Lorsqu’on rencontre Charlie Kunce-Belhadj et Emma Cochrane, on perçoit immédiatement la passion naissante, la fougue et la jeunesse qui permettent de cogner à toutes les portes et de les défoncer si nécessaire. Leur projet musical Mayfly s’est dessiné au fil des ans, au cœur d’une amitié fusionnelle qui leur permet de devenir ensemble la meilleure version possible d’elles-mêmes.
« On s’est rencontrée au Champlain College, dans le programme de Creative Art, à Sherbrooke et on savait déjà toutes les deux qu’on voulait suivre notre passion coûte que coûte : la musique », lance d’emblée Charlie. La motivation s’est construite dans l’absence totale de doute. Leur EP HIDEAWAY Vol.1, paru en janvier, est la première moitié d’un tout et le pas initial vers leur rêve commun.
Jamais assises autour de la même table pour créer ou presque, les filles procèdent avec les musiques de Charlie et les paroles d’Emma, même si, en une soirée, Charlie peut créer une production musicale complète sur trois accords proposés par Emma et vice versa pour les paroles. « On se connait tellement qu’on peut parler des blessures de l’autre sans même avoir à se poser des questions, confie Emma. On est ensemble 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 depuis qu’on a 19 ans. »
C’est à cet âge que les deux femmes ont choisi la ville pour que les choses se passent. « Pour nous, c’était Montréal ou rien, dit Emma. On savait que c’était là qu’on allait pouvoir apprendre sur le tas. » Plutôt que de poursuivre des études en musique ou de chercher une quelconque formation, elles prennent le pari du « réseau ». « On ne connaissait personne, mais on sait que, dans notre métier, les contacts, c’est la base, soutient Emma. Donc on mettait tout ce qu’on faisait en ligne. On a tout appris par nous-mêmes : le marketing, l’esthétique, faire nos réseaux sociaux. C’est ce qui nous a permis de rencontrer des gens. »
Artistiquement, le mot d’ordre a toujours été la « carte blanche » et l’irrépressible désir de foncer. « Quand on est arrivées à Montréal, on a pris toutes nos économies pour s’acheter de l’équipement et construire un studio dans notre appartement, se souvient Charlie. Notre bon ami Jules (Bonneville-Coulombe) a été un élément déclencheur. On a fait nos premiers shows avec lui et quelques perfos dans des cafés pour prendre de la confiance. » Puis, ce sont Les Francouvertes (2021) qui ont ouvert le chemin pour la suite puisque, même si Mayfly n’a pas réussi à évoluer dans les étapes du concours, c’est à cet endroit que leur maison de disques a fait leur découverte. Duprince Records les encadre ainsi depuis presque deux ans. « C’est exponentiel, ce qui se passe pour nous, depuis ce moment-là », complète Charlie.
Même si les chansons offertes au Francouvertes devaient forcément être en français, Charlie et Emma se sentent définitivement plus à l’aise de livrer des textes en anglais, qui leur permettent « d’aller plus loin ». « On n’avait même pas confiance en notre catalogue franco quand on est arrivées aux Francouvertes, avoue Charlie. Quand on écrit en français, on se sent un peu plus dans un personnage. » « Le français, c’est notre langue maternelle, renchérit Emma. Ça va paraitre dans le Vol. 2 de HIDEAWAY. Une phrase en français est toujours plus personnelle et c’est intimidant. En anglais on se permet de s’ouvrir plus. »
Auprès d’Adrian Villagomez, elles ont développé un visuel et des vidéoclips qui leur ressemblent. « On l’admirait donc on a utilisé la méthode 2020 et on l’a DM », disent les filles en riant. Elles sont satisfaites de tout ce qui découle de cette collaboration qui leur a notamment permis de dessiner un univers comme elles l’avaient imaginé. « Avec notre musique, on est dans une bulle, un safe space. On veut que notre album soit perçu comme un statement, un moment, sombre et dansant à la fois, mélancolique et hypnotique, dit Charlie. C’est comme si l’album au complet (les volumes 1 et 2) était un aveu : tu as des émotions à vivre. C’est correct de les ressentir. »
Charlie admet que la musique de Mayfly était « embryonnaire et pas claire » à l’époque de leur passage aux Francouvertes. « On a trouvé l’intention de notre projet pendant la pandémie, ajoute-t-elle. On voulait donner raison à notre label de nous avoir choisies. On a beaucoup travaillé à raffiner notre son. »
Cette finesse, elles l’ont trouvée au Homy Studio : « On avait besoin de renfort et de meilleur matériel, lance Charlie. On connaissait Hologramme. On leur a dit voici le projet et son essence. Deux mois en studio avec eux et tout ce qu’on avait fait avant était pareil, mais sonnait mieux. Les sons analogues, les couches, les textures… tout était plus beau. C’était un challenge, six têtes plutôt que deux sur le même projet, mais le résultat est exactement ce qu’on voulait. »
Si le Volume 1 était l’introduction, le Volume 2 sera le moment du déclic, là où, une fois les sentiments et les désirs reconnus, on dit à voix haute tout ce qu’il reste à exprimer. « Le Volume 2, ça va être le bonbon, dit Charlie. On y trouve de tout : de la grosse pop franco, du rap américain. On exprime nos sentiments : de la haine, à la joie, à la fatigue. 2023, c’est le laisser-aller. »