Natif de Maliotenam, une communauté innue de la Côte-Nord, Matiu s’est fait connaître avec des chansons folks qui passent dans son sang avant de résonner dans les haut-parleurs. Après un EP en 2017 et un premier album intitulé Petikat (2018), c’est avec un second album, Tipatshimushtunan ( «Racontez-nous» en innu), qu’il vient se raconter à nous. Ses neuf morceaux qui mêlent l’innu et le français sont peuplés d’histoires qui s’érigent avec la puissance d’un cri.

Louis-Jean Cormier, Matiu

Louis-Jean Cormier, Matiu

« C’est rare que je raconte des histoires. Normalement, je suis plus du genre à parler de ce que je pense de la vie, souffle d’abord Matiu, étonné par la voie qu’il a choisie. Je raconte des histoires. C’est vraiment ça qui est nouveau. »

Réalisé par Louis-Jean Cormier, Tipatshimushtunan a permis à Matiu d’essayer de nouvelles choses, lui qui était campé dans son rôle de chanteur « guitare-voix ». « Juste avant d’aller en studio, je me suis cassé le pouce et je n’ai pas pu jouer de guitare, raconte Matiu. Louis-Jean s’en est occupé et je pense qu’il n’y a rien qui arrive pour rien. Il vient de Sept-Îles donc je me suis dit qu’on aurait une connexion quand même facile et ça a été le cas. »

Les découvertes ne s’arrêteraient pas là. « Au studio, sur les murs, il y avait plein de sortes de keyboards que je n’avais jamais vus, dit-il en riant. On n’a pas eu le choix d’essayer des affaires. » Son fidèle ami pianiste Alexis Dumais s’est donc amusé avec ce qu’il avait entre les mains. Marco Dionne (batterie), Mathieu Désy (contrebasse) et Alex Métivier (effets sonores et chœurs) ont complété la troupe.

Pour les musiciens issus des communautés autochtones, la quête identitaire plane comme un passage nécessaire et le résultat est toujours aussi émouvant. « Chercher un sens, quand ta langue est en train de disparaître avec ta génération, ça ne sera jamais une réflexion démodée », raconte Matiu sérieusement. Il évoque à plusieurs reprises le discours du « tiraillé », le désir de connaître sa culture et ses racines tout en s’intégrant dans la société. « J’ai le goût d’être dans le bois comme mes ancêtres, mais je sais qu’il faut que je paye mes factures et que je travaille pour mettre du pain sur la table, dit-il. Il n’y a rien de plus vrai que ce dilemme-là pour les personnes autochtones. »

La chanson-titre de l’album a également été déclinée en vidéoclip-documentaire et place l’histoire des pensionnats autochtones au centre du récit. « Je ne me donnerai jamais le rôle de porte-parole des Innus, admet Matiu. Il y aurait trop de choses à dire et moi je ne suis qu’une personne avec une seule expérience. »

La plus que poignante 4 flasheurs décrit le parcours d’un homme qui cherche sa sœur en voiture. « Je voulais vraiment parler des femmes autochtones assassinées et disparues, affirme Matiu. Je n’ai pas vécu ça, mais autour de moi, c’est arrivé. Je voulais me mettre dans la peau d’un gars qui a perdu sa grande sœur qui laisse derrière elle un enfant, assis sur la banquette arrière. » L’image du véhicule qui roule lentement en clignotant a été son point départ : une image forte de laquelle découlerait toute l’histoire. « C’est vraiment l’une des chansons qui m’a sorti de ma zone. Ça devient quasiment un film si tu fermes tes yeux », ajoute-t-il.

Sur scène, Matiu veut s’autoriser à prendre toutes les avenues que permettent les nouvelles chansons. « On tripe, on danse, on jam, dit-il. Des fois, c’est plus punk rock et d’autres fois, c’est juste moi avec ma guitare comme pour la toune pour ma mère (Mom). Nos belles chansons, quand tu l’écoutes, t’as l’impression d’être dans un train qui va à toute allure. Je me suis toujours amusé à dire que je faisais du folk bipolaire. En ce moment je suis encore plus éclaté que ça. »

En relatant l’enregistrement de son album, Matiu se souvient du plus grand défi de Louis-Jean Cormier : « c’était de respecter mes influences », dit-il. « Ma génération est déjà dans le trouble. Si on ne transmet pas notre culture nous-mêmes, il est trop tard. De ma naissance jusqu’à l’école primaire, on ne me parlait qu’en innu. Je ne comprenais rien à l’école et je revenais en pleurant. Un jour, je voulais dire fourchette, sur l’heure du midi, et je n’ai jamais réussi à en avoir une. Mes parents ont commencé à nous parler français à la maison. Le retour vers l’innu est arrivé plus tard quand j’ai eu envie de le parler et de le chanter. »

Pour Matiu, les langues autochtones ne sont pas mortes, mais elles sont toutes sur leur « last call ». Heureusement, et il en est convaincu, toutes les portes s’ouvrent pour offrir des possibilités aux artistes qui veulent chanter leurs racines. « On nous invite dans les festivals, on nous fait faire des spectacles grand public et nos histoires sont transmises, complète-t-il. On nous entend. » Il y a des langues dans lesquelles il y aura toujours quelque chose à dire.



Né dans une ferme de Waterloo, en Ontario, de parents mélomanes, l’étoile montante du country Nate Haller est amoureux des grands espaces. Lorsque sa famille a déménagé en banlieue, les activités qui peuplaient sa jeunesse d’avant – vélo tout terrain, feux de camp avec de la musique country à fond jusqu’au petit matin – étaient ancrées dans son ADN. « Ça a toujours été en moi », dit Haller.

Lorsque l’on retrouve l’auteur-compositeur via Zoom par une journée d’été, il porte une casquette de camionneur Budweiser et se terre dans une chambre d’hôtel à Calgary. Haller, qui a signé avec Starseed Entertainment en 2021 (la maison de gestion de Dean Brody, James Barker Band et The Reklaws), venait de donner un concert déchaîné dans la tente Nashville North au Stampede de Calgary la nuit précédente, et prenait une brève pause avant de s’envoler pour Nashville.

Après plus d’une décennie dans l’industrie musicale, Haller fait des vagues. Il a été demi-finaliste du SiriusXM Top of The Country en 2021 ; il a été nommé Rising Star par la County Music Association of Ontario (CMAO) en 2022 ; il a été nommé artiste du mois par Amazon Music ; et il a obtenu une place dans le programme RADAR de Spotify Canada. L’artiste se rend souvent à Nashville, généralement pour des séances de création, et il se souvient encore de sa première visite : il s’était rendu au Listening Room Café avec quelques amis, et l’un des interprètes ce jour-là était un coauteur du simple à succès de Zac Brown, « Sweet Annie ».

« La quantité d’auteurs talentueux qu’il y a là-bas est incroyable », dit-il. « Ça m’a époustouflé de voir les gens jouer les chansons exactement comme elles ont été écrites ».

Dans sa jeunesse, le frère et la sœur de Haller étaient tous deux musiciens, mais il a fallu une épiphanie pour le motiver à prendre la musique au sérieux. « Avant cela, je me contentais de jouer quelques accords sur la guitare de mon frère », se souvient-il. « Puis, au secondaire, j’ai vu [l’auteur-compositeur-interprète australien] Xavier Rudd jouer du didgeridoo et de la stomp box en même temps. Ça m’a vraiment inspiré. »

Un autre moment décisif est survenu en secondaire 5. Grâce aux encouragements d’un enseignant, Haller a surmonté son trac et s’est produit au spectacle de son école. « Ç’a tout changé », dit-il. « Après ça, j’ai commencé à écrire mes propres chansons ».

Cet été, entre deux concerts, Haller est occupé à écrire et à choisir les dernières chansons de son premier EP dont la sortie est prévue plus tard en 2022. Certaines chansons ont été écrites à Nashville, d’autres sur la terrasse arrière ou dans la chambre (convertie en studio) de la maison qu’il loue à Toronto. Après des années passées à jouer dans d’autres groupes et à coécrire des chansons avec des gens comme Stuart et Jenna Walker (The Reklaws) – qui figurent sur son dernier simple « Broken » – Haller a senti que le moment était venu de se mettre de l’avant. The Reklaws, ainsi que Brett Kissell, 18 fois lauréat de la Canadian Country Music Association (CCMA), ont également coécrit avec Haller la chanson « Somewhere to Drink », sortie en plein milieu de la pandémie.

« J’ai eu la chance de jouer de la guitare pour d’autres artistes et ça m’a permis de travailler en silence sur ma propre écriture », dit-il. « Ça fait cinq ans que je travaille à ce projet. Étrangement, c’est la pandémie qui m’a incité à le faire… C’était une pause qui m’a permis de faire passer mon projet à la vitesse supérieure par rapport à ce que je voulais que les gens entendent. »

« Il y a des années, j’essayais d’écrire des petites chansons pop », ajoute-t-il. « Certaines étaient cool, mais elles ne me ressemblaient pas vraiment. »

Le premier simple radio que Haller a sorti en 2021 était « Lightning in a Bottle », écrit par les coauteurs habituels du James Barker Band, Travis Wood et Gavin Slate, et Shawn Austin. La chanson s’est hissée au deuxième rang des chansons les plus jouées à la radio country canadienne et a permis à l’artiste d’obtenir son premier succès au Top 10. Puis, au printemps 2022, Haller a sorti le contagieux simple « Ain’t Like Me ». Après un long périple, l’auteur-compositeur connaît maintenant sa véritable identité artistique et l’ambiance qu’il souhaite pour son EP : juste un gars avec une guitare qui raconte des histoires qui résonnent.

« J’ai grandi en écoutant ce genre de choses », dit Haller. « Mon grand-père a travaillé toute sa vie dans le domaine de la radio et m’a fait découvrir des types comme Johnny Cash dès mon plus jeune âge. J’ai réalisé récemment que je n’avais pas besoin d’être parfait… Je peux avoir ce grain naturel qui est dans ma voix, et tout ramener à juste la guitare et moi. »



Leah Marlene, qui a terminé en deuxième place à American Idol, se laisse conduire et nous parle au téléphone tandis que son père, le guitariste de Honeymoon Suite Derry Grehan, prend son tour au volant, en direction de Los Angeles. L’auteure-compositrice-interprète née à Toronto et basée aux États-Unis a décidé de déménager à Hollywood après que le public soit tombé amoureux de sa voix et de sa personnalité contagieuse chaque semaine lors de la 20e saison du concours national de recherche de talents.

« Ouaip, c’est confirmé. On arrive au Colorado dans la prochaine heure, on se rapproche du but! » dit la pétillante jeune femme de 20 ans qui est devenue membre de la SOCAN quand son père a déclaré sa chanson « Someday » auprès de son organisation de droit d’exécution préférée même si elle habitait à Normal, en Illinois, de l’âge de trois ans jusqu’au secondaire.

S’inscrire à la SOCAN
» Ma première chanson est sortie quand j’étais en secondaire 2, genre, je n’avais aucune idée de ce que je faisais à ce moment-là. Mon père m’a inscrit à la SOCAN… Je pourrais devenir membre d’ASCAP ou de BMI, mais la SOCAN est vraiment géniale parce qu’on y fait plus attention aux détails. Depuis que je me suis embarquée dans cette carrière, ils m’ont offert beaucoup de soutien… Ils font vraiment tout ce qu’ils peuvent pour m’aider. »

« J’ai encore de profondes racines en Ontario, mais je n’ai pas vécu là très longtemps », dit Marlene. « Évidemment, mon père est constamment sur scène, alors on venait voir ses spectacles et visiter la famille. »

Elle a étudié à la Belmont University de Nashville pendant deux ans avant d’abandonner ses études en 2021 et de rentrer au bercail. En septembre de la même année, la Fondation SOCAN a reconnu son talent – avant qu’elle ne soit choisie pour participer à American Idol – comme l’une des cinq lauréat·e·s de son prix pour les jeunes auteurs-compositeurs canadiens. Marlene savait déjà qu’elle allait auditionner devant les producteurs d’American Idol quand elle a reçu la bourse de 5000 $ de la Fondation pour sa chanson « Spacesuit ». « C’est une de ces chansons qui a joué un rôle clé dans mon évolution en tant que productrice, créatrice et interprète », dit-elle. « Je suis vraiment fière de ce que c’était à l’époque. »

Marlène a écrit d’autres chansons depuis, notamment « Flowers », qu’elle a créé juste après la « Hollywood Week » de décembre 2021, lorsqu’elle a appris qu’elle ferait partie du Top 24 de l’émission. « Quand j’ai écrit ça, je n’arrivais pas à croire ce qui m’arrivait, et elle représente bien mon parcours », dit-elle. « Plus j’avançais, plus les choses se concrétisaient. »

Quand elle l’a chanté durant la finale de Idol, elle a tout fait pour retenir ses larmes tellement elle était submergée par « tout », confie-t-elle, et pas seulement parce que les paroles sont touchantes :

Where there’s a way out
There’s another way in…
The new life is growing in the layers you shed
Even the pavement gives way to the flowers

(librement : « Une sortie peut aussi devenir une entrée/La vie prend racine même dans ce qu’on laisse derrière/Même le pavé cède la place aux fleurs »)

“Ç’a été une soirée vraiment difficile… Tu vas à toute vitesse pendant des semaines et des semaines et des semaines, tu te démènes sans arrêt et t’es juste épuisée, mais ça reste la meilleure expérience de ta vie », explique Marlene. « Mais là, juste au moment de monter sur scène, j’ai réalisé que ça y était. Tout est fini après cet épisode. Je me foutais en quelle position je terminais. Bref tout ça m’a rentré dedans juste avant le début de l’épisode. »

“C’était déjà très émotif et j’essayais juste de ne pas m’effondrer pendant que j’étais sur scène. Mais en coulisses, j’ai pleuré pendant tout l’épisode. Je ne suis pas une braillarde, mais je n’étais pas capable de me retenir ce soir-là. C’était fou de me trouver là et de chanter ma chanson devant autant de monde alors que juste un an avant, je n’aurais même pas rêvé de me retrouver sur cette scène. C’était l’apogée du sujet même de cette chanson : ce moment même à Idol.”

Quand elle a fini de chanter, le juge de Lionel Richie a dit : « félicitations pour ton côté auteure-compositrice, c’est une excellente chanson ». Son collègue Luke Bryan a dit : « cette chanson est simplement phénoménale ». Leur autre collègue, Katy Perry, en a eu les larmes aux yeux et elle a offert à Marlene le plus beau compliment qu’on puisse offrir à une auteure-compositrice : « Tu es une messagère brillante. »

« Tout ce que je veux accomplir », confie Marlene, « c’est de créer quelque chose qui est significatif dans ce monde et qui touche les gens. Je ne veux pas créer des musiques et des textes recyclés que tu as entendus des millions de fois. Je veux créer quelque chose de nouveau, qui a du sens et de l’importance. » C’est une motivation très profonde. »

Elle évoque un commentaire fait par l’une de ses artistes préférées, Madison Cunningham, qui a dit un jour qu’elle ne voulait pas écrire quelque chose que quelqu’un ne voudrait pas se faire tatouer. « C’est en plein ça. Je ne veux pas écrire quelque chose qui ne mérite pas qu’on se le fasse tatouer. Je n’y arrive pas tout le temps, mais c’est toujours ça mon objectif. »

Papa a toujours raison : tout commence par une chanson
« C’est un avantage incroyable de grandir avec quelqu’un qui a toute une carrière dans cette industrie et qui connaît déjà les bons et les mauvais coups du métier. Et une des plus importantes leçons que j’ai apprises c’est que ce qui compte le plus, c’est les chansons. Si tu sais chanter, tant mieux. Si tu joues bien d’un instrument, tant mieux. Mais ce sont les chansons qui vont dicter si tu as une carrière durable ou pas. Même d’un point de vue financier : une bonne chanson peut te rapporter des redevances même quarante ans après sa sortie. Le fait d’être consciente de ça très tôt m’a beaucoup motivé à commencer à écrire et à me concentrer sérieusement sur mon écriture. »

Le regard tourné vers l’avenir, Marlene dit que quand Idol s’est terminé en mai 2022, « c’était comme tomber dans le vide et essayer de trouver tes repères du mieux que tu peux. »  N’empêche qu’elle a déjà fait d’importants pas en à peine deux mois.

« La semaine tout de suite après Idol, je me demandais sérieusement ce que j’allais faire maintenant », raconte-t-elle. « J’étais prête à travailler plus fort que n’importe qui. Je ne m’étais jamais sentie aussi motivée, mais il y a tellement de chemins que tu peux prendre que j’ai réalisé qu’il me fallait un plan de match. J’ai téléphoné à tous mes contacts dans l’industrie pour leur demander conseil et pour demeurer en contact avec eux. »

Elle a décidé de passer tout le mois de juin 2022 à Nashville pour écrire des chansons et rencontrer des gens et elle en est repartie avec un agent artistique et un avocat, bien qu’elle n’ait toujours pas de gérant ou d’éditeur. Au moment de conclure notre entrevue, il y a un état américain de moins entre elle et son but.

« Je m’installe à L.A. pour travailler comme une folle », dit-elle. « Je veux juste écrire, écrire, écrire, écrire, écrire. Je veux lancer un projet qui soit tout ce que je pourrais rêver qu’un projet soit. Et ça, ça commence par une chanson. Je me concentre là-dessus à 100 %. »