Révélé dans un sillage house, le producteur et multi-instrumentiste montréalais Moses Belanger s’ouvre à de nouveaux horizons sur son premier album Fullum, auquel collaborent notamment Claudia Bouvette, Marie-Pierre Arthur, Mantisse et David Lee.

Moses Belanger « Je viens d’un monde très house, j’adore ce style de musique là. J’adore son groove, son rythme, mais en même temps, ce qui manque souvent dans la house, c’est l’émotion », reconnait le compositeur de 30 ans.

C’est donc en pigeant, entre autres, dans le jazz, le hip-hop, la soul et le UK garage que Moses Belanger a trouvé l’émotion qui lui manquait. « Cet album-là, c’est un peu mon coming-out musical. Je voulais montrer l’éventail de ce que je peux faire en termes de composition sonore. »

Même si elle ne s’était jamais matérialisée dans un projet musical d’envergure comme Fullum, cette ouverture musicale fait partie intégrante de l’ADN artistique de l’artiste. Originaire de Mont-Saint-Hilaire, sur la Rive-Sud de Montréal, Belanger a commencé à s’intéresser sérieusement à la musique au milieu de l’adolescence, en apprenant la batterie et la guitare classique.

C’est toutefois la danse urbaine qui a constitué une première vraie passion lors de son arrivée à Montréal, il y a environ une dizaine d’années. Moses Belanger avait l’habitude de se rendre dans un bar du centre-ville (le feu Bleury-Bar à vinyle) pour participer à des compétitions de danse.

Ces compétitions, elles étaient souvent suivies par des soirées de micro ouvert (open mic) pour les rappeurs. C’est un tout nouveau monde qui s’ouvrait alors au jeune artiste. « J’ai rencontré là-bas un gars de Toronto, un rappeur du nom de ELMNT, qui m’a invité à poursuivre la soirée chez lui pour prendre une bière. Il avait un studio maison, dans lequel on a commencé à s’amuser à faire des beats. Pour faire de la musique, j’avais toujours pensé que ça prenait un band. Je croyais que les logiciels de beats étaient inaccessibles, qu’ils étaient juste disponibles dans les grands studios. Je pensais pas que tu pouvais accéder à ça aussi facilement que ça. »

C’est l’illumination pour Belanger, qui s’initie presque obsessivement à la composition de beats à la suite de cette soirée déterminante. Il forme le duo house 99 Wolves avec ELMNT en 2015, avant de se mettre à la production en solo, puis un peu plus tard, en duo avec le rappeur français Eddy Woogy (pour le microalbum Ke Za Ko, en 2019). Entretemps, Belanger perfectionne son art en suivant une formation audio à l’institut Trebas et en apprenant le piano avec un professeur privé (Luc Gilbert, à qui on doit notamment le légendaire thème de La Petite Vie). « Je voulais absolument comprendre la musique, savoir la parler. Je voulais pas être à le merci des samples. »

Tout ce cheminement trouve écho dans Fullum, album aux sonorités riches et déliées, dont le titre fait écho à la rue montréalaise du même nom, sur laquelle il habite actuellement. Un événement a été particulièrement significatif dans l’élaboration de l’opus : le camp de création Kenekt Studio, une initiative de la SOCAN qui convie des auteurs-compositeurs-interprètes et des producteurs, majoritairement de la relève, à collaborer les uns avec les autres dans un studio de Montréal. « Le camp est arrivé au bon moment, soit à la fin de mon processus [de production d’album]. J’avais envie de sortir le projet, et le camp m’a donné un coup de pied dans le cul pour le faire. »

Moses Belanger, Coffee In The Morning

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Trois des 10 chansons de FullumCoffee in the Morning avec David Lee et Marie-Pierre Arthur, Rien avec Claudia Bouvette et Mantisse, Préféré personnel avec Super Plage et Hawa B – sont issues de ce camp de création, qui propose notamment aux artistes invités d’écrire une chanson en équipe réduite et de l’enregistrer le jour même. « C’est une expérience incroyable. Quand tu te fais mettre au défi et que t’es obligé de construire une chanson de A à Z, ça donne toujours de quoi d’intéressant. Généralement, quand t’es en studio et que t’es laissé à toi-même, c’est plus lousse, t’as pas de barèmes, mais là, quand t’as une date de remise de prévue [comme au camp de création], t’as une petite pression. Ça met tout le monde sur la même longueur d’onde », explique l’artiste, qui a continué, après le camp, de collaborer avec Marie-Pierre Arthur et le rappeur David Lee, notamment.

Bien au-delà de l’apport du camp à son processus de production, Belanger voulait, avec Fullum, proposer un album de rencontres musicales. On y retrouve également la présence de la chanteuse marocaine Thaïs Sala (en vedette sur trois chansons), du chanteur montréalais Papaflavor (du duo Bet.E & Stef), et du DJ et producteur montréalais The Holy, un collaborateur de longue date.

Une seule chanson de cet album « solo » met uniquement en vedette Moses Belanger : Si je mens je meurs, sur laquelle il prend le micro pour une toute première fois. « J’avais toujours été un peu gêné d’utiliser ma voix. J’ai travaillé avec tellement de chanteurs incroyables, je ne me sentais pas de taille.  Mais quand j’ai réalisé que je n’avais aucune chanson juste de moi, j’ai décidé de surmonter ça. J’ai pris le micro et j’ai fredonné une mélodie. »

Le texte a mis du temps avant d’arriver à sa forme finale. « C’est un texte très personnel, qui explique mon parcours dans la musique. En fait, ça raconte que j’ai toujours mis la musique avant n’importe quoi d’autre dans ma vie : j’avais pas de temps pour l’amour, y’a des jobs que j’ai refusées… J’ai vécu beaucoup de solitude aussi à travers ça aussi… » confie-t-il. « Je voulais que mon texte – surtout que c’est mon premier – soit fort et profond. »

Jusqu’à maintenant, on peut dire que le jeu en aura valu la chandelle.