Les membres de Hex ne pensaient jamais poursuivre une carrière musicale et, à vrai dire, elles n’en sont toujours par convaincues.

Formé en 2014 dans le cadre du chapitre torontois du programme Girls Rock Camp, le trio composé de Halina Katz, Simryn Mordasiewicz et Kyria Sztainbok a immédiatement cliqué. « Il n’y avait aucune tension et je crois que nous avons toutes saisi les sensibilités des autres », raconte Katz. Une des premières chansons qu’elles ont interprétée fut « Rebel Girl » de Bikini Kill, un hymne du mouvement Riot Grrrl des années 90 qui parlait à Hex parce que, comme le dit Katz, « elle représente bien l’idéologie de Girls Rock Camp — encourager les jeunes femmes à jouer de la musique et à être anarchiques ».

C’est grâce à cette expérience que les membres de Hex, qui cherchaient toujours leurs repères, musicalement, ont été encouragées à continuer leur collaboration. Kritty Uranowski, de Girls Rock Camp, a même décidé d’assurer la gérance du trio. Mais comme elles étaient encore étudiantes au secondaire, à l’époque, tout était une question d’équilibre. Lorsqu’elles devaient partager leur temps entre les devoirs et les répétitions, la meilleure façon d’acquérir de l’expérience et d’évoluer en tant que groupe était de jouer sur scène dans des salles tous âges et d’assurer la première partie de groupes locaux comme Hooded Fang ou la gagnante du prix Polaris Lido Pimienta.

Mais la scène musicale est parfois dure et les membres de Hex doivent non seulement composer avec des attitudes sexistes, mais également, à l’occasion, âgistes. « Les techniciens de son nous traitent comme si nous étions idiotes », raconte Mordasiewicz. Katz se souvient d’un spectacle, récemment, où un des techniciens a cru bon lui montrer comment allumer son ampli, et elle n’a pas pu s’empêcher de se dire à elle-même, « tu me “fucking” niaise ? »

Donner l’Hex-emple
Elles résument très simplement leur perception de leur gérante Kritty Uranowski, elle aussi musicienne et directrice artistique du collectif No Mean City : « On ne serait rien sans elle », lance Mordasiewicz. D’ajouter Katz : « elle nous a montré l’importance de la diversité et de donner une chance aux groupes de musique. Lorsqu’on “booke” un spectacle, on est très conscientes de notre présence féminine et de devoir gérer les trouducs qui s’occupent du son. C’est la femme qui a le plus de sagesse au monde. »

« Mais ils ne sont méchants avec nous qu’avant notre “set” », ajoute-t-elle, poursuivant que leur prestation est la seule preuve nécessaire afin de démontrer qu’elles savent ce qu’elles font. « Ça fait des années qu’on fait ça », dit Sztainbok. « On sait comment on veut que ça sonne. »

Puis, un jour, le temps est venu d’enregistrer un album. Le groupe admet volontiers qu’enregistrer leurs pistes individuellement a été difficile et elles ont rapidement réalisé que le groupe est au sommet de sa forme lorsqu’elles jouent ensemble dans une même pièce, comme elles le font avec tant de brio sur scène, et cela a permis d’enregistrer l’album au complet en une seule soirée. « On a travaillé jusqu’à 5 h du mat’ », explique Mordasiewicz au sujet de cette séance d’enregistrement. « C’était amusant et incroyablement intense. »

Grâce à cette méthode d’enregistrement, l’énergie explosive de Hex en spectacle est captée cet album intitulé Miss Pristine, paru un peu plus tôt cette année. Sur la première pièce, d’une durée de sept minutes, Hex joue sur le tempo et le volume, passant de guitares grattées doucement à furie cacophonique, et chaque racoin de la pièce est rempli du vibrato hurlant de Katz.

Les influences de Miss Pristine sont solidement ancrées dans la musique qu’elles ont d’abord appris à jouer au Rock Camp — Bikini Kill et d’autres groupe punk des années 90 comme Sleater-Kinney et Hole —, mais avec des liens actuels, également. Leurs chansons sont remplies d’une rage éblouissante qui brille en chacune d’elles, une énergie brute qui propulse chaque « riff » de guitare, chaque « drum fill » et chaque ligne de basse.

La plupart du temps, tout s’articule autour de la voix et de l’écriture captivantes de Katz. Mordasiewicz et Sztainbok chantent les louanges de leur chanteuse et la qualifient de « déesse lyrique » qui est souvent celle qui propose l’étincelle d’une nouvelle chanson — inspirée par ses expériences de vie — au reste du groupe pour qu’elles tissent le reste avec leurs instruments. Lorsque je demande si Hex a de nouvelles pièces qui paraîtront bientôt, Mordasiewicz regarde Katz et dit, avec un sourire en coin, « je ne sais pas ; as-tu des idées de chansons ? »

Avec Mordasiewicz et Sztainbok qui sont désormais étudiantes à l’université et Katz qui habite actuellement Philadelphie, Hex est devenu un emploi à temps partiel pour ses membres. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles ne sont pas déterminées à continuer de jouer et lancer de la musique — elles doivent d’ailleurs lancer un vidéoclip sous peu, à leur grand bonheur, et trois nouvelles chansons ont récemment vu le jour. Néanmoins, le groupe maintient une attitude de laissez-faire lorsqu’il est question de l’avenir.

« Je veux continuer à faire carrière en musique, mais c’est difficile à admettre parce que ce n’est pas une vie facile », avoue Katz. C’est toutefois Sztainbok qui résume le mieux l’état d’esprit de chacune d’elles avec une affirmation succincte et optimiste : « Tant que jouer de la musique est l’une des choses que je peux faire, je suis heureuse. »