Pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs en 2023, la SOCAN a demandé à plusieurs de ses membres Noirs d’écrire un texte sur le sujet de leur choix. Voici ce que l’auteure-compositrice-interprète R&B, hip-hop et reggae Haviah Mighty, lauréate du Prix Polaris et d’un JUNO, a à dire.

Je ne suis pas très friande d’autoproclamation, alors je vous préviens, je ne pense pas que je suis l’avenir du monde. Je dirais même que même si de grands pans de tout ça sont influencés par mon expérience en tant qu’artiste, pratiquement rien n’est inspiré de mes propres accomplissements historiques.

Mes réalisations parlent d’elles-mêmes – et j’en suis reconnaissante – mais ce qu’elles ont fait, dans ce contexte, c’est m’inclure dans des conversations et des lieux aux côtés de créatifs Noirs très performants, dont beaucoup viennent de Toronto… et il y en a beaucoup! Mes expériences m’ont permis de découvrir des entrepreneurs Noirs dans les domaines du cinéma, du maquillage, du conditionnement physique, de la cuisine, de la littérature, des peluches, de la création de mode et de la musique, évidemment!

Puis, à mesure de mes voyages, entrevues et occasions de réseauter au-delà de nos frontières se faisaient plus fréquents, j’ai commencé à remarquer que ces visages et ces initiatives voyageaient aussi : des artistes américains portant des vêtements ou vantant les mérites de produits de maquillage créés ici ou qui apprécient les aliments locaux – et pas seulement ceux des grandes entreprises – lorsqu’ils sont de passage à Toronto. J’ai vu, à grande ou petite échelle, l’augmentation de la présence de ces individus s’immiscer dans mes réseaux sociaux, à la télévision, lors d’événements ; ces espaces n’ont pas seulement un impact sur les Canadiens et sur l’expression artistique chez nous, ils sont ressentis internationalement, plus que jamais auparavant.

Alors, quel est l’impact sur le monde? Comment les créatifs de Toronto et de ses environs parviennent-ils à changer les choses dans des endroits où ils ne vivent pas? Ça dépend en partie de ce que le mot « impact » signifie pour vous. Nous vivons dans une société innovante et tournée vers l’avenir, mais qui opère également, dans de nombreux domaines, sur la base d’idées dépassées. Les artistes et créatifs d’ici ainsi que leurs pairs et leur fans, sont le mouvement culturel. Ils dictent e qui est branché, ce qui devient populaire, ce qui est aimé, adoré ou mis de côté. Ces choses se répandent, sont partagées et deviennent notre réalité. C’est ça l’impact. C’est la fondation de qui nous sommes.

Quand quelqu’un crée un mouvement d’empathie à l’échelle globale parce que la chanson, le film ou la photo qu’il ou elle a créé a obligé des millions de gens à réfléchir différemment ou à se soucier davantage d’un concept… C’est ça, avoir un impact.

Quand votre travail et votre créativité inspirent quelqu’un d’autre à suivre vos traces, peu importe où dans le monde… C’est ça, avoir un impact.

Quand ce que vous produisez génère de l’argent que vous pouvez ensuite utiliser pour aider ou financer d’autres personnes qui en ont besoin… C’est ça, avoir un impact.

Et quand vous partagez vos connaissances et vos compétences avec les autres, personne ne sait qui vous allez aider, éduquer et pousser positivement en cours de route.

Voici ma propre expérience : Je jongle parfois avec l’idée – contradictoire – que l’art ne sauve pas de vies, car des compétences plus tangibles être chirurgien et opérer des cœurs ou des cerveaux, c’est ce qui sauve réellement des vies. N’est-ce pas?

Peut-être, en supposant que seules les choses tangibles ont une valeur ou un impact sur nous. Mais ce n’est pas le cas si l’on tient compte de la manière dont l’entrepreneuriat Noir est intégré dans le divertissement à l’échelle mondiale – il est présent dans vos films et émissions de télévision, sur toutes les plateformes de diffusion en continu ; il est présent dans votre littérature et dans les publicités ; il est présent dans les sports, dans vos rues et à votre magasin du coin, et graffité dans la ruelle près de chez vous. Et même s’il n’influence pas directement tout ce à quoi vous êtes exposés, l’art que vous consommez ou les livres que vous lisez, ceux-ci ont fort probablement été influence par lui. C’est ainsi qu’on réalise que la question de savoir si la communauté créative Noire de Toronto a un impact global ne se pose même pas.

C’est une évidence.