Apparu sans crier gare le 1er novembre dernier, le premier album du quintette Bon Enfant a fait grand bruit dans une saison déjà faste pour le disque québécois. Réunissant le duo d’auteurs-compositeurs-interprètes Daphné Brissette, issue de Canailles, et Guillaume Chiasson, notamment de Ponctuation, l’album Bon Enfant s’est frayé un chemin jusqu’à nos tympans grâce à une rutilante soft-rock aux refrains accrocheurs. Genèse d’un succès d’estime inattendu avec Daphné.

« Guillaume et moi sommes amis depuis longtemps », raconte la musicienne, rappelant leur première rencontre en tournée, à l’époque où elle chantait au sein du groupe Canailles. « Guillaume, c’était comme « notre ami de Québec », mettons. Or, on partage les mêmes goûts musicaux et on s’entend super bien. On avait ce plan de partir un projet ensemble, on se disait que ça aurait du potentiel, sauf que c’est un peu compliqué de faire marcher un band lorsque des membres habitent à Montréal et à Québec – je ne sais pas si y’en a qui ont déjà réussi à faire marcher ça? »

Certainement, les gars d’Alaclair Ensemble, par exemple, y sont parvenus, mais tout ça est sans importance puisque le problème de l’éloignement fut réglé lorsque Guillaume Chiasson a choisi de s’installer dans la grande métropole et de pleinement intégrer le groupe Jesuslesfilles. « On s’est dit : faisons-le, pour voir si ça marche! En fait, on s’est mis en tête de demander une bourse au Conseil des arts et des lettres du Québec pour nous botter le cul. »

Bon Enfant a débuté à deux têtes, quatre mains, la voix de Daphné et les guitares de Guillaume. Trois premières chansons – L’Hiver à l’année, Ménage du printemps et Magie « mais avec une musique différente » – enregistrées dans le studio de Chiasson, au Pantoum de la Capitale. « En réécoutant les maquettes, il nous apparaissait clairement qu’on avait déjà une signature musicale. On s’est dit : on y va « all in »! »

La paire avait des chansons, l’envie de voir jusqu’où elles pouvaient les mener, mais pas encore de son défini. En tous cas, « on ne pensait pas à faire de la pop, confie Daphné. On avait plutôt envie de faire quelque chose à la Lee Hazlewood et Nancy Sinatra, ce côté « spaghetti western », ça fitte avec ma voix et les timbres de guitares de Guillaume. Mais plus le projet avançait, plus les autres musiciens entraient dans notre trip », plus l’identité sonore de Bon Enfant prenait forme, « avec une tout autre palette de couleurs sonores, avec des synthés, des chansons plus pop… On est content d’avoir pris ces décisions. »

« C’est le fun d’écrire un texte qui sonne vraiment québécois, mais sur une musique qui s’apparente à de la pop des États-Unis. », Daphné Brissette, Bon Enfant

Aussi de l’aventure Canailles, le batteur Étienne Côté et la claviériste/choriste Mélissa Fortin ont rejoint la paire. Alexandre Beauregard (alias Alex Burger) complète le quintette à la basse. Réalisateur de bon droit, Guillaume Chiasson a plutôt laissé Tonio Morin-Vargas au poste de commande en studio, avec pour résultat un resplendissant album aux relents pop-rock seventies. « Les références à Fleetwood Mac sont totalement accidentelles, assure Daphné. Il n’était même pas une inspiration! C’est un ami qui nous l’a fait réaliser lorsqu’il a écouté nos chansons. Ensuite, on nous a vite donné l’étiquette… et on est ben content! »

Une influence revendiquée celle-là : le Robert Charlebois du début des années 1980. « On écoutait sa chanson : « Elle avait mis ses talons hauts… » [Les Talons hauts, de l’album de 1983]. On se disait, Ah!, dans le fond, Charlebois, c’est ça, il écrit des chansons avec un fond de musique américaine, et c’est un peu ça qu’on fait aussi. C’est le fun d’écrire un texte qui sonne vraiment québécois, mais sur une musique qui s’apparente à de la pop des États-Unis. »

Le binôme Daphné-Guillaume crée les chansons, ensuite orchestrées avec les trois autres membres. « On part d’une base guitare-voix. Après, nous, on veut que cette base soit solide, que la mélodie soit présente, qu’on sente que ça marche, je ne sais pas… On se concentre sur la mélodie. On part d’une idée de texte, ensuite comme c’est moi qui la chante, je dois essayer de me l’approprier. On a jeté plein de bouts de textes, pas parce que c’était mauvais, mais parce que je ne savais pas le rendre. En composant, il faut qu’on soit sur la même longueur d’onde, Guillaume et moi. »

Guillaume contribue davantage à la musique qu’aux textes, quoique les idées mélodiques sont partagées. « Je dirais qu’on travaille vraiment à deux, pas chacun de son bord et ensuite on met en commun. Tout se fait progressivement, à deux », et pour Daphné, dans sa tête et sur son téléphone. « J’ai plein de petites mélodies enregistrées dans mon téléphone. Des fois, je suis dans le métro et je n’ai pas le choix de m’enregistrer en chantant sinon je ne me souviendrai plus de l’idée. Je vais voir Guillaume ensuite pour lui faire écouter ça, puis on trouve la bonne tonalité; c’est un processus très humiliant parfois, mais ça marche! », rigole la musicienne.

Bon Enfant est déjà en train de composer les chansons du prochain projet, en contemplant l’horaire de tournée qui se bonifie pour l’année qui vient. « On sera de tous les festivals! », promet Daphné Brissette.