La route n’a plus de secrets pour Joey Landreth.

Joey LandrethSon groupe, Bros. Landreth, primé aux JUNOs en 2015 pour l’album Let It Lie dans la catégorie Album roots & traditionnel de l’année, prend enfin une pause après quatre années de tournées quasi ininterrompues au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Europe afin de promouvoir cet album au fur et à mesure qu’il était lancé dans ces territoires. Pendant l’actuelle pause, Joey s’est installé à Toronto, tandis que le guitariste Ariel Posner a déménagé ses pénates en Irlande et que le batteur Ryan Voth et David Landreth, son frère et bassiste, sont retournés dans leur ville d’origine, Winnipeg, dans le cas de David pour être avec sa nouvelle épouse.

Mais pause ou pas, Joey a décidé d’enregistrer un nouvel album de sept titres intitulé Whiskey et formule trio avec Ryan et David et, inévitablement, de partir en tournée promotionnelle, malgré ces quatre longues années sur les autoroutes. Au moment de publier cet article, Landreth vient de compléter une tournée européenne, est sur le point de s’embarquer dans une tournée de l’Ouest canadien (dès le 24 février à Saskatoon), et de plusieurs dates dans le sud de l’Ontario par la suite.

Tout cela malgré les émotions exprimées sur des chansons comme « Still Feel Gone » — créée en collaboration avec la vedette montante de l’heure, Donovan Woods, qu’il a rencontré par le biais de leur agent mutuel, Stu Anderson — où il recense les effets des tournées sur les relations interpersonnelles, et tout particulièrement la période de « sevrage » après la fin d’une tournée, comme en fait foi ce passage : « How many roads can a man drive a van on/Before he’s called back to the one he’s left alone? » (librement : Combien de routes un homme peut-il emprunter avec son camion/Avant qu’on le rappelle sur celle qu’il a laissée derrière ? »)

« En fin de compte [la tournée] c’est tout ce que j’ai fait dans la vie », dit-il. « C’est ce que je fais et qui je suis. C’est un combat intérieur constant d’être séparé de ceux qu’on aime, plus que d’être avec eux. Mais je suis à mon mieux lorsque je traque mon art sur les autoroutes. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est toujours le meilleur de moi-même. »

« Je suis à mon mieux lorsque je traque mon art sur les autoroutes. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est toujours le meilleur de moi-même. »

Landreth a tendance à toujours prendre le taureau par les cornes dans ses créations. Il n’a pas peur de creuser pour créer cet effet dramatique, et il n’hésite pas à partir à la recherche des racines profondes de ses émotions dans son écriture. Prenez la pièce titre, « Whiskey », coécrite avec son frère David et complétée au Sound Lounge du siège social de la SOCAN à Toronto : elle compare habilement le désir pour une ancienne flamme avec le désir latent d’un alcoolisme vaincu. Cette chanson est un exemple parfait d’une œuvre où le premier couplet laisse croire à une version (« la chanson parle d’une femme ») jusqu’à ce que l’artiste dévoile son jeu dans le refrain (« la chanson parle aussi de dépendance ! »).

« Pour moi, cette chanson porte à la fois sur la relation avec une tendre moitié et sur la relation avec une dépendance, et les deux coexistent », explique Landreth. « C’est un regard sur les deux qui ne sait pas si la fin de la relation est due au whiskey ou si le whiskey est présent dans la relation par la faute de la femme… Les différentes façons qu’ont les gens de voir la situation sont très intéressantes. Pour certains, c’est simplement la bonne vieille méthode utilisée dans la musique country de donner un nom arbitrarire [Whiskey] à une femme. D’autres la perçoivent comme une chanson sur la sobriété. J’aime que les gens puissent y lire ce qui leur convient. »

Il y a d’autres références à la convalescence sur certaines pièces, notamment, « Better Together » et « Hard As I Can », dans laquelle le narrateur parvient à transcender ses propres limites grâce à sa relation amoureuse. « Je crois que c’est le reflet d’où j’en suis dans ma vie », explique Landreth qui est sobre depuis deux ans. « Je ne surexploite pas le sujet, car je sais que c’est facile de tomber dans le prêchi-prêcha lorsqu’il est question de sobriété. J’ai choisi d’arrêter de consommer simplement parce que je savais que c’est ce que je devais faire. »

Joey Landreth est, il faut l’avouer, une triple menace. Non seulement son écriture n’a-t-elle pas froid aux yeux, mais il est un chanteur de grand talent et un « guitar hero » suffisamment accompli pour mériter des commandites de Suhr (fabricant de guitares électriques) et Collings (pour leur ligne de guitares acoustiques « vintage » baptisée Waterloo). Au moment de notre entrevue, il donnait des prestations à la conférence NAMM (National Association of Music Merchants) à Los Angeles. Il admet avoir été très emballé d’être sur la Une de l’édition du 27 octobre 2016 du Guitarist Magazine. Il faut savoir que pendant plusieurs années avant la formation du groupe The Bros. Landreth, Joey était guitariste à la pige pour les enregistrements en studio et les tournées. Par ailleurs, son solo sur la pièce « Still Feel Gone » — enregistré dans la pénombre du studio en une seule prise après trois ou quatre essais — est parmi les meilleurs des superbes solos qu’il a enregistrés au cours de sa carrière.

Quant à l’écriture, il aime s’entourer des meilleurs, dont notamment Stuart Cameron du groupe The Heartbroken, et Donovan Woods. « Donovan est un de mes préférés », affirme l’artiste. « C’est un auteur tellement talentueux, un parolier hors pair qui n’a peur de rien, une chose que j’admire vraiment. » On sent très bien l’empreinte de Woods dans la phrase suivante tirée de la pièce « Time Served » : « She let me walk on time served » (librement : elle m’a libéré pour la peine purgée).

Et que pense-t-il des collaborations ? « Habituellement, on passe entre une heure et demie et trois heures à simplement déconner », avoue-t-il. « Pour la création de “Time Served” avec Donovan et Stuart Cameron, on a échangé des idées pendant un moment, puis on a commencé à se concentrer sur certaines idées… “Que pensez-vous de ça ?” ‘Ouais, c’est cool ’, ou ‘Peut-être ça, aussi ?’ Si je me souviens bien, je suis arrivé avec le premier couplet et nous avons bâti autour de ça. Lorsque je bloquais, Donovan ou Stuart prenait la relève et poursuivait la route. »

Fidèle à sa personnalité sans prétention, Landreth a choisi d’enregistrer Whiskey non pas avec un réalisateur de renom à Los Angeles ou Nashville, mais dans sa ville natale de Winnipeg. « Tout ce que je voulais, c’était enregistrer un excellent album avec des gens que j’aime de tout mon cœur », dit-il.

Mission accomplie.