Guy BélangerL’harmoniciste Guy Bélanger procure cette drôle d’impression, celle d’avoir suivi le chemin qui se traçait devant lui les yeux fermés. Un peu par instinct. Que ce soit cette soirée de fête où adolescent, il a troqué la flûte à bec pour l’harmonica. « Ce n’est pas moi qui l’ai choisie, c’est elle. » Ou ce parcours en composition de musiques de films et de séries télé après avoir joué partout au Québec comme harmoniciste avec Bob Walsh et les Colocs. Guy Bélanger, compositeur et musicien autodidacte, a un parcours singulier, parsemé de bons coups. Et profondément habité par cette envie d’être là où on ne l’attend pas.  « J’aime dire que j’amène mon harmonica prendre de l’air. Je l’amène ailleurs pour voir si elle y est… Et elle y est tout le temps. »

C’est une histoire de famille qui amène Guy Bélanger, frère de Louis, réalisateur, à la musique de film. Si l’aventure commence avec Post Mortem, elle prend toutefois son envol avec Gaz Bar Blues et une trame sonore que Guy signe avec le guitariste Claude Fradette. « On était super inspiré, entre autres par le travail de Ry Cooder sur Paris, Texas. Il se passait de quoi… »  Chimie transmise puisque le duo gagne le Jutra de la meilleure musique de film en 2003. Et entre les deux frères Bélanger, issus d’une famille de huit enfants de Val d’or, la chimie aussi se crée, une entente tacite qui les lie encore aujourd’hui professionnellement. « Louis travaille ses scénarios en finesse. Tout est calculé, dosé, réfléchi. Ce serait irrespectueux de venir souligner ça au crayon gras, avec de la grosse musique à la John Williams. De toute façon, j’en serais incapable. »

 

Louis Bélanger sera fidèle à son frère qui le sert bien. Guy Bélanger signe la trame de The Timekeeper (2009) et Route 132 en compagnie de Ben Charest avec qui il remporte un deuxième Jutra pour la bande-son en 2011. Les mauvaises herbes, le tout dernier film de Louis Bélanger, marque pour Guy une étape significative puisqu’il signe seul l’ensemble des pistes. Une première pour le compositeur. «  J’étais rendu là. Ce n’est pas que je veux travailler seul dans mon studio. Au contraire. Mais je voulais me prouver à moi-même que je pouvais y arriver. » Pour Les mauvaises herbes, les deux frères s’entendent dès le départ sur un point. Aucune allusion au reggae et son fameux ganja n’était possible. C’est plutôt le visionnement d’une scène qui guide Guy Bélanger sur une voie. « Louis me partage son scénario et des moments de son tournage. Et moi, je lui envoie des trames qu’il écoute et commente. Souvent, Louis me demande d’enlever une couche. Et une autre. Encore une autre. Je dois déshabiller ma musique pour Louis. Je ne souligne pas, j’accompagne les émotions. »

Composer à l’harmonica offre son lot de défi. « Je ne veux pas être country, trop blues, faire penser à Neil Young ou Bob Dylan. Il y a quelque chose de convivial à cet instrument. Tous nos grands-pères en ont joué. » Sa ressemblance au chant, à la voix, distrait souvent des dialogues d’un film. Il arrive donc à Guy Bélanger de composer la mélodie à l’harmonica pour ensuite appeler un ami pour la transposer à un autre instrument, la guitare, comme ce fut le cas sur Les mauvaises herbes.

Guy cherche aussi à surprendre, à déjouer son propre instrument. Le travestir. C’est particulièrement le cas pour la série Séquelles, présentée à Série+ ce printemps, aussi réalisée par Louis Bélanger pour qui il signe la trame sonore avec son fidèle acolyte, Claude Fradette. « Puisqu’on se trouve dans un thriller, on a créé un climat d’angoisse atonale. Tout en texture. Ce fut un travail de fines couches où j’ai doublé, triplé les tracks d’harmonica. On perd complètement l’instrument, on lui faire dire autre chose. »

Guy Bélanger, qui a composé aussi pour la série télé Les Boys réalisée par Louis Saya, n’a toutefois jamais arrêté son travail de musicien. Pour lui, ce sont deux facettes du métier qui dialoguent ensemble et stimulent la création. Les preuves sont patentes. Il monte sur scène cet été au Festival de jazz pour une série de deux spectacles à l’Astral. En 2014, il signe Blues Turn, gagne le trophée « Harmonica Player of the  Year 2014 » au prestigieux Maple Blues Awards à Toronto et son disque est finaliste au International Blues Challenge à Memphis. Il joue sur le prochain disque de Céline Dion. Bélanger pratique également dans son garage pour un prochain disque qu’il prévoit sortir… en novembre prochain. La ligne entre ces deux univers est si fine que Guy Bélanger ne se gêne pas d’amener sur scène, les airs composés pour Gaz Bar Blues ou Les mauvaises herbes. « Je trippe, je décolle à faire ça. Alors que c’est souvent des moments qui durent 30 secondes dans un film, là, je me fais des envolées de 7 à 10 minutes avec la gang. C’est merveilleux. »