Depuis que Jade Eagleson, 27 ans, de Milford, en Ontario, a décidé de mettre son tracteur de côté pour écrire des chansons, il y a un peu moins de cinq ans, le monde de la musique country l’a accueilli à bras ouverts.
Tout ce qu’Eagleson a accompli durant cette relativement brève période est plutôt impressionnant. Il a lancé deux albums, son plus récent étant Honkytonk Revival en novembre 2021. Il compte six simples dans le Top 10 country au Canada, incluant trois No 1 : « Lucky », « All Night To Figure It Out » et « More Drinkin’ Than Fishin’ », un duo avec Dean Brody. Il a reçu une certification Platine (80 000 exemplaires vendus) pour « Got Your Name On It » (2018) et deux disques d’or (40 000 exemplaires vendus) pour « Count The Ways » et « Close ». En 2019, il a reçu le Rising Star Award de la Canadian Country Music Association et il a été finaliste aux JUNOs à deux reprises jusqu’à maintenant. Il cumula à ce jour plus de 200 millions d’écoutes sur les services de diffusions en continu et plus de 78 millions de visionnements sur YouTube. Anecdote touchante, c’est sur le plateau de tournage du clip de cette chanson qu’il a rencontré Maria Paquin qui est devenue son épouse moins d’un an plus tard.
Tout a commencé en 2017 quand Eagleson a donné un spectacle qui allait changer sa vie dans le cadre du Emerging Artist Showcase du festival Boots and Hearts (un parcours emprunté auparavant par e tout aussi rural groupe ontarien James Barker Band).
« Boots and Hearts a été une expérience que je ne pourrais comparer à aucune autre », se souvient l’homme désormais installé à Nashville. « C’était assez impressionnant de monter sur scène et chanter les chansons que j’ai écrites et d’entendre les gens réagir aussi forte pour la première fois. J’ai souvent joué à Millford et dans notre honky tonk local, qui est quand même assez gros, mais ça reste seulement une ou deux centaines de personnes. Mais à Boots and Hearts, on parle de milliers de personnes et t’es comme “Ho-ly!” La crainte de Dieu a été mise en moi la première fois que je suis monté sur scène. C’était une sorte de poussée d’adrénaline qui m’a confirmé que c’était ce que je voulais faire pour le reste de ma vie. »
Grâce à son baryton tout ce qu’il y a de plus country, Eagleson a d’abord fait sa marque avec un EP éponyme en 2018, puis avec son album éponyme en 2020 sur lequel il a reçu l’aide d’un noyau de collaborateurs membres de la SOCAN – Travis Wood, de Beaverton, en Ontario, ainsi que Gavin Slate et Todd Clark, de Toronto (qui ont tous trois eu beaucoup de succès en collaborant avec James Barker) – qui lui ont fourni six des dix chansons de l’album.
Eagleson a une anecdote amusante à propos de l’écriture de « A Little Less Lonely » lors de sa première rencontre avec Slate et Wood à Toronto.
« J’ai fait la connaissance de Gavin et Travis quand je commençais à peine à faire partie du monde country », se souvient Eagleson. « Je n’avais aucune idée comment étaient structurées ces séances d’écriture. On se remue les méninges pendant quelques jours et après on va prendre une couple de bières? Je n’avais aucune idée. Je travaillais encore sur la ferme à cette époque, alors on a commencé à écrire, mais au bout de quatre heures, c’était tout le temps que j’avais. Je leur ai simplement dit : “vous savez quoi, les gars? Il faut que je rentre pour nourrir les cochons”. »
Sauf que Wood et Slate n’ont pas compris qu’il était sérieux et ils ont présumé que ce qu’il venait de dire était un « Eaglesonisme » pour dire qu’il allait prendre un café ou fumer une cigarette. Deux heures après être arrivé chez lui à Milford, il a reçu un coup de fil de son ami qui l’avait présenté au duo d’auteurs. « Il m’a dit “pourquoi t,es parti?”, se souvient Eagleson. “Encore aujourd’hui, on me taquine à ce sujet et quand on prend une pause pendant une séance de travail, les gens me disent ‘ne va surtout pas nourrir les cochons!’”
Eagleson a coécrit deux des huit chansons de son plus récent album, Honkytonk Revival – “Whiskey Thinks I Am” en compagnie de Daryl Scott et “I Don’t Think” avec Scott et Kyle Renton – et il explique cela par la pandémie.
“C’était difficile d’organiser des séances d’écriture”, avoue Eagleson. “Bien sûr, il y a des technologies pour pallier à ça, mais je trouve qu’on perd une part d’authenticité quand on travaille via Zoom. Il m’est arrivé d’avoir des idées géniales en utilisant cette méthode, mais il est difficile d’écrire quand on ne lit pas ou qu’on ne ressent pas les émotions de la pièce. J’ai beaucoup écrit durant la pandémie, mais rien qui m’a donné l’impression que c’était ce que les fans ont vraiment envie d’entendre. On a donc commencé à demander aux créateurs de nous proposer des chansons et quand il y en avait une qui était meilleure que ce que moi j’avais écrit, c’est celle-là qu’on gardait.”
L’expertise Eagleson : trois conseils pour les auteurs-compositeurs en herbe
- « Une chanson ne s’écrit pas en une journée. »
- « Peaufinez vos idées. »
- « Amusez-vous. »
Eagleson affirme que son outil de choix pour consigner toutes ses idées est son iPhone. “Souvent, mes idées viennent quand je suis en train de faire quelque chose d’autre et je n’ai pas le temps de tout laisser tomber pour prendre ma guitare et écrire”, explique l’artiste. “Souvent, c’est quand je vais au lit – heureusement ma femme ne s’est pas encore plainte de ça – et je vais attraper mon iPhone pour enregistrer un mémo vocal en fredonnant une chanson. C’est ma façon de faire pour le moment. J’enregistre une idée de mélodie et j’y reviens plus tard pour la peaufiner.
‘Après, je la présente aux autres pour savoir ce qu’il en pensent avec un squelette de mélodie à la guitare pour qu’ils comprennent où je m’en vais. Des fois ça se passe super bien et on a d’excellentes idées. D’autres fois, disons que c’était pas ma meilleure idée. Mais on ne perd rien à essayer.’
Si Eagleson prend le temps d’écrire seul, il aime aussi l’art de la collaboration, et aimerait un jour écrire avec Shania Twain. “C’est toujours bon d’avoir l’opinion de quelqu’un d’autre. Je connais plein de monde qui pense que les collaborations ne sont pas aussi créatives, mais je suis vraiment en désaccord avec ce point de vue. Plus on est d’auteurs, plus on a de perspectives différentes sur la vie. T’as cette situation couchée sur papier et tu travailles avec deux ou trois autres gars qui vivent la même chose, mais de façon légèrement différente, et tout d’un coup, ton public sera d’autant plus large.”
“Tu ne te rends pas compte de toutes les possibilités d’amélioration tant que tu n’écris pas avec quelqu’un d’autre qui fait ça depuis plus longtemps”, admet-il. “T’écris avec cette personne et tu réalises ‘Man! J’aurais jamais pensé à le dire de cette façon!’ Tu n’aurais pas pensé à utiliser telle structure d’accords ou telle tournure de phrase. Ça fait vraiment passer ton écriture à un autre niveau.”