À la fois talentueux, humble et enraciné, Louis-Jean Cormier, chanteur-guitariste de Karkwa et désormais artiste solo, a attiré bien des oreilles autour de la musique sensible qu’il crée comme il respire. Fort d’une très belle récolte à la plus récente édition de l’ADISQ (catégories Auteur ou compositeur avec Daniel Beaumont, Meilleur album rock pour Le treizième étage, Spectacle de l’année – Auteur-compositeur-interprète et Choix de la critique de l’année), le prolifique auteur-compositeur-interprète revient sur sa carrière solo qui prenait son envol il y a un peu plus d’un an.

En consultant la section « spectacles » de son site web, on constate que Louis-Jean Cormier, booké jusqu’en juin 2014, est un homme occupé. Et pourtant, c’est la voix d’un jeune père zen qui se fait entendre à l’autre bout du fil : « Je viens de faire les lits des enfants et de mettre un macaroni au four. J’ai la maison à moi tout seul, c’est rare. »

Il y a un peu plus d’un an, il nous faisait tous descendre au Treizième étage, un étage beaucoup moins malchanceux que ne le suppose la croyance populaire. Ce passage du groupe à un projet mené en solo, comment le ressent-il avec le petit recul accumulé? « Je ne le ressens plus, en fait. La période de transition s’est échelonnée de longtemps avant la sortie du disque jusqu’à un peu après. Mais là j’ai trouvé mes repères. »

En menant ce projet personnel, Louis-Jean Cormier s’est en quelque sorte révélé à lui-même. « J’ai découvert que je suis un gars qui a des idées. Avec Karkwa, on est cinq à décider… J’avais ce désir de me prouver que je suis capable de faire les choses par moi-même et pas seulement qu’en m’appuyant sur mes partenaires de longue date. »

Pari tenu, tenu à l’envie. En descendant en lui, Louis-Jean Cormier a reconnecté avec la colère et les traces laissées par le printemps érable. « J’ai l’impression que c’est le cas de tous les artistes qui ont créé à la suite de ces événements. Les gens sont sortis dans la rue, il y a eu un soulèvement populaire! Notre génération n’avait pas vu ça souvent contrairement à la précédente qui a connu les grands rassemblements des années 60 et 70. J’ai trouvé beau de voir les Rivard, Séguin, Yves Lambert se joindre à nous, les yeux pétillants et le regard espiègle… Et j’avais encore la poésie de Miron en tête dans la foulée de l’aventure des Hommes rapaillés. »

Nuance importante : cette indignation légitime que l’on sent à quelques reprises dans les élans de guitares et dans certaines lignes scandées, celle-ci par exemple, magnifique : « On joue au solitaire tout le monde en même temps », cette colère ne se laisse pas enfermer dans une époque. Elle est intemporelle. « Ça me fait penser à la réponse de Gaston Miron. Quelqu’un lui avait reproché de n’avoir pas une plume moderne. Il avait dit : “Toi, ta plume moderniste est d’un seul temps.” »

L’empreinte laissée par Miron sur l’écriture de Louis-Jean est palpable. Les images sont plus directes et bien que les textes demeurent, dans une certaine mesure, cryptés, Louis-Jean avait pour objectif d’affiner sa plume. « C’est important pour moi que l’auditeur se fasse sa propre idée quant à la signification des textes. Je voulais aller vers des images plus claires. Voilà pourquoi je me suis tourné vers Daniel Beaumont (auteur de Tricot Machine). C’est pour moi un grand poète du quotidien québécois. »

L’un des nouveaux repères auxquels Louis-Jean a dû s’acclimater dans l’aventure solo, c’est d’entendre sa voix placée à l’avant dans le mix, et non plus fondue à la charge musicale d’un groupe rock. Et parlant de voix… À l’hiver 2014, Louis-Jean Cormier sera coach à la très populaire émission La voix animée par Charles Lafortune. Comment abordera-t-il ce nouveau rôle? « On me l’avait déjà proposé deux fois et j’avais écarté cette possibilité du revers de la main. Ils sont revenus à la charge en me disant ce que je voulais entendre, c’est-à-dire qu’ils souhaitent que je reste intègre et que je serai en quelque sorte le mouton noir dans l’émission… J’ai carte blanche pour le répertoire de mon équipe, je peux aller vers des chansons pas si populaires, mais qui demeurent pour moi de grands classiques. C’est une tribune qui n’a rien à voir avec mon rôle de créateur; ce sont plutôt mes aptitudes de réalisateur (Lisa LeBlanc, Douze hommes rapaillés, David Marin) qui me serviront. Je me réjouis à l’idée de faire chanter du Miron et du Martin Léon aux concurrents… Ramener, dans ce genre d’émission-spectacle, un portrait encore plus juste et réaliste de ce qui se passe en musique au Québec : c’est la mission que je me donne. »