Avec son deuxième EP Live Your Truth Shred Some Gnar, NOBRO se rapproche dangereusement de son objectif : être le groupe féminin le plus «kick-ass» de tous les temps.

NOBROD’emblée, le titre en dit long sur le quatuor punk rock montréalais : les filles de NOBRO « vivent leur vérité » de manière crue et authentique, dans leur musique comme dans leur quotidien. Par leur jeu rapide et fougueux, elles incarnent à merveille cette expression typique de l’univers des sports de glisse : « shred some gnar », prouesse qui consiste à descendre une montagne avec une vitesse et un enthousiasme exceptionnels, tout particulièrement lorsque les conditions sont difficiles. Dans le monde du rock, shredder s’applique aussi au jeu exceptionnel des guitaristes virtuoses.

« C’est notre mojo en général, jouer vraiment vite et de façon impressionnante », résume la percussionniste et claviériste Lisandre Bourdages, le sourire dans la voix.

Et pour ce qui est des conditions difficiles, disons qu’en tant que groupe féminin dans un univers à forte prédominance masculine, NOBRO est bien servi. « On est des femmes dans un milieu punk, donc c’est sûr qu’y’a fallu faire notre place. C’est probablement aussi un clin d’œil à tous les shows bruns qu’on a faits. Les conditions sont jamais faciles quand on commence. »

« Mais le rock, it’s a way of life », ajoute la guitariste et chanteuse Karolane Charbonneau. « Quand tu aimes ça, tu en fais… whatever les conditions ! »

NOBRO, c’est avant tout une histoire de détermination. Musicienne d’expérience, la chanteuse et bassiste Kathryn McCaughey a mis du temps avant de trouver la parfaite alliance pour donner vie à son projet de rêve, celui de former un groupe punk rock entièrement féminin. Initié en 2014 dans sa première incarnation, le groupe a subi divers remaniements et s’est trouvé une stabilité il y a trois ans lorsque Karolane Charbonneau a rejoint l’équipe étoile de McCaughey, déjà complétée par Lisandre Bourdages et la batteuse Sarah Dion.

« Ça faisait une couple d’années qu’au fond de moi, je voulais faire partie d’un groupe punk. Je voulais me défouler, m’exprimer d’une autre façon », dit la dernière venue, également membre du groupe Comment Debord. « Tu peux pas manquer de confiance en toi quand tu joues une toune de NOBRO. C’est fou ce que Kathryn dégage. On pourrait inviter n’importe qui d’un peu insécure sur scène et cette fille-là se sentirait à sa place. Quand on joue, c’est comme si le monde n’existait plus. »

« Dès que tu parles à Kathryn, elle te donne confiance », renchérit Lisandre Bourdages, également membre du trio féminin Les Shirley avec Sarah Dion. « Même si elle te connait pas, elle va croire en ton potentiel. Elle relève toutes les femmes autour d’elle. »

En soi, la musique de ce deuxième mini-album a tout pour donner confiance. Avec son vivant mélange de rock garage, de punk irrévérencieux à la Ramones et de pop rock des années 1960, Live Your Truth Shred Some Gnar amplifie considérablement l’intensité et la fougue de Sick Hustle, paru en 2020.

C’est une fois de plus à Thomas D’Arcy (July Talk, The Sheepdogs) que le quatuor a fait appel pour réaliser l’EP. L’enregistrement a eu lieu il y a un an et demi au studio Taurus Recording de D’Arcy. « On s’est donné deux semaines pour tout faire. On voulait prendre le temps de vivre le moment présent, d’essayer les chansons. Et on a enregistré tous les instruments ensemble, en même temps. Ça vient probablement expliquer le côté raw », analyse Bourdages. « On n’avait pas fait ça pour l’autre EP, et je pense que ça parait », ajoute Charbonneau.

La guitariste fait ici ses premiers pas comme principale autrice, compositrice et interprète d’une chanson de NOBRO, en plus de signer la première pièce en français de l’histoire du groupe (Bye Bye Baby). « Il était arrivé quelque chose dans ma vie, un gros breakup, j’allais vraiment pas bien », confie-t-elle. « Kathryn venait souvent chez nous et elle m’a dit : ‘’Je pense que c’est ton meilleur moment pour écrire une chanson. Ça va donner de quoi de powerful !’’ Au début, j’étais pas certaine – car je suis vraiment quelqu’un de gênée dans la vie – mais j’ai accepté le défi. Quand est arrivé le moment d’interpréter la chanson au local de répétition, j’étais juste incapable de la jouer ! Kathryn me criait : ‘’T’es capable!!’’»

En fin de compte, l’exercice a été presque thérapeutique. « La chanson de break-up classique, c’est une bonne façon de se libérer de ses émotions. Ça m’a full aidé de la jouer live, de la crier. »

Toutes les chansons de NOBRO ont ce côté libérateur – de l’épique intro gospel de Better Each Day au trip psychédélique de Life is a Voyage, qui conclut de manière très joviale le mini-album. Les paroles franches et sans détour de McCaughey représentent à merveille l’esprit festif et brut, presque sauvage, du projet. « Kathryn a un bon passé, qui lui permet de nourrir pas mal de textes. Elle a été wild, elle a fait bien des affaires », explique Lisandre Bourdages. « Mais à part ça, on n’est pas si wild que ça. »

« On est capables de faire la fête quand même. Juste pas tous les jours », nuance Karolane Charbonneau. « Dans le fond, on n’est peut-être pas vraiment un band punk. »



Quand Laura Roy a donné son premier petit spectacle à Londres en mars 2017, elle a compris que c’est là que ça devait se passer. Une fois rentrée à Toronto, où elle était installée à l’époque, elle a rassemblé ses effets personnels et est rentrée chez elle, en Nouvelle-Écosse, en voiture. Elle s’est trouvé un boulot de barmaid et a épargné tout ce qu’elle pouvait afin de pouvoir retourner en Angleterre.

« Londres m’a fait ressentir quelque chose que je n’avais jamais senti avant. L’excitation que j’ai ressentie, la musique que j’avais envie de créer… La scène musicale là-bas est incroyable! », raconte Roy. Six mois plus tard, donc, elle s’est acheté un aller simple pour Londres et elle n’a jamais regardé en arrière.

Aujourd’hui âgée de 30 ans et après cinq années passées à Londres, Roy s’est taillé une place comme étoile montante dans l’espace du R&B alternatif. Elle a deux EP à son actif, ainsi qu’un East Coast Music Award – son EP Forte (2018) a été nommé meilleur enregistrement R&B/Soul de l’année 2020 – et elle a été choriste pour les superstars de la pop Anne-Marie et Camila Cabello. Puis, l’an dernier, la rappeuse et auteure-compositrice américaine Doja Cat a utilisé une chanson coécrite par Roy avec son partenaire, le producteur Geo Jordan, et son amie, Linden Jay sur son album Planet Her, qui a depuis obtenu deux nominations aux Grammy Awards.

« C’est un peu surréaliste », dit-elle au sujet de l’invitation qu’elle a reçue pour être présente au Gala qui aura lieu en avril 2022 à Las Vegas. « Non seulement nos noms sont dans les crédits, mais elle a même gardé ma piste de voix dans la version finale. »

N’empêche, même si Londres lui permet de déployer ses ailes, son dernier EP intitulé Tides, produit avec Jordan et l’artiste nommée aux Grammy Awards Lianne La Havas, est un hommage à l’endroit où elle a grandi. Laura Roy est née et a grandi dans le village de Canning, en Nouvelle-Écosse, et quand elle était petite, elle chantait à l’unisson avec des artistes comme Carole King et James Taylor. « À partir de l’âge de 4 ans, je suis devenue une petite diva », dit-elle en riant.

C’est toutefois quand elle a commencé à étudier la guitare à l’âge de 13 ans que les choses se sont mises en place. C’est quand un professeur l’a encouragée à écrire sa première chanson que Roy a ressenti l’étincelle qu’il lui fallait. « Tout mon univers s’est ouvert à l’idée d’apprendre à jouer pour m’accompagner », dit-elle. Roy a commencé à donner des spectacles dans les cafés et à participer à des concours de talent avant de poursuivre ses études collégiales à Dartmouth.

« C’est un peu surréaliste »

À 19 ans, Roy a été invitée à participer au Gordie Sampson Songcamp où elle a appris à collaborer avec d’autres à la création de chansons. « Ç’a été toute une révélation pour moi », se souvient-elle. Néanmoins, après quatre années consécutives à participer à l’événement, Roy admet qu’elle commençait à trouver sa province « un peu trop petite ». Elle a décampé à Toronto et de là, grâce à l’Association des auteurs-compositeurs canadiens, elle a participé à des camps de création un peu partout au pays ainsi qu’à New York et Nashville.

Bien qu’elle ait tendance à se laisser guider par les mélodies lorsqu’elle écrit sa propre musique, en « freestylant » jusqu’à ce qu’elle tombe sur une pépite qu’elle peut transformer en chanson, Roy aime aussi le défi de la coécriture.

« Je pense qu’il s’agit surtout d’entrer en contact avec l’autre personne et de voir dans quel espace elle se trouve, ce qui l’a façonnée et ce qu’elle veut créer », dit-elle. « Quand t’as la chance d’avoir une bonne séance avec quelqu’un et que tu connectes avec cette personne, c’est comme regarder dans son âme, c’est vraiment merveilleux. »

Roy gère sa propre carrière et elle continue à se pousser et à essayer de nouvelles avenues. Ainsi, récemment, elle s’est concentrée sur la production et elle réalise ses clips. Elle se dit très fière de ce qu’elle est parvenue à accomplir seule.

Consciente qu’elle ne restera pas à Londres toute sa vie, elle en profite quand même à fond et s’est fixé l’objectif de réévaluer ses plans dans quelques années. Elle est même ouverte à l’idée de retourner en Nouvelle-Écosse pour retrouver la mer au bord de laquelle elle a grandi.

« Je pense que mon rêve serait de m’acheter une belle maison sur la plage et d’y construire mon propre studio », dit-elle en riant. « J’aimerais produire et écrire pour d’autres artistes. »

Mais pour l’heure, Laura Roy affirme qu’elle va continuer de suivre son instinct. « J’ai juste envie de parcourir le monde », dit-elle avec entrain. « Je veux voyager et donner des spectacles et continuer de créer de la musique qui m’allume. »



Un contenu visuel présenté à l’écran ne serait jamais complet sans un complément sonore peaufiné, conçu pour s’emboîter avec lui comme un morceau de son casse-tête. Qu’elle soit conçue expressément pour une scène de film, une série ou une publicité ou bien qu’elle soit produite sans arrière-pensée, la musique rehausse les images dans toutes les sphères de notre vie et ces trois compositeurs québécois à surveiller s’y consacrent, chacun à leur manière.

Anaïs Larocque

« Enfant, mes jouets étaient tous des instruments de musique », annonce d’emblée Anaïs Larocque. Admiratrice de l’œuvre de Michel Corriveau, la jeune femme de 35 ans compose de la musique à l’image depuis un peu plus de six ans. Après des études en jazz au cégep et à l’université, ce sont les cours de musique numérique qu’elle a gardés en tête.

« Après mon bac, j’ai décidé de faire un DESS en musique de film, dit-elle. J’ai participé au Concours international de musique de film de Montréal. Je suis arrivée deuxième. L’année d’après, ils voulaient que je fasse partie du préjury. J’ai dit non et j’ai refait le concours. J’ai eu la première place et ça m’a donné mes premières opportunités. »

Surtout sollicitée pour créer de la musique destinée aux publicités, c’est le documentaire Odyssée sous les glaces (2019) qui marque son « envolée professionnelle ». « J’ai aussi travaillé sur Nature of Things à CBC et j’ai été très occupée pendant la pandémie, j’ai fait le documentaire The Walrus and the Whistleblower. Les documentaires, c’est ce que j’aime le plus faire parce que je compose en apprenant des choses. »

Elle éprouve un fort intérêt pour les compositeurs sensibles qui doivent se coller musicalement à des histoires qui le sont tout autant. Elle perfectionne son art à distance en suivant des cours en ligne au Berklee School of Music. « Mon rêve serait de faire un film de fiction et d’enregistrer un orchestre symphonique. J’ai l’impression d’avoir pensé à cette carrière sur le tard, mais pourtant quand j’étais enfant, j’écoutais les films pour la musique qu’il y a avait dedans donc je suis convaincue, aujourd’hui, que je suis à ma place. »

Evan MacDonald

« Mon oncle m’a donné une guitare quand j’avais dix ans and the rest is history », dit Evan MacDonald en riant. À l’aube de la trentaine, le compositeur possède déjà un bagage enviable en création de musique à l’image. «Mes parents m’ont donné l’opportunité d’essayer tous les instruments parce que je n’étais pas du genre sportif. J’ai étudié en musique au Collège Vanier et à McGill et jusqu’à l’âge de 22 ans, tout ce que je voulais être, c’est guitariste. C’est vraiment à 22 ans que j’ai eu mon épiphanie. »

Cette épiphanie est arrivée avec un cours d’été en musique à l’image, à distance à Berklee. Puis il a décidé d’appliquer sur le véritable programme de maîtrise, offert en Espagne, pour lequel il a été accepté avec une bourse d’études. Il a ainsi terminé ses deux ans d’étude à McGill en quelques mois pour ne pas manquer cette opportunité.

« Après un an en Espagne, je suis rentré à Montréal et je savais que la musique à l’image, ce serait ça mon travail, affirme Evan, confiant. J’ai envoyé 100 courriels chaque jour pour écrire de la musique de film pour des réalisateurs de partout. Je n’ai presque pas eu de réponses, mais chaque fois que j’en ai eu, j’ai pris tout le budget du projet pour enregistrer des orchestres de plusieurs musiciens. Je voulais me faire un portfolio. »

Après son premier gros projet, le documentaire That Never Happened (2017), il s’est tourné vers la publicité. Extrêmement en demande, il a composé pour Google, Pepsi, BMW, Toyota et plus. « J’ai même fait la musique pour la campagne télé de Joe Biden aux élections américaines », relate-t-il ébahi.

Sa méthode actuelle de composition est d’offrir ses enregistrements à une banque de son, PremiumBeat, la branche audio de Shutterstock. Il s’est exécuté au studio Abbey Road dans le passé pour produire ce type de morceaux et il y retournera ce printemps. « J’essaie de repousser toujours mes propres limites pour alimenter une librairie, explique-t-il. Je regarde beaucoup de publicités pour voir ce qui fonctionne dans le moment. J’ai l’impression d’être en compétition avec les meilleurs au monde quand je fais des sons de librairie parce que tout le monde peut soumettre sa musique et il faut que tu produises la meilleure pièce possible pour que le client achète ta musique. Certains collaborateurs de la banque de sons ont déjà gagné des Grammy. J’aime ce genre de compétition qui me permet de toujours vouloir faire quelque chose de mieux. »

Quand on lui demande ce qu’il aimerait faire dans le futur, Evan admet qu’il a l’impression d’avoir déjà tout fait. « J’ai l’impression que je suis arrivée au sommet de ma carrière, déjà, dit-il en riant. Je voudrais continuer à faire ce que je fais avec des gens créatifs. »

Benoit Groulx

Même s’il n’a pas commencé par des études en musique, Benoit Groulx a toujours eu une vocation intrinsèque pour le métier. « J’ai joué de la musique de manière peu disciplinée quand j’étais jeune, se rappelle-t-il. Éventuellement, j’ai réalisé que j’avais de la facilité à reconnaître les structures en musique. »

Après des études universitaires en écriture musicale, il devient l’assistant du compositeur François Dompierre. « À l’âge à 30 ans, j’ai eu ma crise de la quarantaine, s’amuse-t-il. J’en arrachais un peu. Je suis parti un hiver en Inde et en revenant plusieurs personnes voulaient travailler avec moi. J’ai fait des arrangements pour Daniel Lavoie et Louise Forestier entre autres, des contrats plus sérieux qui ont donné un lustre à ma carrière. »

En 2000, il a orchestré The Secret Adventures of Jules Verne, une série anglo-canadienne en 22 épisodes de 60 minutes. « C’est le compositeur anglais Nick Glennie-Smith qui était à la tête du projet. Il composait et j’orchestrais. » Bonne équipe, le duo décide de continuer à travailler ensemble à plusieurs reprises. « On a fait des films à Los Angeles, en Angleterre, en Europe de l’Est. »

Son plus gros projet récent est une série de la BBC, Jonathan Strange et Mr Norrell (2015) réalisé avec Benoit Charest. « On avait 7h de musique à écrire en deux mois avec des réalisateurs très cultivés musicalement. C’était tellement enrichissant. »

À la suite d’une maîtrise en composition, Benoit Groulx décide d’écrire de la musique de concert et il enseigne désormais à l’Université de Sherbrooke. « Je suis au début de la cinquantaine. J’enseigne à des jeunes qui veulent faire mon métier et il y a beaucoup de talent », croit Benoit Groulx qui espère néanmoins encore entendre sa musique être jouée par des orchestres.

« Il n’y a rien qui équivaut à ça, à voir ta composition être interprétée. Je ne suis pas de la génération des synthétiseurs et je veux continuer à travailler avec des musiciens jusqu’à la fin de ma carrière, dit-il. Je suis de ceux qui préfèrent écrire plus sobrement et laisser la magie opérer avec des humains dans la pièce. »