En 2018, Bonsound, l’une des plus importantes structures du milieu musical québécois, décidait de se faire pousser un nouveau tentacule : l’édition musicale. L’entreprise a confié à son agente de spectacles d’expérience Marie-Ève Rochon le mandat de développer ce nouveau département. Et ça roule : « Ce qu’il y a de bien avec le métier d’éditeur, c’est qu’il n’y a pas une journée pareille », dit-elle.

Bonsound faisait déjà de la production et commercialisation d’albums, de la production de concerts et de la gestion de carrière. L’édition musicale, un secteur de l’industrie en pleine croissance grâce aux nombreux débouchés qui s’offrent aux auteurs-compositeurs via la synchronisation (l’usage de musiques dans des productions audiovisuelles), vient ainsi compléter la gamme de services offerts par l’entreprise qui fêtera l’an prochain son 20e anniversaire.

Responsable des licences et éditions chez Bonsound, Marie-Ève Rochon a appris le métier d’éditrice en bâtissant son nouveau département. Dès son entrée en fonction, « je me suis inscrite à la formation offerte par l’Association des professionnels de l’édition musicale (APEM), j’ai beaucoup appris de ça », dit-elle en reconnaissant aussi l’importance de celui qu’elle présente comme son « mentor » dans le métier, David Murphy, dont l’expérience en tant qu’éditeur musical l’a mené à fonder sa boîte spécialisée dans la gestion de droit en musique et audiovisuel et qui épaule Bonsound avec son administration.

Bonsound, Marie-Ève RochonMarie-Ève Rochon explique la réflexion des fondateurs de Bonsound ayant mené au développement du département d’édition par différents facteurs apparus avec la transformation de l’industrie de la musique, à commencer par le besoin de diversifier les revenus de l’entreprise : « On a déjà décroché un disque d’or avec un des albums de Lisa Leblanc – on ne verra sans doute plus ça », illustre-t-elle. La chute des revenus tirés de la vente d’albums a poussé des labels à se tourner davantage vers la production de spectacles et à s’intéresser à la synchronisation.

Par ailleurs, « les éditeurs établis gèrent déjà d’énormes catalogues d’œuvres, ajoute Rochon. Nous sentions qu’il y avait de la place pour qu’on offre du soutien aux artistes francophones, ce qui nous permet aussi de nous impliquer dans l’aspect créatif des auteurs-compositeurs », notamment en organisant des camps d’écriture avec les musiciens de l’écurie Bonsound.

Il n’y a rien de redondant dans le métier d’éditrice, même dans l’administration, estime Marie-Ève Rochon. « Pour en revenir à l’apprentissage du métier, j’ai bénéficié de la structure déjà en place à Bonsound : c’est là que j’ai appris à faire de la comptabilité », essentielle au métier. « Moi, je ne trouve pas ça plate, s’assurer que tout est bien déclaré, faire du suivi sur les demandes, etc. J’ai été chanceuse : je suis partie de zéro en édition, mais j’avais une structure et une expérience derrière moi. »

Si le métier d’éditeur musical consiste essentiellement à valoriser un catalogue d’œuvres – autour de 500 chansons chez Bonsound, représentant une vingtaine d’artistes -, cette valorisation, qui se mesure en rayonnement autant qu’en revenus, passe aujourd’hui beaucoup par le placement d’œuvres dans la pub, le cinéma et la télé. Ainsi, le succès d’une maison d’édition dépend en partie de l’étendue de ses relations avec ces milieux.

« Chez Bonsound, on met beaucoup d’énergie dans le développement international depuis deux ou trois ans, dit Marie-Ève. On participe à plein d’événements de réseautage, des vitrines, dans le but d’entrer en contact avec les superviseurs musicaux », acteurs clés de la nouvelle économie musicale qui agissent comme entremetteurs de musique dans des productions audiovisuelles.

Ainsi, Marie-Ève dit recevoir chaque semaine environ une trentaine d’appels d’offres musicales (des « briefs ») de la part de ses contacts superviseurs en quête de la bonne chanson pour tel nouveau projet de série télé ou de pub. La majorité d’entre elles lui arrivent de Los Angeles, les autres du Canada anglais et de l’Europe. Il faut constamment préparer des listes de lectures spécifiques aux besoins des superviseurs musicaux, ou prendre les devants et leur soumettre les nouvelles œuvres des artistes pris en charge par Éditions Bonsound.

« L’important est de se faire des contacts, puis de les maintenir, précise l’éditrice. Par exemple, on prépare des newsletters dédiées aux superviseurs musicaux, dans lesquelles on présente nos nouveautés. Le démarchage est un travail à long terme, avec le risque de finir par achaler nos contacts, parce qu’on peut bien imaginer que les superviseurs musicaux sont des gens extrêmement sollicités ! »

En cinq ans, le travail de Marie-Ève a porté fruit, « mais je vois encore le département comme une start up : on est tout nouveaux dans le milieu de l’édition, alors on est encore dans l’investissement, mais c’est prometteur, quelque chose qu’on bâti tranquillement », notamment en s’outillant d’un site web destiné aux superviseurs musicaux.

C’est un travail qui se fait aussi en synergie avec les autres départements de la boîte : « Lorsqu’on a un projet de synchro, c’est toujours pratique d’avoir le gérant d’un artiste assis au bureau d’à-côté ! », illustre Marie-Ève, qui travaille également en collaboration avec les auteurs-compositeurs.

« Il y a encore beaucoup d’éducation à faire auprès des artistes à propos de la fonction de l’éditeur, reconnaît-elle. Et aussi de l’éducation sur la manière de bien s’outiller : par exemple, lorsqu’un artiste enregistre un album, on lui recommandera de s’assurer d’avoir les versions instrumentales des chansons, ou les stems », des pistes distinctes des éléments d’une chanson faciles à partager, « très importants lorsqu’on travaille en publicité ».