Buzz n’est pas différente de celle de groupes indie canadiens plus connus comme Arts & Crafts et Last Gang, qui sont eux aussi le fruit de collaborations entre des professionnels aguerris et de jeunes cobayes idéalistes. En même temps, Buzz s’est vite rendu compte que, aujourd’hui, le travail d’une maison de disques ne se résume pas à vendre des enregistrements. Parallèlement à son étiquette de type traditionnel, Buzz a donc lancé une couple d’autres services spécialisés sur le thème de l’abeille, Beeswax Booking et Hive Mind PR, à l’intention des groupes de Buzz et d’autres formations.
Mais même si Arts & Crafts et Last Gang sont essentiellement devenues d’importantes nouvelles étiquettes canadiennes – avec des disques d’or et des statuettes Juno sur la cheminée et du financement de FACTOR en banque – Chai ne prévoit pas que Buzz s’orientera dans une autre direction. Même si sa philosophie « faites-le vous-même » n’a pas empêché l’étiquette de conclure un entente de distribution (d’ailleurs éphémère) avec Sony Music Canada et si Chai a lui-même fait partie du personnel de direction d’Arts & Crafts pendant un certain temps, l’acceptation de l’industrie musicale canadienne institutionnelle ne l’intéresse pas, chose que le caractère carrément abrasif de la musique qu’il représente ne favorise de toute façon.
« Oui, je veux payer mon loyer et manger, explique Chai, mais le genre de A&R que nous choisissons n’est pas celui d’une étiquette qui veut décrocher la lune. Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas de plans de développement, mais je ne crois pas que nous soyons le genre d’étiquette à compter sur l’aide de FACTOR. » Weaves et Greys en ont pourtant obtenu pour la production de leurs derniers enregistrements, reconnaît Chai, « mais l’étiquette de prend pas ses décisions en fonction des subventions disponibles. »
Chai préférerait que Buzz serve de carrefour à un réseau international d’étiquettes américaines et britanniques apparentées pour faire connaître la marque Buzz dans d’autres territoires. (Weaves ont signé des contrats avec Memphis Industries sur le scène internationale, et avec Kanine Records aux États-Unis; Dilly Dally ont signé avec Partisan Records hors du Canada; et les lancements américains de Greys sont orchestrés par Carpark Records.) Plus ses groupes pourront se produire en tournée et se faire de fidèles à l’étranger, plus Buzz touchera de revenus de gestion et de gérance et plus le logo manuscrit de Buzz deviendra un emblème de qualité. Les artistes de l’étiquette – dont les styles vont maintenant du dream-pop strident de Twist à l’électro stroboscopique Bad Channels – n’ont pas nécessairement le même son, mais vous pouvez compter sur le fait qu’ils répondent tous à la même rigueur esthétique.
« C’est intéressant », observe Jasmyn Burk, membre de Weaves. « En tournée, les gens nous posent des questions au sujet de Buzz, et je suis souvent surpris de voir qu’ils connaissent tous les groupes de l’étiquette. On a vraiment l’impression d’appartenir à une communauté. Ce qui se passe à Toronto à l’heure actuelle, c’est que les groupes font tout pour remporter un succès international. Donc je crois qu’il y a une saine concurrence au sein de notre étiquette [Buzz Records]. On peut aller plus loin si on le fait ensemble. Dilly Dally passe autant de temps que nous sur la route, et c’est agréable de pouvoir appeler d’autres musiciens et leur demander comment ils composent avec des tournées qui peuvent durer jusqu’à trois mois. Ça fait du bien d’avoir des gens avec qui parler. »
Malgré tout, comme c’est le cas de toutes les maisons de disques qui connaissent leurs premiers succès, Buzz est à la croisée des chemins. Le fait qu’un des premiers groupes de l’étiquette, Odonis Odonis, ait décidé de lancer son dernier disque, Post Plague, sur une autre étiquette indie torontoise, Telephone Explosion, suggère que Buzz est au seuil de la prochaine étape inévitable de son évolution, celle où les besoins particuliers des membres du groupe commencent à ne plus correspondre à la vision d’ensemble. (Tzenos n’a pas voulu commenter cet article, mais son collègue Whale est toujours actif au sein de Buzz où il dirige le service d’agence de spectacle.) Chai essaie actuellement de voir si le modeste personnel interne de Buzz (trois salariés à temps plein et deux à temps partiel) est suffisant pour gérer la demande grandissante pour ses artistes à travers le monde ou s’il lui faudra se joindre à une organisation cadre disposant de ressources plus importantes. Se gardant de révéler la nature de ses projets d’expansion, il insiste pour dire que, quoi qu’il arrive, la nouvelle manière renforcera la vision de l’étiquette plutôt que de l’embrouiller.
« Nous avons des plans de développement de 6, 12 et 24 mois pour chacun des artistes avec lesquels nous travaillons. Il ne s’agit pas de plans rigides, mais il faut décidément que nous ayons une vision d’ensemble en même temps – autrement, comment pourrions-nous voir si notre démarche réussit? Nous ne croyons pas au pourcentage de 1 sur 20 pour le succès de nos artistes. Nous savons que le modèle utilisé par l’industrie jusqu’à ce jour veut qu’un groupe couvre les frais d’exploitation de trois à cinq ans. Nous ne baserons pas nos activités de A&R là-dessus. On va épauler les groupes qu’on tient à épauler et en faire autant pour un groupe bruyant et dissonant comme Greys que pour un groupe pop comme Twist. Et je pense que c’est pour ça que les artistes aiment travailler avec nous – on a les même valeurs et on adore leur maudite musique bruyante. »
Photo par James Dean
Linda McRae: Inspirée par son rôle d’animatrice d’ateliers d’écriture en prison
Article par Kerry Doole | jeudi 4 aot 2016
Le spectacle de Linda McRae au Rogue Folk Club de Vancouver le 4 septembre 2016 ne sera pas une prestation comme les autres : il marquera l’intronisation de l’auteure-compositrice-interprète roots au British Columbia Entertainment Hall of Fame à titre de pionnière. « Ça m’a beaucoup surpris, confie-t-elle, mais je suis ravie de cet honneur. Ma fille a crié de joie en apprenant la nouvelle au téléphone. »
Voilà une reconnaissance bien méritée pour un parcours qui a amené la musicienne à se produire au sein de plusieurs groupes vancouverois dans les années 1980 et à faire partie de Spirit of the West à l’époque où le groupe était au faîte de son succès commercial (1989-1996) avant d’entamer une carrière d’artiste exécutante qui a généré six albums à ce jour.
Cette musicienne chevronnée ne donne aucun signe de fatigue. Son plus récent album, Shadow Trails, sorti en 2015, était son troisième en trois ans (l’album de 2014, Fifty Shades of Red, était une compilation), et elle continue de se produire fréquemment en tournée au États-Unis et au Canada.
Linda McRae se rappelle l’effet énergisant de sa première visite dans une prison. « En octobre 2011, mon mari [le poète] James Whitmire et moi avons été invités à participer au programme « Arts-in-Corrections » à la New Folsom Prison en Californie. Ce fut pour nous une expérience absolument incroyable, et on nous a témoigné tellement de respect et de gratitude simplement pour le fait d’être là. Nous y sommes retournés environ huit fois. Puis nous avons décidé que nous voulions travailler avec des détenus et des jeunes à risque et les aider à se trouver une voix et à mettre des mots sur leurs pensées. »
Il en est résulté un atelier d’écriture littéraire intitulé Express Yourself. La chanteuse avait décidé de faire porter ces ateliers sur la création littéraire plutôt que sur l’écriture de chansons afin de pouvoir intéresser le plus grand nombre de candidats possible. « Ce n’est pas tout le monde qui sait jouer d’un instrument, donc je parlais d’un atelier de création littéraire pour que tous puissent participer, explique-t-elle. J’anime aussi des ateliers d’écriture de chansons comme je le ferai en mars prochain au camp musical de Haliburton. J’y adapte parfois des exercices que je fais faire aux participants des ateliers de création littéraire. »
Linda McRae observe que certains détenus et jeunes à risque font preuve d’une aptitude phénoménale pour la création littéraire. « Ils sont souvent très étonnés de voir ce qu’ils arrivent à écrire, explique-t-elle, d’autant plus que plusieurs d’entre eux n’ont jamais pratiqué cet art auparavant. C’est une démarche intéressante où il faut structurer les ateliers de manière à ce que personne ne termine l’exercice dans la déprime. Il faut les inciter à la réflexion et les aider à être fiers d’eux-mêmes. »
Le gardien adjoint du Nebraska Correctional Center for Women, Tim Miller, confirme le succès de ces ateliers dans un témoignage où il admet qu’il est « incapable d’expliquer comment deux personnes peuvent se présenter dans une prison, y rencontrer de parfaits inconnus et créer instantanément une complicité avec eux. Je ne comprends pas comment James et Linda arrivent à ouvrir des êtres refermés depuis longtemps sur eux-mêmes et les amener à coucher sur papier leur vie, leurs objectifs et leurs rêves en en prenant pleinement conscience. Je ne peux expliquer ce phénomène, mais j’en ai été témoin. »
Linda McRae a été invitée à présenter ses ateliers en partenariat avec des festivals canadiens de musique aussi prestigieux que le South Country Fair, le Coldsnap Festival, le Vancouver Island Music Fest et le Folk Alliance International dans le cadre de leurs programmes de sensibilisation communautaire.
L’auteure-compositrice s’est inspirée de ces expériences en écrivant Shadow Trails, album dont une chanson, « Flowers of Appalachia », reprend une musique qu’elle avait composée sur un poème de Ken Blackburn, un détenu de la New Folsom Prison. « Cette musique est sortie directement de l’atelier de la prison, explique la chanteuse. C’était un poème de Ken qui m’allait droit au cœur, un poème incroyable qui parlait d’une vie ratée. Beaucoup d’histoires racontées dans les chansons de cet album m’ont été inspirées par des textes que j’ai lus et des anecdotes que j’ai entendu raconter durant l’atelier. »
D’autres chansons lui ont été inspirées par le Sud des États-Unis, une région qui a une profonde influence sur la musicienne depuis son déménagement à Nashville avec son mari il y a neuf ans.
Très admirée par ses pairs du monde de la musique, Linda McRae s’est toujours assuré la complicité des meilleurs artistes roots sur ses albums. Shadow Trails ne fait pas exception à la règle avec la section de rythme de John Dymond et Gary Craig (Blackie and the Rodeo Kings, Bruce Cockburn), le claviériste Steve O’Connor et le guitariste Steve Dawson, qui a également assuré la réalisation et le mixage.
Ce n’était pas la première fois que Linda McRae collaborait avec ces musiciens. « C’était comme un genre de réunion, explique-t-elle. Gary et John ont joué sur mon premier album solo, Flying Jenny [réalisé par Colin Linden], et Steve Dawson et Jesse Zubot faisaient partie de mon orchestre lors de la tournée qui a suivi le lancement de l’album. Tim Vesely, des Rheostatics, en était l’ingénieur, et j’aimais faire des spectacles avec son band quand je faisais partie de Spirit of the West. »
On remarque parmi les artistes invités à participer à l’enregistrement de Shadow Trails les noms bien connus de Ray Bonneville, de Fats Kaplin, de Gurf Morlix (réalisateur d’un précédent album de la chanteuse, Cryin’ Out Loud) et de Geoffrey Kelly, l’ancien coéquipier de la chanteuse dans Spirit of The West.
« J’ai eu tellement de plaisir à enregistrer l’album [au Woodshed, le studio de Blue Rodeo à Toronto], s’exclame l’artiste. Le studio est tellement confortable que la vibe est dans l’air. On a tout enregistré en direct en à peine trois jours. »
Linda McRae suscite les éloges unanimes de la critique depuis le début de sa carrière d’artiste solo. « Je ne me souviens pas d’avoir fait l’objet d’une critique cinglante, s’étonne-t-elle. Comme à n’importe quel auteur-compositeur, il m’arrive de perdre un peu confiance en moi-même et de me sous-estimer. Quand ça se produit, James me dit simplement : “Relis tes critiques !” ».