Au bout du fil dans le 819, Denis Massé est heureux de partager avec P&M les vingt ans d’existence du groupe Les Tireux d’Roches, fondé au café-chanson La Pierre Angulaire à Ste-Élie-de-Caxton, en 1998. Café dont il était alors propriétaire. Un jeune Fred Pellerin de seize ans y passait le balai, mais surtout, y présentait sous forme de conte, les quelque cent spectacles par année qu’on y présentait.

Les Tireux d’Roches

« C’était construit à même une falaise. Dans le fond d’un rang. Le café avait son journal et Fred le distribuait aux environs du village dans une soixantaine d’endroits avec sa petite Honda. C’était une belle époque pour posséder un café-chanson : Pierre Calvé, Pierre Létourneau et Bertrand Gosselin pour ne nommer qu’eux, effectuaient leurs retours ».

Six albums plus tard, plus de mille spectacles ici, en Europe et en Asie, Les Tireux d’Roches et ses cinq membres persistent à faire connaître les chansons du folklore québécois. Le terreau est toujours aussi fertile.

« La source est inépuisable, admet Massé. On tient à ces petits trésors de mémoire. Moi, j’habite en milieu rural, et sur le chemin vers chez nous il y a une femme de 87 ans qui voulait me chanter les vingt-et-une chansons qu’elle connaissait de mémoire, parce que son père les lui chantait aussi de mémoire. J’ai tout enregistré ça et on en retrouve une sur notre dernier album Tarmacadam.

Chaque région du Québec a des répertoires enfouis. Mais Lanaudière, région trad par excellence, c’est un cas à part : St-Côme est le village de la chanson traditionnelle au Québec. Je pense que chaque maison a un répertoire de chansons. André Marchand (Les Charbonniers de l’enfer) et Yves Lambert (La Bottine souriante), ont mis en lumière ces trésors-là ».

Davy Hay Gallant, connu pour son travail de réalisation pour le Cirque Éloize, pour sa direction artistique du Mondial des Cultures et pour son rôle de guitariste avec le groupe fransaskois Hart Rouge (1995-2005) et avec Chloé Sainte-Marie a mis à profit son studio de Drummondville, Dogger Pound. « D’habitude, on enregistre dans un chalet, on fait nos affaires tout seuls. À priori, nous n’étions pas chauds à l’idée qu’un réalisateur entre dans notre monde, mais avec Davy, ç’a été instantané, la connexion fut immédiate. On est arrivé dans son studio avec des tounes déjà arrangées, déjà prêtes. D’habitude, un réalisateur met sa griffe sur cet aspect fondamental de création ; on l’a un peu désarçonné. Là où il a brillé, c’est avec ses talents de multi-instrumentiste, on entend plein de nouvelles sonorités grâce à lui ».

« Chaque album des Tireux d’Roches est toujours un peu déroutant, continue Massé. On n’a jamais de direction précise. Mais cette fois-ci, on voulait une saveur plus près de nos racines, ancrée dans le terroir. On compose beaucoup aussi à un point tel que le monde ne fait plus la différence entre une chanson du domaine public ou une nouvelle de notre cru ».

Mais c’est hors du studio que la magie opère : « on existe pour la scène, on a quasiment une attitude rock avec des instruments acoustiques dans les mains. Inévitablement, l’énergie dégagée amène le public hors Québec à embarquer même si les paroles des chansons leur sont incompréhensibles. Même si on est beaucoup dans le métissage, ça reste de la musique du terroir québécois et les gens le ressentent bien, même s’ils sont Chinois Allemands ou Espagnols. Et c’est très festif bien entendu… »

Ironiquement, c’est souvent loin du Québec que le groupe tire ses inspirations. Les pauses entre deux spectacles durent souvent plusieurs jours. « On se loue une maison dans les montagnes ou sur le bord de la mer, on est en circuit fermé et on travaille continuellement. Nos séances de création les plus significatives se passent en tournée, un scénario que se répète quatre à cinq fois par année ».

« C’est le temps qui façonne la complicité des Tireux d’Roches conclut Massé. En tournée, c’est deux heures de spectacles et vingt-deux heures à passer continuellement ensemble. Heureusement, on s’entend bien ! »

Massé traîne un autre spectacle dans sa manche : Henri Godon, chansons pour toute sorte d’enfants (en tandem avec Jeannot Bournival, aussi de Ste-Élie), projet qui tourne beaucoup en Europe. « Je crois beaucoup au métier d’auteur-compositeur pour enfants ».

 



LOUD

La vague de fond provoquée par la sortie d’Une année record, premier album solo du rappeur Loud fin 2017, n’est pas prête de s’essouffler si l’on en croit la frénésie qui accompagne ses concerts à guichets fermés et le buzz grandissant sur le Web. Sur la planète rap Québ, 2018 sera certainement l’année de la consécration pour cet auteur-compositeur-interprète d’une polyvalence à toute épreuve s’étant révélé au sein du trio Loud Lary Ajust. La France le réclame aussi, là où son album paraîtra en magasin grâce à un partenariat avec une filiale de Universal. Bref, il se dirige tout droit vers une année record !

 

 

 

 

 

ELI ROSE

Pour celle qui s’est fait connaître au sein du duo pop Eli et Papillon, sa participation au premier Camp d’écriture Kenekt Québec de la SOCAN en 2016 a littéralement changé son parcours. Grâce à Kenekt, elle a fait la rencontre de Marc Vincent (Ruffsound), Mike Clay de la formation Clay and Friends et Étienne Dupuis-Cloutier (DRMS), auxquels s’est ajouté Jeff Marco Martinez Lebron (Realmind), pour former le noyau dur d’une nouvelle proposition pop urbaine, hybride irrésistible de sonorités pop et hip-hop, dont le simple « Soleil » paru l’été dernier n’est que l’étincelle. Et ce cocktail explosif prépare sa déflagration en 2018 non seulement ici, mais également outremer où le projet d’Eli Rose suscite déjà beaucoup d’intérêt.

 

 

 

GEOFFROY

Auteur-compositeur et multi-instrumentiste montréalais, Geoffroy est l’exemple parfait qu’une stratégie de développement du marché international fait avec acharnement et conviction finit toujours par porter ses fruits lorsque l’on a en main une proposition musicale forte. Depuis la parution de son premier album de pop électronique sophistiquée Coastline en 2017, il a traversé plusieurs fois les océans et les frontières et y a pris goût. Au point où son agenda 2018 se remplit à vue d’œil d’engagements européens, américains et canadiens. Du temps sera aussi aménagé à l’écriture et la production de nouveau matériel qui devrait ravir nos oreilles dès le printemps prochain, en apéritif à un deuxième album à venir fin 2018, début 2019. Résolument à surveiller sur nos radars.

 

 

 

SEAN LEON

Le prolifique rappeur et réalisateur torontois Sean Leon possède une palette artistique et une vision limpide qui le démarquent du lot, sans parler de son style en constante évolution. En 2012, il a fondé un collectif artistique baptisé IXXI, ou The Initiative, et le projet a porté ses fruits avec la percée de son collègue et ami Daniel Caesar. L’amour inconditionnel et obsessif de Leon pour la musique s’entend dans ses chansons et il fait fréquemment des choix esthétiques dans sa musique qui la rend d’autant plus puissante et touchante. Originaire d’Ajax, en banlieue est de Toronto, il a décroché au secondaire pour se consacrer entièrement à la musique, passant très souvent jusqu’à 20 heures consécutives en studio. Il est sûr de lui, effronté, voire arrogant, et son nouveau projet audio/vidéo CCWMTT, lancé fin 2017, s’annonce être le tremplin qui lui apportera le succès commercial en 2018.

 

 

BÜLOW

Bülow est une jeune artiste de 17 ans qui terminera bientôt son éducation secondaire aux Pays-Bas et qui prévoit ensuite s’installer au Canada. Née Megan Bülow, elle a également vécu en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis et elle a commencé à jouer dans les rues de Londres alors qu’elle n’avait que 11 ans et elle a été découverte lors d’un camp d’été en 2016. Son premier simple, « This is Not a Love Song » a cumulé des milliers d’écoutes sur SoundCloud et a figuré dans des listes d’écoute sur Spotify, malgré le fait qu’elle est essentiellement inconnue du public. Après avoir écrit et enregistré avec des producteurs à Toronto, Londres et La Haye, Bülow a lancé son tout premier EP de trois chansons, Damaged Vol. 1, à saveur electro/R & B/pop pétillante et accrocheuse, mais tout en subtilité, qui ont commencé à attirer beaucoup d’attention. Récemment mise sous contrat par l’étiquette canadienne Wax Records, ses chansons d’une grande honnêteté ont déjà reçu des critiques dithyrambiques et des milliers d’écoutes.

 

JOE COUPAL

Dès sa sortie de l’université, Joe Coupal s’est trouvé un emploi chez Eggplant LF, une boîte torontoise de musique et de postproduction audio primée où il était responsable du montage d’œuvres musicales et de trames sonores de séries télé. Après de nombreuses années à monter, mixer et arranger de la musique à l’écran écrite par d’autres compositeurs, Coupal a saisi une occasion de soumettre une de ses propres œuvres. Le fait qu’il ait remporté sa première soumission pour la populaire série Netflix True and The Rainbow Kingdom dont l’équipe de création incluait la compagnie de Pharrell Williams i am OTHER (sic) — témoigne de son immense talent. Après avoir remporté cette soumission avec une chanson qui incite à l’action (« The Wishing Tree Song »), l’équipe créative de True, impressionnée, a demandé à Coupal et Eggplant de soumissionner pour le thème musical de la série. Son travail lui a valu le premier prix dans la catégorie animation de l’édition 2017 du Prix pour les jeunes compositeurs à l’écran de la Fondation SOCAN. Son succès ne se dément pas depuis et s’annonce toujours en pleine ascension pour 2018.



Pas de « facelift » pour la Grande Dame, mais une métamorphose totale.

Le Massey Hall, construit en 1894 par l’industriel et philanthrope canadien Hart Massey au coût de 152 000 $, fait actuellement l’objet d’un projet de revitalisation de 139 millions $ qui entraînera la fermeture de la légendaire salle de 2765 sièges du centre-ville de Toronto fermer ses portes pour un peu plus de deux ans à compter du 30 juillet 2018.

Lorsqu’il rouvrira ses portes en septembre 2020, l’édifice aura non seulement été mis à jour côté technique, mais il sera devenu un hybride d’histoire et de modernisation, et son expansion lui verra ajouter deux salles additionnelles, dont l’une pourra présenter des spectacles en même temps que la salle principale. Le Massey Hall deviendra également la succursale de l’est du pays du Centre national de musique de Calgary et hébergera un musée dédié au riche patrimoine musical de Toronto.

Deane Cameron, président et chef de la direction de la Massey Hall and Roy Thomson Hall Corporation, explique que cinq années de planification méticuleuse permettront d’accroître les activités, l’achalandage et les affaires et assureront son avenir. « Nous avions un profond sentiment de responsabilité en ce qui concerne la bonne façon de la revitaliser en lui redonnant sa gloire d’antan », dit celui qui a auparavant été, pendant de nombreuses années, le président et chef de la direction de EMI Music Canada et qui a quitté sa retraite il y a deux ans pour prendre les rênes de la société. « Notre ambition est de revenir à la vision initiale de Hart Massey, c’est-à-dire de créer un lieu d’engagement civique tout autant qu’un lieu de divertissement. »

Bien qu’un grand pan du financement reste à trouver — Cameron espère recevoir 70 millions $ additionnels des gouvernements fédéral et de l’Ontario en plus de 40 millions $ de financement privé (environ 25 % à 30 % de cet objectif sont atteints) — la première des deux phases de la revitalisation du Massey Hall est complétée. En 2014, le Albert Hall attenant, d’abord construit comme résidence pour les employés, a été racheté d’un développeur immobilier et a été démoli l’an dernier afin de construire un quai de chargement plus que nécessaire. L’absence d’un quai de chargement signifie que les artistes doivent décharger leur équipement par le hall d’entrée, ce qui pouvait parfois prendre deux jours.

Le nouvel édifice de sept étages comporte non seulement un quai de chargement, mais plusieurs autres éléments cruciaux qui manquaient auparavant : une arrière-scène plus spacieuse, des loges dignes de ce nom, ainsi qu’un espace multimédia de 500 personnes ou 260 sièges avec une entrée distincte qui permet de tenir des événements simultanément à ceux de la salle principale. Le bar Centuries, au sous-sol, sera également agrandi pour devenir une salle de 500 personnes, généralement pour y présenter des spectacles après la fin des événements présentés dans la salle principale. Les rénovations et agrandissements permettront de doubler le nombre de spectacles présentés au Massey et ainsi de contribuer encore plus au développement, à l’éducation et à la sensibilisation du public au sujet des artistes canadiens.

« Nous avions un profond sentiment de responsabilité en ce qui concerne la bonne façon de la revitaliser en lui redonnant sa gloire d’antan. » — Deane Cameron, président et chef de la direction de la Massey Hall and Roy Thomson Hall Corporation

Quant à l’esthétique, l’enveloppe externe du Massey, classé monument historique, sera restaurée à sa gloire de 1894, mais avec une touche moderne : en plus de réinstaller son enseigne en pierre et ses 104 fenêtres en vitrail originales, chaque aile sera couverte par une passerelle en verre révélant les agrandissements du deuxième et du troisième étage, incluant les bars, salons et salles de bain. Le quatrième étage abritera la nouvelle salle et hébergera également le Centre national de musique Est — une extension muséale de l’institution musicale de Calgary.

« Le niveau 5 », que Cameron décrit comme une mezzanine, sera « un studio d’enregistrement pour la captation de contenus. Nous serons en mesure d’enregistrer la salle du quatrième et la grande salle. »

Quant à l’intérieur, le lobby art déco de 1933 sera complètement rénové et on y ajoutera de l’éclairage. Tous les sièges de l’auditorium seront remplacés et ils seront tous de 3,8 à 5 cm plus larges « pour respecter le code ». Des sièges seront ajoutés au balcon. Une cinquantaine des 80 sièges actuellement obstrués disparaîtront une fois les nouveaux sièges installés. Les trois niveaux de l’auditorium offriront désormais des sièges accessibles, actuellement confinés au niveau de l’orchestre. Un plancher rétractable permettra de stocker les sièges sous la scène pour les événements en admission générale, ce qui fera passer la capacité de la salle à 2900 personnes.

Bien que le Massey Hall soit reconnu pour son pedigree musical — les plus grands y sont passés, de la légende de l’opéra Enrico Caruso au génie du jazz Charlie Parker, en passant par Gordon Lightfoot, Neil Young et Rush — il a également servi de podium oratoire à des personnages comme l’activiste Nellie McClung et le futur premier ministre britannique Winston Churchill. « Nous aimerions nous faire connaître pour nos conférences du midi », confie Cameron. « Nous allons revenir à notre réputation de salle multifonctionnelle. Elle était devenue un peu trop orientée sur la musique populaire. » Il poursuit en expliquant que le Massey Hall deviendra également prêt à recevoir des projections de films afin d’accueillir le Festival international du film de Toronto.

L’opinion de l’association du développement commercial Downtown Yonge
Mark Garner, directeur général et chef de l’exploitation de la Downtown Yonge Business Improvement Association, réaffirme l’incroyable importance du Massey Hall sur les affaires des commerces locaux. « Tous les restaurants sont pleins avant un spectacle », affirme-t-il. « Le Senator Café, le Jazz Bistro, tous les restaurants de Victoria Street… Nous prévoyons qu’environ 70 000 personnes viendront s’installer sur Yonge Street au cours des 3 à 5 prochaines années… Tous ces gens qui s’installeront dans un des innombrables condos vont sûrement vouloir aller voir un spectacle de temps en temps. Les gens n’ont pas envie de prendre leur auto ou le transport en commun — ils peuvent parcourir ce périmètre de huit pâtés de maisons, et le Massey s’y trouve… On va s’ennuyer du Massey pendant sa fermeture, mais lors de sa réouverture, c’est là que nous procéderons à l’évaluation économique clé et que nous constaterons qu’il est en pleine renaissance. »

Gordon Loghtfoot se produira les 29 et 30 juin 2018 pour la clôture de la salle, et il y aura également des célébrations pour son 124e anniversaire, le 14 juin. Il souligne également que durant sa fermeture, Massey Hall continuera de présenter des spectacles dans des salles avoisinantes comme le Elgin Theatre et le Winter Garden Theatre. Le Roy Thomson Hall sera également utilisé.

La fermeture du Massey aura peut-être un impact négatif sur l’économie du centre-ville durant tous ces mois, mais une étude de Nordicity — une firme torontoise de consultation stratégique, politique et économique — prédit que la salle contribuera 348,1 millions $ au BIP, créera 3950 emplois à plein temps et génèrera 108,1 millions $ en impôts fédéral et provincial entre 2016 et 2025.

« Nous allons augmenter la cadence », explique Cameron. « Nous allons augmenter nos activités. Nous ferons grand bien à notre quartier. Nous avons fait des estimations qui démontrent aux gouvernements provincial et fédéral que s’ils nous accordent chacun les 34 millions $ que nous leur avons demandés, l’un récupèrera sa mise en 8 ans et l’autre en 12, et ce uniquement par la taxation, et ce sont des calculs conservateurs. »

Bien entendu, lorsque le Massey Hall rouvrira ses portes, les grands gagnants seront les amoureux d’art et de culture et les musiciens — sans oublier les restaurants, bars, hôtels et commerçants du quartier.

 

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