LoudAprès avoir fracassé plusieurs records avec son premier album, Loud bat le fer quand il est chaud avec Tout ça pour ça, un nouvel opus qui compte une fois de plus sur le talent et la complicité d’Ajust et Ruffsound, deux des producteurs les plus en vue au pays. Sans faire d’histoire, le rappeur montréalais nous fait l’honneur de replonger dans le processus de création de chacune de ses 10 nouvelles chansons.

Sans faire d’histoire
« Elle a un peu le même rôle qu’avait So Far So Good sur mon précédent album, c’est-à-dire celui de faire un bilan des derniers mois et de mettre la table pour ce qui s’en vient. Je sais pas pourquoi, mais je peux pas m’empêcher d’ouvrir mes albums de cette manière-là. Je trouve ça nécessaire de dire où j’en suis rendu. Certains auraient pu s’attendre à quelque chose de pop en partant, mais non, j’entre de manière très classique. C’est un peu pour établir dès le départ que c’est un album de rap. En terme de bilan, forcément, c’est sûr que c’est assez positif, vu que ça parle surtout de ce qui s‘est passé dans la dernière année et demie. À mon sens, c’est le beat qui m’a amené vers quelque chose d’aussi positif que ça. Ça sonne comme un anthem d’été. »

Médailles
« Au premier degré, c’est une chanson qui parle d’accomplissements et de réussite, mais si tu l’écoutes attentivement et si tu regardes le clip, tu constates que je parle aussi de l’envers de la médaille, de tout ce qui vient avec le succès. La musique, ça reste un choix personnel, je me sens pas coincé dans un deal que j’aime pas, mais c’est certain qu’une fois que ton projet est lancé, les opportunités sont nombreuses, et ça devient difficile de dire « non » et de prendre une pause. Tu deviens pris dans une loop continuelle et tu peux pas vraiment en profiter tant que tu t’arrêtes pas. C’est pas mal la seule chanson dont les paroles sont venues avant la musique. J’avais le refrain et le pré-refrain en tête, et les gars ont fait le beat à partir de ça. »

Jamais de la vie
« Pour celle-là, Ruffsound et moi, on est allés chez Banx & Ranx (NDLR : prolifique duo de producteurs montréalais au rayonnement international) et on a cherché des mélodies avec eux. En fin de compte, on a trouvé l’ébauche de cette toune-là, que les gars ont ensuite retravaillée. Ça a été assez long comme processus, car on savait qu’elle avait une qualité radio, tout particulièrement dans le refrain, et on voulait être certain de l’amener à un autre niveau. D’ailleurs, c’était important pour moi que le refrain ait un côté universel, et je crois que tout le monde peut s’identifier à cette idée de vouloir être en contrôle de sa vie, à cette idée de ne pas vouloir entrer dans le moule. Dans un contexte pop, c’est quasiment le devoir du refrain de pouvoir résumer l’idée générale de la chanson, même si les couplets sont un peu plus personnels. »

Salles combles
« C’est une chanson faite pour les shows avec un refrain qui s’apparente quasiment à une chanson à répondre. Le texte aussi parle de shows, de la dernière tournée que j’ai eue, mais aussi des difficultés de tourner au Québec et des débuts de carrière qui peuvent être assez ingrats. Avec LLA (Loud Lary Ajust), on a vécu des moments où les déplacements nous coûtaient tellement cher qu’on jouait presque gratuitement. Même qu’à des endroits où tu as moins de public, tu peux finir par jouer à tes frais. À travers ce récit-là, il y a une certaine fierté, car depuis le début de mon projet solo, j’ai une centaine de shows qui ont été présentés à guichets fermés. C’est quelque chose que je voulais souligner et célébrer. »

Longues vies
« Ça vient d’une réflexion ou même d’une certaine angoisse qui m’habite parfois : celle de perdre sa place. C’est classique de le dire, mais plusieurs trucs qui fonctionnent vraiment bien et vraiment vite n’ont pas toujours une très longue durée. Le monde finit souvent par se lasser de quelque chose qui joue trop partout. La question qui se pose par rapport au marché québécois, c’est donc « combien de temps on peut push jusqu’à tant que ça devienne trop ? ». Forcément, ça va arriver à un moment donné… Dans la chanson, je fais aussi un clin d’oeil à Prodigy et Nipsey Hussle, deux légendes du rap qui sont mortes dernièrement. C’est pour ça que le titre, Longues vies, est au pluriel. C’est pas une réflexion uniquement centrée sur moi, mais plus une réflexion générale sur combien de temps on peut rester au sommet. »

Sometimes All The Time (avec Charlotte Cardin)
« À la base, je suis un grand fan de ce que fait Charlotte Cardin. On avait déjà mentionné l’intérêt de travailler ensemble, mais il n’y avait rien de concret sur la table jusqu’à tant que je lui envoie cette toune. Le lendemain, elle m’a renvoyé son couplet par voice memo, et on l’a pratiquement pas retouché après. L’angle de la chanson se prêtait vraiment bien à un duo classique avec deux couplets où l’on s’adresse chacun l’un à l’autre et un refrain rassembleur durant lequel on se rejoint. Charlotte pouvait aussi s’identifier au sujet de la chanson, qui parle des répercussions des relations à distance quand on est toujours sur la route ou bien à l’hôtel. Les communications sont toujours un peu complexes, souvent impossibles. On finit par se parler quand on peut se parler, mais c’est jamais optimal. »

Off the Grid (avec Lary Kidd)
« C’est un clin d’oeil à LLA à travers un autre exercice de recap, de bilan. Il y a du positif, mais encore une fois, il y a aussi l’envers du décor. Quand tout ton temps est mappé et que tu sais exactement tout ce que tu vas faire tout le temps, il y a ce désir-là de disparaître sans avertir, de s’en aller loin, de bouger librement. C’est une envie qui m’a toujours habité, comme je le disais sur Hell, What a View. Avec les années, j’ai réussi à trouver un équilibre entre ce que je suis et mon image publique. J’ai notamment réussi à mettre mes limites par rapport aux médias et aux réseaux sociaux. Je gère ça de la manière qui me plait, sans chercher à avoir toujours trop d’exposure. »

Fallait y aller
« Celle-là, elle vient de la même session que Jamais de la vie chez Banx & Ranx. À mon sens, ces deux chansons-là, elles vont ensemble. On les a travaillées là-bas, et je suis allé les écrire de mon bord après. C’est une réflexion sur mon parcours, sur le fait que ça fait super longtemps que je fais ça. Il y a eu des hauts et des bas, mais surtout, il y a eu des paliers qu’on a franchis. Après LLA, clairement, il y avait la possibilité que tout soit fini, qu’il ne se repasse jamais rien d’aussi gros dans ma carrière. En fin de compte, le timing de la chose a été la clé. Quand c’était le temps d’y aller, on y est allés à fond. »

Pas sortables
« Le texte est un peu arrogant, je dirais. C’est une chanson à écouter pour te primer avant quelque chose… genre un match de UFC. (rires) On l’a vraiment imaginée comme la chanson mosh pit, durant laquelle le public va virer fou en spectacle. À la base, je me suis juste imprégné de l’énergie du beat. J’avais pas le choix d’y aller hard là-dessus. C’est une des rares productions qui étaient pas mal déjà arrangées avant que je me mette à écrire le texte. Ruffsound, Ajust et Realmind (NDLR : coproducteur du hit et Prix de la chanson SOCAN 2018 Toutes les femmes savent danser et de plusieurs chansons de cet album) l’ont composée dans un chalet l’automne passé. Même la finale avec la guitare et les cordes était déjà là. »

GG
« GG, ça veut dire « Good Game » (« Bien joué ») dans l’univers du online gaming. C’était vraiment l’idée faire une conclusion dans les règles de l’art, en me permettant notamment d’aller dans des zones plus personnelles. Durant le couplet, la musique est tellement minimaliste et effacée que ma voix prend toute la place au centre. Ça m’a donné l’occasion de m’ouvrir davantage sur ce que je suis, sans trop de tabous. C’est pas quelque chose que j’aime faire tout le temps, mais dans un contexte comme ça, ça s’y prêtait bien. À la fin, le build-up minimaliste culmine avec une explosion en instrumentation live, un genre de jam qui rappelle les productions de Justice League ou de Kanye West. On voulait surprendre les gens avec une fin épique. »