Lorsque la pandémie de COVID-19 a paralysé le monde entier en mars 2020, l’auteure-compositrice-interprète LØLØ, Lauren Mandel de son vrai nom, n’a pas été déstabilisée. Confinée chez elle à Toronto, LØLØ a passé le temps en publiant de courtes vidéos de danse sur TikTok. C’est là qu’elle a remarqué un clip publié par une jeune femme qui interprétait la chanson « Hey There Delilah » des Plain White Ts en inversant l’histoire de manière à ce qu’elle soit racontée du point de vue de ladite Delilah. Intriguée, LØLØ a écrit sa propre version acoustique épurée qui lui a rapidement valu un nombre impressionnant d’abonnés sur cette plateforme.

« J’ai reçu plus de vues qu’avec mes vidéos de danse », dit-elle en riant. « J’ai réalisé que c’était totalement sensé ! » Après avoir compris le potentiel derrière l’écriture de reprises, mais d’une perspective différente, elle a créé de plus en plus de contenu original sur ce réseau social. Sa version de la pièce « Tequila » par le duo country Dan and Shay a tourné à la radio tandis que sa reprise de « Betty » par Taylor Swift a créé beaucoup de « buzz » sur une page Reddit maintenue par des fans de Swift. Peu de temps après, LØLØ avait également attiré l’attention de Mike Caren chez APG Publishing Group et, en décembre 2020, elle signait un contrat d’édition en tant qu’auteure.

« Maintenant, j’ai accès à des artistes, des auteurs-compositeurs et des producteurs extraordinaires auxquels je n’aurais jamais eu accès autrement », dit-elle, encore toute étourdie par un récent voyage à Los Angeles où elle a eu la chance de proposer son travail à des artistes comme BTS et Gwen Stefani. « J’adore écrire pour d’autres gens, arriver dans une salle de réunion et les entendre me dire “j’aimerais aborder tel ou tel sujet…” C’est comme une séance de thérapie que je transforme en paroles pour une chanson. »

LØLØ n’a toutefois pas toujours rêvé de devenir auteure-compositrice. Enfant, elle idolâtrait Shirley Temple et a appris la danse à claquettes en rêvant de se retrouver sur Broadway. C’est en secondaire 3 qu’elle commence à apprendre la guitare afin de ne pas se faire dépasser par sa petite sœur et son professeur lui a suggéré d’essayer de chanter en plus de l’encourager à écrire sa première chanson. Même si LØLØ avait l’habitude de s’exprimer dans son journal intime, l’idée de partager ses sentiments profonds avec les gens la terrifiait. Il a fallu que son professeur de guitare la menace de ne plus revenir et de mettre fin à ses leçons qu’elle s’est attelée à la tâche.

« La jeune version de moi capoterait totalement »

« Je me suis assise avec ma guitare et j’ai écrit une chanson – ça m’est venu très naturellement », se souvient-elle. « J’ai compris que c’est ce que je voulais faire pour le reste de ma vie. » Dès lors et depuis, elle a écrit des centaines de chansons et elle remercie encore ce professeur, Elliott Bernstein, de l’avoir lancée sur la bonne voie.

LØLØ, qui cite Avril Lavigne, Green Day et Hilary Duff comme influences, n’avait toutefois aucune connexion dans l’industrie de la musique et elle a commencé en participant à des soirées micro ouvert à Toronto afin de rencontrer des gens. Elle a lancé son premier EP à l’automne 2018 après avoir fait connaissance avec quelques producteurs et elle a remporté le concours IHeartRadio Future Star, ce qui lui a ouvert les portes des stations de radio.

« Ç’a été une bénédiction, mais aussi une malédiction de me retrouver à la radio », dit-elle, avant d’avouer qu’on a mis beaucoup de pression sur elle pour qu’elle « calme » son style un peu punk et plein de guitares pour plaire à un auditoire plus large, mais le résultat ne lui a pas plu. « Ne pas être moi-même n’a pas fonctionné », dit-elle.

LØLØ a pris un peu de recul et a consacré l’année qui a suivi à peaufiner son écriture tout en demeurant fidèle à son désir d’écrire des textes « un peu bizarres ou excentriques ». Depuis, elle a lancé plusieurs chansons et vidéoclips qui sont fidèles à ses racines, incluant « Die Without U » (2021) et « Lonely and Pathetic ». « J’essaie de raconter des trucs qui n’ont jamais été racontés par d’autres avant moi », confie l’artiste.

Alors que les restrictions relatives à la COVID-19 commencent à être levées, LØLØ a les yeux rivés sur l’avenir, incluant une tournée avec Simple Plan à la fin de l’été, la sortie d’un nouveau EP et retourner à Los Angeles pour d’autres séances d’écriture.

Elle avoue être surprise de voir tout le chemin qu’elle a parcouru en si peu de temps, mais elle est ravie de la direction que prend son voyage. « J’ai toujours rêvé de faire ce que je fais, mais je ne savais pas si j’en étais capable », avoue-t-elle. « Là, j’ai l’impression que c’est vraiment vrai. La jeune version de moi capoterait totalement. »



J-F et Paige se sont vus pour la première fois alors qu’ils voyageaient dans le désert du Nevada, puis ils n’ont plus eu envie de rentrer à la maison. En voyage ensemble dans l’Ouest américain, le Québécois et la Géorgienne, tous deux musiciens, ont décidé de partager leurs influences. En rentrant à Montréal, ils sont devenus le duo MIELS et même en restant ici, leur rock électro nous fait voyager. Leur musique née dans le désert parlait de ce qui était là : l’espace, la chaleur, l’amour naissant. Puis l’histoire s’est renouvelée dans d’autres paysages. Ils ont trouvé la musique partout autour.

En s’installant au Québec, Paige a tout de suite voulu traduire en français toutes les notes en anglais qui se trouvaient dans son carnet de voyage. « Quand j’ai déménagé à Montréal, j’étais surprise parce qu’il y a beaucoup de francophones qui ont des bands en anglais et je voulais juste faire l’inverse, se rappelle Paige en riant. C’était important pour moi de poursuivre ma carrière musicale en français. »

« Vu que je suis francophone, j’avais oublié c’était quoi avoir des mots préférés pour aucune raison et j’aime voir comment Paige s’amuse avec la langue qu’elle apprend », ajoute J-F. Voyager au Québec porte ainsi une vocation toute particulière pour le duo qui en profite pour s’imprégner de diverses sonorités issues des endroits visités et des accents qui leurs sont propres.

Dans les mois qui ont suivi leur rencontre, Paige et J-F se sont fait découvrir mutuellement des univers musicaux, la première s’intéressant vivement aux vieux classiques rock québécois qu’elle n’avait évidemment jamais entendus. « Elle a vraiment aimé Pagliaro, par exemple et moi, ça m’a ramené dans le rock d’ici d’une autre époque et ça m’a donné envie de ramener certaines choses du passé dans la musique qu’on fait aujourd’hui, explique J-F. Avant que Paige déménage, je lui envoyais des vinyles par la poste. Je l’ai vite convertie à Jean Leloup », se rappelle-t-il.

Sa nouvelle langue, Paige l’a apprise à travers la musique, ce qui est, selon elle, « beaucoup mieux qu’un cours traditionnel ». Hormis le rock du passé, le duo a tout de suite voulu faire ressentir l’absence d’immobilité dans leur projet. « On s’est rencontrés en voyage et ensuite, chaque fois qu’on se voyait, on faisait un road trip », ressasse J-F. Leur premier album, Prends-moi comme la mort (mai 2021) se présente ainsi comme une œuvre très intime. « C’est la chronologie de nos voyages en musique, un hommage à tout ce qu’on avait écrit, respectivement dans nos cahiers, sur la route aux États-Unis », dit J-F.

Quelques spectacles au FME et au Taverne Tour, entre autres, ont tracé de nouvelles avenues pour le couple qui s’est laissé influencer par ce qui devient plaisant sur scène. « On était partis d’un genre de rock blues, se souvient Paige, mais sur scène, ce qui était l’fun, c’était de se rapprocher de l’électro, avec des backtracks de drum. Un genre d’électro-rock du début des années 2000. »

MIELS s’est laissé envouter par tous les possibles de la spontanéité. En formule duo, tout était possible ou presque pour eux. « Plus on écrivait et plus on se voyait bien dans l’idée de n’être que nous deux, mais avec des membres ajoutés quand ça nous plaît et si ça nous plaît, explique J-F. Les White Stripes sont devenus une grande inspiration : quelque chose qui vit aussi bien à deux qu’à plusieurs. »

« Il y a des défis d’adaptation entre la scène et le studio, mais on peut improviser », dit Paige. « T’as ton équipement dans la valise, tu peux faire un show n’importe où, ajoute J-F. Oui, ça change notre son et ça change notre méthode parce qu’on est toujours en train de créer en se demandant si ça se fait à deux. Cependant, ça fait en sorte qu’on n’a jamais de limite. On peut déménager en Europe la semaine prochaine. »

Le deuxième album, préparé durant la pandémie, s’est déployé dans cette mentalité plus minimaliste, tout en ne sacrifiant jamais le désir de faire « du gros bruit ».

Dans tous les cas, le seul endroit où MIELS puise la suite des choses, c’est dans les voyages. « On a fait des voyages entre les quatre murs de notre appartement durant la pandémie, rigole Paige. C’était une autre sorte de voyage. On veut aussi faire le Canada au complet dans notre van. »

« On trouvait ça difficile d’écrire dans notre cuisine donc on a passé deux mois sur la route l’an dernier avec la guitare ploguée dans le lecteur cassette, raconte J-F. On a fait du camping dans le bois pour laisser la nature nous dicter la suite. »

Le duo continuera toujours de composer, le regard tourné vers ce qu’il y a dehors. « On est tout le temps en train de noter et de regarder les choses, conclut Paige. J’entends des sons que je n’ai jamais entendus avant dans la bouche des gens d’ici et j’ai envie de les reproduire et d’en connaître plus. Je n’aurai jamais fini d’apprendre. »



Si Yonatan « xSDTRK » Ayal est le visage du projet Chiiild, l’auteur-compositeur-interprète Pierre-Luc Rioux en est le cœur et le cerveau. Après un mini-album paru en février 2020, le musicien québécois offre enfin Hope for Sale, un premier véritable album de « soul synthétique » engageant et aisément apprivoisable. Les deux Montréalais basés à Los Angeles où ils mettent leurs talents de compositeurs, interprètes et réalisateurs au service des stars de la pop se sentent enfin voler de leurs propres ailes.

Chiiild, Pierre-Luc Rioux

Pierre-Luc Rioux. (Photo : Rosalie Deschênes-Grégoire )

« Yoni et moi sommes arrivés à L.A. en 2015 », raconte Pierre-Luc Rioux au bout du fil. « On s’est alors vite mis à faire des sessions à droite à gauche », enfilant les participations aux enregistrements de Katy Perry, David Guetta, Jessie J, Usher, Céline Dion, Chloe X Halle, pour ne nommer que ces illustres pop stars. « Seulement en 2016, on a dû faire 300 sessions différentes – on n’arrêtait pas! À un moment, on s’est dit : Peut-être qu’on devrait commencer à travailler sur des projets juste pour nous ? »

La démarche de Rioux et Ayal rappelle qu’être auteur-compositeur, c’est un métier, et que l’expérience est une précieuse devise permettant de s’acheter une place au soleil sur la scène musicale californienne. Hope for Sale, le premier album de Chiiild, est un patent exemple du talent développé par ces deux musiciens au courant des dernières années : des refrains qui collent aux tympans, un sens du groove accueillant, une réalisation léchée. La grande classe pop.

La plupart du temps, ils travaillent à deux, explique Yoni. « Je n’écris pas nécessairement toujours les textes, mais pour le projet Chiiild, je m’occupe plus des paroles que de la composition musicale et de la réalisation », prise en charge par Pierre-Luc Rioux.

« Ce qui est bien dans la relation que j’ai bâti avec Yoni, c’est qu’elle est basée sur la collaboration, pas sur la compétition, explique Rioux. On a chacun nos forces, autant sur scène qu’en studio. Y’a des choses que je fais mieux, pareil pour Yoni, et plus le temps passe, plus on grandit dans nos rôles respectifs. Yoni [dans son rôle de chanteur], c’est le visage de Chiiild, or c’est beaucoup de sa personnalité qui paraît, surtout dans les textes. »

Yoni s’inspire du réel pour pondre ses textes : « Je n’écris pas de chansons sur des sujets fictifs, je n’aime pas la fiction en chanson, dit-il. Si ce n’est jamais arrivé, ce ne sera pas écrit. Tout est vrai », et parfois même prémonitoire, avance Pierre-Luc Rioux : « On a l’habitude de travailler avec des gens qui ont le doigt sur le pouls, qui ont le sens de déceler l’air du temps, de manière intuitive », dit-il en prenant pour exemple l’excellente Hold on Till We Get There, chanson pop-soul mue par une rythmique moelleuse rappelant le style de groove de Gorillaz. « Hold on Till We Get There, on l’a composée en décembre 2019; lorsque la pandémie est arrivée, cette chanson a pris complètement un autre sens. Ce sentiment que tout le monde est confiné et qu’on finira par passer au travers de ça, ensemble. Elle n’a pas été écrite pour décrire ça, mais elle est à propos ! »

La chanson a été réalisée par l’ami commun Mathieu Jomphe-Lépine, alias Billboard, un autre de ces génies de la pop qui met ses talents de compositeurs, accompagnateur et réalisateur au service des autres (Madonna, Dua Lipa, Ariana Grande, etc.). « Un de nos grands amis, mais aussi quelqu’un qu’on admire : c’est un si bon réalisateur ! », abonde Rioux. « Il avait envie de partir de Montréal pour venir à L.A. travailler avec nous pendant quelques jours, de son plein gré. C’est une belle histoire. »

« Ce qui est cool dans le projet Chiiild, c’est qu’on a pu compter sur le talent beaucoup de collaborateurs, enchaîne Rioux. C’est sûr que Yoni et moi sommes au cœur de la création, mais c’est un cœur qui bat dans toutes les directions. Au fil des ans, on a participé à plusieurs camps d’écriture et à chaque fois, on essaie d’amener d’autres talents dans le projet ». Hope For Sale compte d’ailleurs sur le coup de pouce de chanteuses invitées, Jensen McRae sur la version remixée de l’imparable single Gone ou encore Mahalia et sa voix fine sur la ballade Awake.

Pendant le confinement, raconte Yoni, « j’organisais des pizzas partys les vendredis sur Zoom. Mahalia, je l’avais découverte via Instagram, elle chantait alors une reprise de Fast Car de Tracy Chapman, et j’ai cliqué. Grâce à un ami interposé, je suis entré en contact avec elle et l’ai invitée au pizza party. Plus tard, elle a été assez gentille pour accepter de chanter sur cette chanson – and she killed it! », insiste le musicien, qui passe du français à l’anglais durant notre conversation.

Lui-même a une voix pleine de charme, inspirée, dit Yoni, par le style d’interprétation, tout en délicatesse, d’Astrud Gilberto sur le classique album Getz/Gilberto (Verve, 1964). « Tu sais, y’a de ces chanteurs qui te chantent à toi [« sings to you »], et d’autres qui chantent, tout simplement. Je ne voulais pas être ce genre de chanteur qui chante « à quelqu’un », privilégiant une interprétation plus intérieure, à fleur de peau.

Invité à performer à l’émission Jimmy Kimmel Live! il y a quelques semaines, Chiiild se préparait à fouler la scène du festival Lollapalooza de Chicago au moment de notre conversation. « On a été super chanceux, s’emballe Rioux. Ils nous avaient réservé une plage horaire, mais c’était avant la pandémie. Bon, règle générale, les gens te font des promesses, mais elles sont souvent remises à plus tard… Mais les gens de Lollapalooza nous ont rappelés pour y participer, alors on est super contents ! »

Ils seront cinq sur scène, Yoni, au chant et aux claviers, Pierre-Luc discret à la guitare, une violoniste et choriste, un bassiste, Nick Clark, « une sommité à L.A., il a accompagné sur scène tout le monde ici, dont Kanye West » et le batteur Maxime Bellavance, qui tenait la mesure au sein de l’orchestre maison de l’émission La Voix.

« Pour nous, abonde Pierre-Luc Rioux, lancer un album, ce n’est pas se soucier du nombre de views sur YouTube ou du nombre d’écoutes sur Spotify, ou whatever. Ça représente la fierté de pouvoir se dire qu’on a pris en main notre avenir. Avant, notre avenir passait beaucoup par le succès des autres; aujourd’hui, on est autonome. J’ai longtemps été un musicien de tournée, accompagnant les autres. Aujourd’hui, de pouvoir partir en tournée avec nos propres chansons, de sortir notre propre musique qu’on a faite avec les amis, c’est une victoire en soi. Ça, et pouvoir représenter le talent montréalais. »