« Christine & The Queens a dit : il n’y a pas plus grande liberté que celle de se nommer soi-même. C’est vrai », assure l’autrice-compositrice-interprète Ariane Brunet qui, après trois albums parus sous son nom de baptême, vient d’offrir Soif, un premier album sous le nom L’Isle. Après s’être accordée une pause dans sa carrière, le temps de retourner à l’université et fonder une famille, la musicienne a trouvé une nouvelle maison de disques (Bravo Musique) et un nouveau son, pop encore, mais électronique, rythmé, plus moderne.

L'isle « Pour moi, L’Isle est comme un nouveau projet musical, se justifie Ariane. Je comprends que ça reste un peu flou pour le public : c’est encore moi qui compose les chansons et les chante. La nuance entre ce que j’ai sorti sous Ariane Brunet, puis L’Isle, n’est pas si grande », et pourtant, elle fait toute la différence.

Les synthétiseurs amènent une couleur et une fraîcheur nouvelle au travail de la compositrice. Sa prosodie, mieux rythmée, embrasse parfaitement le groove pop-électro-funk de ses nouvelles chansons. Les nouveaux airs de L’Isle, qui rappelleront incidemment le style de chanson pop de Christine & The Queens, lui vont comme un gant : « On a les mêmes influences, j’imagine qu’on a dû écouter la même musique plus jeunes. Je ne sais toujours pas pourquoi, mais plus jeune, j’écoutais du James Brown et du Whitney Houston; Corneille fut l’une de mes premières influences, parce qu’il chantait ça en français », ajoute Ariane en citant aussi The Weeknd, l’Américaine Banks et la Suédoise Lykke Li.

Ariane avait 19 ans lorsqu’elle a lancé son premier album Le pied dans ma bulle, en 2020. Elle en avait 22 à la sortie de Fusée, 24 à celle de Stella. « J’étais jeune, je trouvais ça frustrant de me faire comparer à d’autres musiciens et musiciennes qui avaient 15 ans de plus que moi, mais c’était comme ça, à l’époque. » À l’échéance de son premier contrat de disque, elle s’est cherchée dans un rôle de musicienne pigiste, composant pour d’autres, tenant le rôle de choriste, notamment dans le chœur gospel de l’émission Y’a du monde à messe (Télé-Québec), animée par Christian Bégin.

« J’en ai aussi profité aussi pour retourner étudier en création littéraire à l’université, ajoute-t-elle. J’ai aussi rencontré plein de musiciens différents. J’ai exploré, pour en arriver à ce résultat qui me plait beaucoup. Je me suis remise en question, sur le plan de l’image et du concept. J’ai compris que j’aimais l’idée d’un projet musical qui soit une expérience totale. Mettre le pied dans l’univers d’un artiste ne s’arrête pas qu’à sa musique. »

L'Isle, Tous Les Corps, video

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Bien qu’elle estime que chacun de ses précédents albums d’Ariane Brunet ait leur identité musicale propre, reste que le virage esthétique entrepris avec L’Isle démarque ce projet des précédents. « Là où ça a vraiment changé, c’est lorsque j’ai commencé à écrire les paroles à partir de la mélodie et du rythme, explique-t-elle. Autrefois, c’était moins clair, plus librement composé – lorsque tu commences en prenant une guitare dans tes mains, le rythme n’est pas fixé, les mots et les mélodies surgissent en même temps. Cette fois, en prenant le rythme et la mélodie pour base, je pouvais mieux travailler le rythme de ma voix et des mots. Ça a été le plus difficile : rendre les textes intelligents, tout en m’assurant que ça sonne bien. »

Ce qui nous mène à la signification derrière ce nouveau nom. L’Isle, écrit à l’ancienne, avec un s plutôt que l’accent circonflexe sur le i. Mot choisi d’abord parce qu’Ariane est originaire du West Island de Montréal. Ensuite, parce qu’elle a grandi dans un milieu à prédominance anglophone : « Mon père est un chevalier de la loi 101 : à chaque commerce dans lequel on entrait, c’était une nouvelle bataille pour se faire servir en français. Systématiquement, lorsqu’on lui parlait en anglais, il répondait en français – parfois, il feignait de ne pas comprendre l’anglais. »

« À l’école, ça parlait français dans les classes, mais dans la cour d’école, c’était l’anglais. C’est un bel endroit, le West Island, mais en grandissant là, j’ai repris à mon tour la bataille pour la langue française. Et puis, ça me fâchait d’entendre dire que la musique francophone, ça sonne tout pareil. Pour moi, c’est important d’écrire et de chanter en français et mon objectif, en tant qu’autrice-compositrice-interprète, est de bien faire sonner notre langue. Le sens des mots et la phonétique, c’est important dans une chanson. Je veux que ce soit intelligent et que ça sonne bien pour fermer le clapet à tous ceux qui disent que ce n’est pas possible de faire de la bonne musique en français. »