Sur la courte liste des vérités universelles, il semble juste de dire que la musique est thérapeutique, un remontant, un véritable baume pour l’âme dans les moments difficiles. Et pas besoin de vous dire que le monde a vécu son lot de moments difficiles depuis un bout. Il n’est donc pas surprenant de constater que, depuis le début de la pandémie mondiale de COVID-19, de plus en plus d’auteurs-compositeurs choisissent de créer de la musique conçue pour la guérison.

Si toute musique peut offrir des bienfaits à ses auditeurs, ces auteurs-compositeurs intègrent intentionnellement des techniques de guérison traditionnelles dans leurs compositions, dans le but de procurer santé et bien-être à leur public et à eux et elles-mêmes.

Desirée Dawson est une auteure-compositrice-interprète de Vancouver qui a remporté le concours CBC Searchlight en 2018. Le vidéoclip puissant et émouvant pour sa chanson « Meet You at the Light » a remporté le prix du vidéoclip de l’année lors de l’édition 2022 de la conférence-festival South by Southwest (SXSW). Elle a également reçu une nomination aux JUNO 2022 pour l’album adulte contemporain de l’année pour son plus récent album, également intitulé Meet You at the Light. Elle est également professeur de yoga et a été la première à constater le pouvoir transformateur de la musique dans ses cours.

« Avant de commencer à donner des spectacles, je chantais dans mes cours de yoga », nous raconte-t-elle. « À la fin du cours, je partageais une de mes chansons. Honnêtement, les gens me disaient “Qu’est-ce que tu viens de faire? C’était quoi cette magie?” Je pense qu’avoir un espace intentionnel où les gens pouvaient être vulnérables et laisser la musique les envahir m’a fait réaliser que c’est quelque chose de vraiment puissant. »

Lia Liza est une auteure-compositrice-interprète et mannequin née à Vancouver qui travaille maintenant à Los Angeles et elle avoue sans ambages que son but est d’augmenter la fréquence du monde grâce à sa musique. Elle a ressenti pour la première fois le lien entre musique et guérison lorsqu’elle était enfant à l’église et elle utilise maintenant diverses pratiques méditatives comme les bains de gong dans ses performances avec l’intention d’amener les autres à un état de haute vibration qui les transportera.

« Un bain de gong est une forme de méditation où tu es plongé dans des vibrations sonores guérisseuses », explique-t-elle. « On m’a permis de présenter une séance de bain de gong en ouverture du lancement de l’album de mon ami David Sebastian. La réponse que j’ai reçue des gens qui étaient là et à quel point ils ont relaxé et profité de l’instant présent tout en étant en pleine conscience et concentrés sur l’écoute de son album… Ç’a vraiment donné le ton et j’adore être témoin de ce genre de communion. »

Musique et santé mentale

En corollaire à cette notion de la musique comme thérapie, de nombreux membres de la SOCAN s’orientent vers une reconnaissance des problèmes de santé mentale comme première étape vers le bien-être. Un bon exemple est l’album primé aux JUNOs de Serena Ryder, The Art of Falling Apart, dont l’inspiration vient d’un discours qu’elle a prononcé sur le sujet. Ailleurs, la jeune auteure-compositrice-interprète Charlie Houston a récemment lancé Bad Posture, dont le titre fait référence à la façon dont sa posture change lorsqu’elle est triste, nerveuse ou anxieuse. « La maladie mentale est plus commune de nos jours », dit-elle. « Tous les jeunes adultes sont aux prises avec une ou plusieurs préoccupations, en ce moment. » C’est pour cette raison que la musique comme forme de thérapie est plus essentielle que jamais.

En juillet 2020, dans la foulée des premières restrictions pandémiques et des réactions au meurtre de George Floyd, Liza a organisé l’événement « Rhythm & Rise » à Vancouver afin « de pouvoir nous rassembler en tant que communauté pour s’aimer et se soutenir ». L’événement proposait notamment des exercices de respiration en compagnie d’Andrew Ao et une conversation en pleine conscience avec Dora Kamau. Les dons ont été versés à Hogans Alley, G.L.I.T.S Inc. et le Vancouver Black Therapy & Advocacy Fund, et les contributeurs incluaient Lululemon, Harlow Skin Co. et Woash Wellness.

D’aucuns associent la guérison par le son à la musique New Age, un genre essentiellement instrumental popularisé des les années 70. Mais une différence majeure avec ces artistes est qu’ils composent de la musique populaire avec des paroles – où les mots, les incantations vocales, l’instrumentation et les intentions s’amalgament pour produire une nouvelle conception de la musique thérapeutique.

« Le New Age n’était vraiment qu’un mot pour décrire la découverte des cultures mondiales par les colons blancs européens », explique Alysha Brilla, dont la musique est une fusion de musiques folkloriques du monde qui a été maintes fois finaliste aux JUNOs. « Je pense que nous arrivons à un endroit où nous pouvons apprécier que toutes ces traditions médicinales d’un peu partout sur la planète ne sont pas vraiment nouvelles et sont très ancrées dans la guérison scientifique. Et je pense que plus l’Occident embrassera le son comme une modalité de guérison légitime, plus nous serons proches de pouvoir aider notre société actuelle qui a grand besoin de créer de nombreux ponts entre ses membres. »

Chacun de ces auteurs-compositeurs a travaillé avec des techniques de guérison par le son pendant une grande partie, voire la totalité, de sa carrière. Mais tous reconnaissent que la pandémie a suscité un plus grand intérêt pour la santé et le bien-être, ce qui a inspiré une approche plus directe pour écrire des chansons qui ont un pouvoir salvateur.

L’album Circle de Brilla lancé en 2022 est un résultat direct de la pandémie et son objectif était de créer de la musique inspirante. On y retrouve la pièce « Hold the Hope » qui invite les auditeurs à compter sur elle quand ils ont le moral à plat.

« C’est quand la COVID-19 a frappé que j’ai commencé à travailler sur cet album », dit Brilla. « J’ai remarqué que mes pairs du monde de la musique, ma famille, mes amis, tout le monde, quoi, avait un urgent besoin de parler de santé mentale et de prendre soin d’eux-mêmes. Ç’a été la genèse de cet album. »

Mais en parallèle, ces artistes ont pris un engagement envers leur propre santé mentale. Mettre son propre bien-être de l’avant dans une industrie qui peut vous anéantir n’est pas toujours facile. Lors d’une récente tournée avec Serena Ryder, Dawson a constaté qu’elle perdait sa voix, et ses musiciens l’ont convaincue d’annuler un concert pour son mieux-être à long terme.

« On évolue dans une industrie où on nous exhorte à tout donner sans arrêt, jusqu’à ce qu’on s’effondre », dit-elle. « Je suis vraiment reconnaissante du fait que je suis entourée de gens qui veulent qu’on fasse les choses différemment afin que notre musique reflète notre mode de vie. »

Brilla, qui a signé un contrat avec Lava/Atlantic pendant son adolescence, admet que le fait d’être une artiste indépendante lui permet maintenant de prendre des décisions bénéfiques pour sa propre santé et de rester en phase avec le message de sa musique.

« J’ai toujours su qu’il était plus gratifiant de pouvoir créer une communauté et de se concentrer sur le pouvoir réel, altruiste et médicinal de la musique », dit-elle. « Je ne pense pas que je suis venue au monde pour gagner des millions de dollars, mais pour contribuer à partager le pouvoir de guérison de la musique. »