Kiesza n’a pas grandi en étant inspirée par Joni, Janis ou Aretha, ni même qui que ce soit d’autre dans le monde de la musique. Cette jeune calgarienne de 26 ans – dont le hit intitulé Hideaway a été visionné près de 200 millions de fois sur YouTube au moment d’écrire ces lignes – n’avait jamais considéré faire carrière dans le monde de la musique jusqu’au jour où elle s’est retrouvée à naviguer sur les grands voiliers de la Marine royale canadienne et qu’elle y a rencontré un bosco.

« Ce bosco jouait de la guitare et il avait un don incroyable qui lui permettait d’aider tout le monde à s’endormir même en plein coeur d’une tempête, ou presque…» raconte Kiesza, mieux connue de ses parents sous le nom de Kiesa Ellestad. «J’étais abasourdie par le pouvoir qu’avait la musique sur les gens, et j’ai voulu devenir capable de faire la même chose que lui. C’est ça qui m’a donné envie de commencer à écrire. »

« À peine un an après avoir commencé à écrire et composer, j’écrivais une chanson par jour pendant tout l’été. »

Elle avait alors 17 ans. Et n’allez pas croire qu’elle écrivait des chansons de marins, mais elles étaient néanmoins dans une veine folk, à des lieues du dance music un peu rétro et plein de soul de son premier album sur un major, Sound of a Woman, paru en 2014 et qui, lyriquement, était « la personnification d’une histoire d’amour ». Cet album, elle lui a donné vie grâce à son collaborateur, producteur et coauteur Rami Samir Afuni.

« Nous n’étions que des bébés dans les années 90, et nos mamans adoraient la musique de l’époque et en écoutaient tout plein, et c’est ce son que nous avons voulu reproduire avec Hideaway », explique la jeune femme. « Nous avions envie de faire un album amusant qui aurait ses racines dans la musique deep house, le R&B du début des années 90 et aussi, un peu, des sonorités hip-hop, mais tout ça au goût du jour. »

Et même si Kiesza ne rêvait pas de devenir une vedette de la musique quand elle était enfant, elle «fredonnait et chantait de manière compulsive». Elle se dit timide, mais elle a donné une performance devant public à un tout jeune âge dans la troupe Young Canadians lors du Stampede de Calgary. Elle a participé à des comédies musicales, mais c’est pour le ballet que son coeur battait. Elle a dansé assidument jusqu’à l’âge de 15 ans, mais des blessures aux hanches et aux genoux ont mis fin à ses espoirs. «J’avais besoin d’une nouvelle passion sur laquelle jeter mon dévolu, alors j’ai obtenu ma licence et j’ai embarqué sur les grands voiliers», se remémore-t-elle.

C’est donc inspirée par ce bosco qu’elle a commencé à jouer de la guitare et a écrit sa première chanson, When the Rain Falls. «Je ne connaissais que quelques accords, et la chanson était très langoureuse et douce», explique-t-elle tout en chantant quelques lignes de celle-ci. « J’avais un sens inné de la mélodie et mon instinct pour l’écriture est venu de lui-même. À peine un an après avoir commencé à écrire et composer, j’écrivais une chanson par jour pendant tout l’été. »

C’est pendant ses études en musique au Selkirk College de Nelson, en Colombie-Britannique, qu’elle a reçu une bourse d’une station de radio de Calgary afin de réaliser son premier album éponyme, ce qu’elle a fait tout au long de son deuxième semestre.

« Je n’avais aucune idée de qui j’étais, de ce que je faisais où de la direction que tout cela allait prendre », raconte Kiesza. « C’est évident lorsqu’on écoute cet album: tout part dans toutes les directions. Il y a des chansons orchestrales, des chansons jazz avec big band, des chansons funky, une chanson country qui devient gospel en cours de route, une autre encore qui est un mélange de soft rock et de soul… C’était vraiment plus un album compilation de mes premières chansons, alors Sound of a Woman est véritablement mon premier album. »

Elle a par la suite reçu une autre bourse, cette fois-ci du célèbre Berklee College of Music de Boston. « J’ai abandonné tous mes cours d’écriture de chanson parce qu’ils ne m’aidaient pas du tout. Je me sentais comme si tout ce qu’on m’y apprenait me limitait, me cataloguait », explique-t-elle. Après avoir testé les eaux de plusieurs champs d’études, elle a choisi de devenir auteure-compositrice commerciale pour des artistes populaires. C’est un de ses professeurs qui l’a mise en contact avec Afuni, un de ses anciens  élèves établi à New York.

« [Rami] m’a présentée à tous ses contacts et m’a inscrite à des camps d’auteurs-compositeurs. C’est lui qui m’a fait découvrir ce qu’est vraiment le métier d’auteur-compositeur professionnel », s’enthousiasme Kiesza, qui à, à ce jour, écrit ou coécrit des chansons pour Icona Pop, Jennifer Hudson, Rihanna, Skrillex et Diplo. « J’adorais ça, j’étais absolument passionnée, et je me suis dit « voilà, je suis maintenant une auteure-compositrice professionnelle et je vais pouvoir travailler sur mes projets personnels et me permettre de faire ce qui me plaît avec. »

« C’est au moment où je commençais à me faire un nom dans l’industrie que j’ai composé Hideaway. C’était la première fois que j’écrivais une chanson qui me ressemble et pour laquelle j’avais ma propre vision artistique. J’ai décidé de tenter ma chance et de me mettre de l’avant pour cette chanson et, de fil en aiguille, Rami et moi avons composé tout un album autour de cette vibe. »

Et c’est ainsi que, plutôt que de nous endormir tel ce bosco, sa musique nous donne désormais le goût de danser comme si c’était encore les années 90.

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« C’est sans aucun doute l’écriture de Hideaway qui a tout changé. Depuis, j’ai vécu un nombre incroyable de moments « Wow! », par exemple jouer au Wembley Stadium l’été dernier, à peine deux mois après avoir écrit cette chanson. »

Faits saillants
Éditeur: Elephant Eye Music Publishing Ltd., EMI Music Publishing Ltd.
Discographie: Kiesza (2008), Sound of a Woman (2014)
Site Web: www.kiesza.com
Membre de la SOCAN depuis 2010



À l’occasion de vingt ans de publication pour Paroles & Musique, nous avons réuni trois auteurs, compositeurs et interprètes pour jeter avec eux un regard sur deux décennies de création, de chansons… et de transformations. Daniel Boucher, Stefie Shock et Dumas, qui ont tous lancé un nouvel album l’automne dernier, jasent du métier et se projettent dans un avenir numérique.

Récemment, Daniel lançait Toutte est temporaire, Stefie, Avant l’aube, et Dumas, un album éponyme. Qu’est-ce que ça signifie pour vous, lancer un album en 2014?

Stefie Shock : Sortir un disque – l’objet physique – maintenant, ça ne veut plus dire grand-chose, mais l’intérêt n’est pas perdu à l’égard de l’oeuvre, juste pour l’objet. Moi le premier, je n’achète plus de disques physiques…

Daniel Boucher : En vérité, la raison pour laquelle je sors encore un album en format physique, c’est parce que mon distributeur m’a dit que le CD représentait encore la moitié des ventes d’album [au Québec]. Car mon projet de base avec Toutte est temporaire était de m’enfermer en studio et de sortir des chansons, une par mois.

Dumas, tu avais déjà saisi la transformation du marché en 2009, choisissant de lancer quatre EP en quelques mois seulement… 

« Si tu fais du bon travail, les gens vont s’y intéresser; il faut arrêter de dire que c’est la faute du consommateur qui n’achète plus de disques. » – Dumas

Dumas : Il y avait effectivement une volonté de bousculer les choses, notamment sur le plan du financement, chacun des EP servant à payer pour le prochain. Je suis content de l’avoir essayé, mais ce qui m’a surpris, c’est que malgré la transformation du marché, le moule était dur à briser. Par exemple, je ne voulais pas mettre dix chansons sur mes EPs, disons plutôt six. Sauf que le CD coûte aussi cher à produire, donc à vendre, ce qui n’était pas avantageux pour le fan. Avec le numérique, cette question ne se pose plus.

Daniel : On aimerait parfois, en tant qu’artiste, aller plus vite, être plus audacieux, mais il faut comprendre que ce n’est pas toujours possible…

Dumas : En quinze ans, on le sait, le Web a tout changé. Je me souviens à mes débuts, demander au label de nous aider à monter un site internet, c’était incompris, on se demandait à quoi ça pouvait servir! Aussi, à mon avis, le coût de production d’un disque n’a pas vraiment baissé. Bien sûr que la technologie a tout simplifié, mais mes collaborateurs, je ne peux pas les payer moins cher qu’il y a quinze ans. Pendant ce temps, on débat sur la valeur de la musique et les revenus ne sont plus là…

Daniel : Moi, donner un album, pas capable. Pourquoi? Pour essayer la musique? D’accord, alors dans ce cas, moi, je vais manger ici, et je ne paie pas. Même chose. Si j’aime ça, je reviendrai. La seule différence c’est que le repas, tu ne peux pas l’envoyer par courriel. Ça a des répercussions sur le métier d’auteur-compositeur-interprète. Je sens qu’on ne considère plus la musique comme un métier. Je suis ravi pour les artistes qui trouvent du succès en donnant gratuitement leur musique. Mais à mes yeux, c’est abandonner une partie des revenus, c’est séparer notre métier en deux : la scène et le studio. Une de ces deux parties serait du bénévolat?

Stefie : Il y a de bons exemples d’artistes d’ailleurs qui réussissent à se faire un nom, un public, en donnant leur musique, et tant mieux. On comprend que leur renommée est mondiale, leur public, international. Mais au Québec, tu peux difficilement générer un buzz et ensuite partir donner 200 concerts par année pour gagner ta vie.

Dumas : Avant, un label prenait un risque sur un album et pouvait réussir à en vendre. Parlons franchement ; aujourd’hui, on essaie de couvrir nos frais de production et de mise en marché de l’album en espérant faire des sous avec les éditions. L’enjeu, en 2014, ce sont les éditions. À cet égard, le disque est devenu une carte de visite qui te permet de donner des concerts et de jouer en festival.

Daniel : J’espère juste qu’à un moment donné, on trouvera comment parer la chute des revenus. Ça prend une manière de rapatrier l’argent sur le Web – peut-être à la manière d’une redevance plus substantielle aux artistes, comme les radiodiffuseurs qui envoient de l’argent à la SOCAN?

Dumas : Vrai, sauf que je trouve ça super pour les musiciens qui commencent. À l’époque, si t’étais en nomination au gala de l’ADISQ, disons, et tu ne faisais pas de performance télévisée, c’était à peine si on se souvenait de ton nom. Aujourd’hui, j’entends parler d’un artiste que je ne connais pas, je peux aller tout de suite sur iTunes, sur Bandcamp, écouter et acheter son travail.

On vit une époque géniale pour faire des découvertes.

Daniel : Ça, c’est sûr, mais encore faut-il que le travail soit bien récompensé…

Dumas : Au bout du compte, tout ce qu’un artiste peut faire pour s’accrocher, c’est composer de bonnes chansons qui vont rejoindre le public. Si tu fais du bon travail, les gens vont s’y intéresser; il faut arrêter de dire que c’est la faute du consommateur qui n’achète plus de disques.



D’abord, réglons une chose : la poutine a été inventée au Québec et nulle part ailleurs!

Une fois l’origine géographique de ce plat élucidé, on peut toujours tergiverser longuement sur l’équilibre idéal des ingrédients entrant dans sa composition et sur les établissements qui offrent l’expérience gastronomique la plus satisfaisante. On peut même disserter sur la frontière entre une vraie poutine et ses variations toutes plus farfelues les unes que les unes depuis que certains chefs de La Poutine Week se sont lancés dans des interprétations qui n’ont souvent plus grand-chose à voir avec l’originale frites-sauce-fromage…

Mais il y a un ingrédient que les copropriétaires du Resto La Banquise (situé en plein cœur du Plateau-Mont-Royal, à Montréal) ont à cœur de ne pas négliger : la musique! Pour cette véritable institution de la poutine à Montréal, en opération depuis 1968 (!), le fait d’être Autorisée à vous divertir musicalement grâce à une licence émise par la SOCAN tombait sous le sens, selon Annie Barsalou, la copropriétaire de La Banquise et fille de son fondateur Pierre Barsalou :

« La musique a un impact sur le roulement du restaurant, sur le service, sur la clientèle et sur l’ambiance en général. »   –  Annie Barsalou

« C’est certain qu’on pourrait voir cette licence comme un dépense de plus dans nos livres de comptabilité, mais quand on prend du recul, on se rend compte qu’on utilise les œuvres des créateurs tous les jours, on en a besoin. Et c’est important que ces créateurs soient rémunérés pour leur travail. Ça va avec nos valeurs en tant que restaurateurs. »

Pour son conjoint et copropriétaire Marc Latendresse, l’autocollant Autorisé à vous divertir de La Banquise est plus qu’une simple preuve que son établissement fait partie des 30 000 bars et restaurants titulaires d’une licence de la SOCAN au Canada permettant une diffusion de la musique en toute légalité : « Nous avons eu quelques commentaires des clients au sujet de l’autocollant. Ils appréciaient tous que nous respections les artistes et les auteurs. Il s’agit d’un point assez important dans notre quartier, le Plateau Mont-Royal, un pôle important de la scène culturelle au Québec. »

Surtout que selon une des employées de l’endroit, on peut régulièrement y voir s’attabler des membres de groupes montréalais réputés comme We Are Wolves ou Random Recipe, entre autres…

« La musique a un impact sur le roulement du restaurant, sur le service, sur la clientèle et sur l’ambiance en général, continue Annie Barsalou, et on  adapte notre sélection et l’intensité sonore selon les situations et le moment de la journée. Ce sont nos employés qui sont notre bibliothèque musicale et on leur laisse le champ libre quant à la sélection. Et souvent, les clients vont réagir à certaines chansons qui attisent leur curiosité, ça stimule les conversations. On a même un client qui vient régulièrement et en profite pour nous partager ses coups de cÅ“ur musicaux en nous apportant ses découvertes! »

« Les choix musicaux, adaptés au moment du jour, car nous sommes ouverts 24 heures, nous aident à définir notre ambiance et notre originalité, ajoute Marc Latendresse. La musique fait donc partie intégrante d’une belle expérience client et contribue de manière très importante au succès de notre resto. »

Si la chanson québécoise a souvent fait une place à la poutine dans son répertoire (on n’a qu’à penser à la chanson « Hommage en grain » de Mes Aïeux, à celle de Mononc’ Serge, « Les Patates » ou au duo composé des rappeurs québécois Omnikrom et des Français TTC pour la pièce « Danse la poutine »), il est donc tout naturel qu’un haut lieu de ce plat si réconfortant utilise la musique à son tour, au plus grand plaisir de ses clients et de ses créateurs ainsi rémunérés équitablement grâce au programme Autorisé à vous divertir