Parazar et Ya Cetidon sont deux des espoirs les plus en vue de la scène rap québécoise à l’heure actuelle. Alors que la première connaît un début de carrière fulgurant depuis deux ans, le deuxième s’apprête à dévoiler ses premiers projets musicaux après cinq ans de travail remarqué sur la scène locale. Rencontre avec les deux artistes, alors qu’ils s’apprêtent à unir leurs forces lors d’une vitrine SOCAN présentée dans le cadre des Rendez-Vous Pros des Francos de Montréal, le 13 juin, à 17h.

Parazar

Parazar

Ce n’est que la troisième fois de leur vie qu’ils se voient, mais déjà, on sent une complicité. Poignée de mains chaleureuse, sourires contagieux, éclats de rire… « On s’est connu à une répétition pour un show et tout de suite, j’ai remarqué son énergie. On ne peut pas la manquer ! » lance Parazar, pour expliquer la chimie instantanée entre les deux.

Outre l’énergie, les deux artistes ont beaucoup en commun, à commencer par leur agilité à mélanger chant et rap, et à combiner les genres – le raï, le rap, le r&b et la house pour Parazar ; l’afrotrap, le rap, le drill et les musiques d’influences latines pour Ya Cetidon. Les deux doivent cette manière très libre d’aborder la musique à leur famille.

La mère de Ya Cetidon, une chanteuse de gospel, et son père, un militaire et producteur de musique, ont grandement contribué à son ouverture musicale. « Dès le matin, la chanson était toujours là, dans les speakers. J’ai appris tôt les notes de musique et les harmonies avec ma mère. »

Pour Parazar, c’est le parcours de son père, un multi-instrumentiste qui avait fait sa marque sur la scène raï en Algérie, qui l’a guidée. « Au moment où j’ai eu le déclic et que j’ai fait mon premier projet, j’ai vu que ça venait de papa. C’était en moi, j’ai tout de suite compris que j’allais poursuivre ce qu’il avait fait en Algérie. »

Mais avant ce fameux déclic, rien ne prédestinait Parazar au rap. Tout ça est arrivé ‘’par hasard’’, comme elle se plaît à le dire, sourire en coin. L’artiste montréalaise voulait faire carrière dans l’humour, et c’est en voulant enregistrer une chanson pour le générique d’un projet humoristique qu’elle a eu le coup de foudre pour la musique. « Les deux milieux [l’humour et la musique] peuvent faire bon ménage. Les punch lines dans le rap, ça ressemble beaucoup à ce qu’on fait en humour, que ce soit par ta livraison ou ton énergie. »

Abreuvée dès l’enfance au raï (Cheb Khaled, Cheb Mami, Cheb Hasni) ainsi qu’au rap et au R&B francophone (Rim’K, Diam’s, Zaho), Parazar a rapidement trouvé son style. Et depuis la sortie de son premier EP (C’est live, 2021), les choses se bousculent pour l’artiste : on l’a vue à la finale des Francouvertes plus tôt ce printemps et elle vient tout juste d’être nommée Révélation rap 2023-2024 par Radio-Canada. Elle a également signé un contrat de disques avec Bravo Musique, l’étiquette appartenant à Cœur de pirate.

Ya Cetidon

Ya Cetidon

Ya Cetidon, lui, a eu plusieurs vies. Maintenant basé à Laval, le rappeur a connu un petit engouement avec son premier groupe durant son adolescence (F2S – Frères 2 Sang) passée au Congo-Brazzaville, son pays d’origine. Grandement inspiré par le rap français de la fin des années 1990 (Lunatic, Mafia K’1 Fry, Passi), il a passé quelques années sur la route avec sa famille – au Ghana, au Bénin, au Togo – avant de s’installer aux États-Unis pour les études durant sa vingtaine.

C’est là-bas, à des milliers de kilomètres de chez lui, qu’il a connecté pour une première fois avec la musique congolaise (Fally Ipupa, Koffi Olomidé, Tabu Ley Rochereau). « Quand j’étais adolescent, c’était pas cool d’écouter la musique locale. C’est en arrivant en Amérique, par un manque du pays, alors que j’étais loin de mes repères et de mes parents, que j’ai eu envie d’écouter la musique de chez moi et d’apprendre le lingala. »

Arrivé au Québec il y a cinq ans, Ya Cetidon connait depuis un succès considérable sur les plateformes numériques, accumulant les millions d’écoutes et de visionnements avec ses pièces chantées en français et en lingala. Tout récemment signé sous Pollen Records (label montréalais qui travaille également avec les chanteuses R&B Nissa Seych et Odreii), le chanteur et rappeur s’apprête à sortir deux projets, dont un premier album avec son collectif 3 Heures Production.

Le fort engouement pour ces deux artistes témoigne d’une certaine ouverture du public québécois pour un rap moins puriste, plus diversifié et ouvert sur le monde. Mais au-delà de ça, rien n’est encore totalement acquis pour des artistes comme Ya Cetidon.

« Quand je sors de Montréal pour faire des shows, à Québec ou à Sherbrooke par exemple, je vois qu’il se passe quelque chose. Les gens connaissent les paroles, ils font les moves [de danse] avec moi. Ensuite, ça revient aux personnes qui prennent les décisions [dans l’industrie] de faire preuve d’ouverture. On n’est pas un marché aussi gros que la France, mais y’a un public dynamique, qui est là. Ça prend juste plus d’opportunités pour les artistes urbains […] C’est le moment de montrer une autre image du rap, car le rap, c’est un art. Un art avec plein de genres, qui sont pas encore bien représentés. »

Pour Parazar, c’est également aux artistes que revient la tâche de bien se représenter. « J’ai l’impression que quand t’as une vision artistique et que tu fais bien les choses, les portes vont finir par s’ouvrir. À chaque porte que t’ouvres, y’en a qui vont se fermer, mais surtout, d’autres qui vont s’ouvrir. Il faut garder sa vision en tête et ne pas avoir peur d’essayer des choses. »

C’est avec cette envie d’ouvrir des portes que les deux artistes québécois se présenteront à la vitrine des Rendez-vous Pros des Francos pour un concert extérieur, à la fois devant des gens de l’industrie et du public. Cette vitrine, présentée par la SOCAN, a notamment révélé des artistes comme MB, Naomi et Fredz dans les années précédentes. « C’est le genre d’expérience qui peut amener de la visibilité et de l’expérience. Mais même en sachant qu’il y aura des pros devant nous, il faut garder la même ambiance que d’habitude et envoyer cette énergie dans le public », croit Parazar.

« C’est sûr qu’il faut garder la même énergie et rester soi-même », poursuit Ya Cetidon. « Mais bon, on ne se cachera pas que ce genre de spectacle vient avec plus de pression. J’ai jamais autant répété pour un spectacle de ma vie. »

Car au-delà du réseautage, la clé pour réussir, c’est le travail.