Depuis les premiers accords de novembre 2006, dans l’arrière-boutique d’une menuiserie de Contrecœur, les membres d’On a créé UN MONSTRE apprivoisent à la vitesse grand V la bête du show-business. Ou plutôt de la scène indie-pop-rock québécoise. « Tout est allé très vite, confirme Antoine Lachance. On a été tellement occupés qu’on n’a pas eu le temps de réaliser ce qui nous arrivait. » Comme si le trio de jeunes trentenaires avait eu pour son nom de groupe, choisi sur un de coup de tête, une vision prémonitoire.

Pas étonnant. Dans tout ce qu’ils font, François Larivière (bassiste, chanteur soliste, parolier principal), Antoine Lachance (guitariste, claviériste, chanteur, compositeur) et Ghislain Lavallée (batteur) carburent à l’intuition. Il faut dire qu’à l’époque, François, Ghislain et Félix-Antoine Viens, membre du groupe jusqu’en 2011, avaient eu tout le loisir de développer des atomes crochus au sein de Manchester, leur band punk rock de Sorel. « J’avais moi aussi un groupe, et nous nous sommes connus dans les bars de la région, » explique Antoine, qui s’est joint à oacUM en 2009. « François a étudié la guitare au cégep et je poursuis une formation en chant à l’UQAM. Ghislain et Félix-Antoine, eux, sont des autodidactes à l’instinct très fort. C’est bien, parce que le mélange de nos expériences nous a enrichis. »

« Une image, une situation, une ambiance, le feeling du moment, tout peut déclencher l’écriture.»

Retour sur image. Au fil de rencontres débridées, de jams désinvoltes en discussions animées, des chansons prennent forme, qui se retrouvent un jour sur Myspace. Le bouche-à-oreille fait son œuvre. Le groupe participe aux Francouvertes de 2008, puis enregistre un EP avec l’aide de Renaud Bastien (Cœur de pirate, ex-Malajube), Sorelois lui aussi et ami de longue date. En 2010, Slam Disques prend OacUM sous son aile. Ce qui donne l’année d’après un premier opus, intitulé L’Iceberg et lancé au Divan Orange devant un public conquis. Très vite, l’extrait « Dorval », porté par un clip de Jessy Fuchs, se taille une place à MusiquePlus, sur les ondes de Radio NRJ et dans de nombreux palmarès, y compris le TOP 100 BDS et le sommet de radio satellite XM. « 5,0 », « Je pleure ou je ris » et « Brûle» tracent aussi leur sillon. Dans la foulée, les spectacles s’enchaînent : Pandamonium des JUNOS à Ottawa, Rencontres de l’Adisq où le band reçoit une bourse Sirius, première partie de Jean Leloup au Festival de la Gibelotte et prestation remarquée aux FrancoFolies de Montréal, en 2011.

Avec une facture pop teintée de rock, une guitare agressive, la prépondérance de la voix et des textes universels, le groupe séduit un public de tous les âges. « Nos racines sont punk, mais nous avons tous les trois des inspirations et des goûts très différents, commente Antoine. The Weakerthans, de Winnipeg, nous ont par exemple beaucoup influencés avec leur palette très variée de folk, de country et de punk alternatif. Parmi nos références, il y a aussi Ben Howard, et beaucoup de Québécois comme Peter Peter, O Linea, Arcade Fire… » La critique, elle, n’a pu s’empêcher de rapprocher certaines sonorités de L’Iceberg de celles de Pinback, Three Mile Pilot, The Police ou encore Malajube.

Côté création, spontanéité et liberté sont invariablement au rendez-vous, sans faire toutefois l’impasse sur de costaudes remises en question. « François et moi arrivons souvent avec des squelettes de chansons, une ébauche de texte, quelques accords, raconte Antoine. C’est là que commence un bel exercice démocratique. On échange, on s’obstine, mais toujours au service de la pièce. Dès le départ, le français a été une évidence. Cette langue, on l’aime d’amour. Elle fait partie de notre identité, de ce qu’on est profondément. »

Pour La Dérive – le deuxième album paru en novembre, avec Renaud Bastien à la coréalisation et Jérôme Boisvert à l’enregistrement –, les gars ont délibérément choisi une tonalité plus sombre, et misé ici et là sur une texture pianistique. Question de se renouveler. « Une image, une situation, une ambiance, le feeling du moment, tout peut déclencher l’écriture, poursuit Antoine. Nos textes offrent souvent plusieurs niveaux de lecture. Nous voulons que chaque auditeur les interprète à sa façon. Le clip de “Le corps est lourd”, le premier single, peut pointer vers le thème du suicide. Pourtant, c’est l’idée d’un funambule que j’avais en tête quand j’ai écrit le refrain. “Charles-de-Gaulle (Paris)” découle d’une histoire vécue. “Ta langue sale” est une réflexion sur l’agression psychologique, une réalité à laquelle François a été sensibilisé par son travail auprès des autistes. “La dérive” parle du laisser-aller que peut causer une dépendance. C’est sans doute la chanson la plus noire de l’album. »

Pour l’instant, On a créé UN MONSTRE amorce une tournée de spectacles aux quatre coins du Québec. Mais qui sait, peut-être le groupe foulera-t-il bientôt les planches de France et de Navarre. Comme à ses débuts, le dynamique trio n’est sûrement pas au bout de ses surprises.