Quand elle est arrivée sur la scène en 2012 avec son premier album intitulé Aware, l’artiste alt-pop indépendante Nuela Charles l’avait pratiquement créé seule, de l’écriture à l’enregistrement et au lancement. Six ans plus tard, tout a changé pour la Kényane d’origine lorsqu’elle a participé à un camp de création ProWorks organisé par l’Association des auteurs-compositeurs canadiens. Du moins le deuxième jour de l’événement… Elle avait volontairement sauté la première journée.
« J’ai prétendu que j’étais malade lors de la première journée parce que j’étais terrifiée », raconte Charles qui a été finaliste aux JUNOs à trois reprises en plus de remporter récemment l’édition 2022 du Prix Elles de la musique de la Fondation SOCAN. « J’étais convaincue que je n’apporterais rien de bon parce que je n’avais jamais fait ça avant. J’avais peur que mes idées soient archi nulles. »
« Lors de la deuxième journée, on m’a mis en équipe avec Rob Wells et on a écrit la chanson « Melt. » C’était la meilleure chanson que j’avais écrite à ce jour et c’était ma meilleure performance vocale à vie. Ça m’a ouvert les yeux sur l’univers de la coécriture et je n’ai jamais plus regardé en arrière depuis. »
« Ç’a complètement changé ma trajectoire en tant qu’auteure-compositrice. J’aime simplement m’asseoir dans une pièce et essayer de créer quelque chose à partir de rien avec des personnes qui ne se sont probablement jamais rencontrées auparavant, la plupart du temps. Ça me permet de tout absorber. »
« Maintenant, j’ai une approche où je plonge, tout simplement, sans ego, sans vraiment attendre quoi que ce soit ; je suis ouverte et prête à recevoir et à partager. Je n’ai plus peur de partager des idées nulles parce qu’une idée nulle ça n’existe pas : ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas, c’est tout. Ç’a définitivement été une immense partie de mon développement en tant que créatrice. »
Elle est maintenant prête à entamer un nouveau chapitre, comme l’indique son récent simple « Awakening », et le prochain, « Worthy », sans compter que le prix Elles de la musique lui a indubitablement apporté une nouvelle confiance qui saura la propulser encore plus loin.
« Même si ça fait quand même longtemps que je fais ça, j’ai encore l’impression d’être au début de ma carrière, dans un sens », dit-elle. « C’est un bon feeling d’être reconnue et de savoir que les gens vibrent quand ils entendent tes chansons. C’est encore plus vrai en tant qu’artiste indépendante qui fait essentiellement tout seule, c’est un bon boost. C’est une validation qui vient de l’extérieur et qui te dit “hé, les choses vont bien pour toi!” »
Cette validation a été extrêmement importante pour Charles pendant cette période d’introspection, documentée en partie par « The Awakening ». « Je vis une période où je creuse pour trouver qui je suis. J’ai un peu l’impression de m’être perdue en essayant d’être Nuela Charles depuis 10 ans. Genre, qui suis-je sans la musique? »
« J’ai donc commencé à faire plus d’affirmations, et à me donner vraiment l’espace pour respirer, grandir, et simplement m’asseoir, sans nécessairement essayer de faire activement avancer ma carrière. “Awakening” est juste… arrivé – je posais un regard sur moi-même et sur mes débuts en tant que musicienne. J’étais ultra motivée, je voulais tout conquérir, mais 10 ans plus tard, plus rien ne m’excitait. »
« J’avais l’impression de m’être effacée au bénéfice des autres. Mais un moment donné, je me suis dit que c’était assez, que je le valais et que c’était mon temps de briller. Au départ, “The Awakening” était très downtempo et chill, avec une ambiance afrobeat, jusqu’à ce que mon producteur de Los Angeles [Matt Parad] me dise qu’on allait repousser les limites et ne pas se contenter de la première version démo. Quand il a écrit le refrain, je me suis dit “ça sonne comme un éveil” (awakening). She’s trying to be a flower/who found her super power/this is an awakening (librement : “elle essaie d’être une fleur/qui a trouvé son super pouvoir/c’est un éveil”). »
Ces jours-ci, Charles commence à écrire en notant des idées avant de les transmettre à Parad, qu’elle a également rencontré dans un camp de création.
« La plupart du temps, je crée l’ébauche dans mon petit studio maison à partir d’une idée de texte, d’une mélodie ou d’un échantillon », confie l’artiste. « “Worthy”, par exemple, a commencé au piano et j’essayais de saisir ce sentiment de ne pas être aimée ou de ne pas valoir la peine avant de réaliser que tu n’as pas le choix de croire que tu vaux la peine – c’est l’essentiel. »
« Je l’ai produite dans Logic et j’ai été capable de capter touts les parties, les arrangements, avant de l’envoyer à mon producteur qui a ajouté de la viande autour de l’os pour en faire la chanson qu’elle devait être. Matt est vraiment génial et il n’a pas touché au texte. Il m’a dit que c’est à moi de raconter mes histoires, mais qu’il était là si j’avais besoin d’un coup de pouce. C’est génial : il m’a donné la liberté de m’asseoir et de me demander “Qu’est-ce que j’ai besoin de dire qui va toucher les gens?” »
Partageant actuellement son temps entre Edmonton et Toronto, Charles prépare un album éponyme qui devrait sortir en septembre.
« Il comporte 10 chansons et je suis vraiment excitée », se réjouit-elle. « Tous les textes sont de moi et je suis très fière de ce qu’ils racontent ; c’est probablement l’album le plus personnel et le plus universel à la fois que j’ai jamais fait. J’ai l’impression d’avoir enfin atteint mon but. »
Viva la synchro!
Nuela Charles a réussi à placer ses chansons dans un certain nombre de séries télévisées – notamment Jane The Virgin et Tiny Pretty Things – et elle croit que les créateurs devraient explorer des opportunités de placement semblables s’ils en ont l’opportunité.
« C’est super important, ça représente à peu près 75 % de mes revenus », explique-t-elle. « Il s’agit de placements synchronisés et c’est amusant parce que, pour la plupart de mes chansons, j’écris toujours avec un scénario ou des images dans ma tête ; je m’imagine qu’il s’agit de la trame sonore d’un film qui n’existe pas. Mais c’est aussi là que les superviseurs musicaux et les réalisateurs ont pris des chansons et les ont placées dans leur propre récit et se sont amusés avec elles, ce qui est vraiment cool. »
« Ça ouvre un tout nouveau monde de personnes qui découvrent ta musique ; une grande partie de mes “streams” et de mes ventes en ligne viennent d’autres pays et de personnes qui ont entendu mes chansons par le biais d’émissions de télévision, que je n’aurais jamais pu atteindre sans ces placements. C’est majeur! »