Un pied dans la porte de l’industrie hip-hop américaine, le producteur High Klassified entame un nouveau chapitre de sa carrière avec Kanvaz, cinquième EP volontairement plus éclectique et accessible.

Dernièrement, les choses ont changé pour Kevin Vincent, jeune Lavallois de 25 ans qui emprunte le pseudonyme High Klassified depuis ses débuts comme producteur en 2011.

Conscient de la portée qu’a eue Comin Out Strong, énorme succès du rappeur américain Future et de la pop star canadienne The Weeknd qu’il a en partie composé, l’artiste a compris l’importance des voix et des paroles. « D’un seul coup, j’ai eu vraiment plus d’attention de la part du public. Le problème, c’est que beaucoup de gens ont aimé cette collaboration, mais n’ont pas nécessairement accroché au reste de mon répertoire, qui est en grande partie instrumental. Pour eux, c’est un frein, l’absence de paroles. »

Loin de se considérer comme un grand mélomane, High Klassified a tout de même cherché à éveiller sa curiosité musicale afin de rendre sa proposition plus accrocheuse. Sans vouloir plaire à tout prix à ce grand public avide de Top 40, il a volontairement ouvert ses horizons musicaux à Drake, Migos et autres canons du genre, au lieu de faire comme d’habitude et se lancer aveuglément dans la création musicale entre deux sessions de jeux vidéos (son passe-temps de prédilection).

« C’est surtout grâce à mes amis et ma copine que j’ai découvert plein de nouvelles musiques. Je suis beaucoup sur la route ces temps-ci, et ça me plait d’écouter les playlists Spotify de tout le monde. J’avais envie que ma musique, elle aussi, se retrouve sur les playlists et se partage comme ça, de bouche à oreille. »

De là l’idée de faire appel à la chanteuse new-yorkaise Leaf (une collègue de son étiquette Fool’s Gold) et au rappeur montréalais Zach Zoya sur deux chansons de Kanvaz. « Au début, je voulais travailler avec des gros noms, mais c’était trop de travail de courir après eux. Je voulais pas attendre trois mois pour recevoir un couplet que j’aurais peut-être fini par trouver moyen », explique celui qui, avant ce mini-album, n’avait collaboré qu’avec un seul rappeur (Mick Jenkins) sur ses projets solos. « À la place, je préférais travailler avec des gens près de moi et avoir plus de contrôle sur l’ensemble de la création. Mon but, c’était de faire la meilleure musique possible avec ce que j’ai à ma portée. Surtout, je voulais pouvoir rebondir rapidement sur le succès de Comin Out Strong. »

High Klassified

Photo : Benoit Rousseau

Le Lavallois s’est donc donné un an et quelques mois pour accoucher de son « meilleur matériel » à ce jour. D’abord reconnu pour son esthétique trap sombre aux basses lourdes, telle que présentée sur son EP initial Flexury en 2012, le musicien a également prouvé qu’il maîtrisait l’art des ambiances aérées, planantes et dansantes sur ses projets subséquents, notamment sur Kronostasis pour lequel il a remporté le prix de musique électronique au Gala de la SOCAN en 2016. C’est cette variété de trajets qu’il voulait emprunter sur ce cinquième effort. « Kanvaz, c’est une peinture, une représentation de tous les canevas que je peux faire. C’est mon art à 100%. Je voulais montrer que j’étais capable de m’adapter à plein de BPM différents, en passant du trap au house. »

Malgré le vol d’un disque dur qui a miné son rythme de travail au tournant de 2017, High Klassified a visiblement apprécié retourner à cette forme de création plus intime, surtout après une année 2016 où il a davantage mis son art au service des autres, notamment en faisant des allers-retours à Toronto et en tissant des liens avec The Weeknd, à qui il envoie maintenant des morceaux directement par texto.

« Je préfère beaucoup plus travailler sur des trucs personnels, car tout le mérite me revient. [Les collaborations avec des gros artistes], c’est surtout bon pour mon portfolio. Ça m’aide aussi à avoir une crédibilité dans le milieu », estime l’artiste, qui a aussi produit des chansons pour des rappeurs français estimés comme Nekfeu et Joke.

Évidemment, cette crédibilité dûment acquise vient avec son lot de pression, et l’artiste en ressent de plus en plus les effets.  « Dès que tu fais un placement musical avec un gros artiste, tous les yeux sont rivés sur toi, donc tu dois poursuivre ton hype. Je suis constamment stressé d’envoyer des beats à des gens et de ne pas savoir s’ils vont finir par les prendre. En fait, je vais pas trop m’étendre sur le sujet, car plus j’en parle, moins ça arrive… »

Très discret à propos de ses prochains projets, Kevin Vincent se concentre actuellement sur la préparation de sa prochaine tournée, qui s’arrêtera notamment en Europe pour quelques semaines à la fin de l’été. Mais, plus souvent qu’autrement, c’est le mal du pays qui finit par avoir raison de ce fier Lavallois. « Après trois semaines de tournée en Asie récemment, j’étais pus capable… Je voulais absolument rentrer chez moi! », s’exclame en riant celui qui habite toujours dans la maison de sa mère, où il a aménagé un studio professionnel au sous-sol.

Désirant s’installer quelques mois à Los Angeles dans un futur proche pour participer à des sessions d’enregistrement, High Klassified ne se ferme pas de portes… sauf celle de Montréal. « Ma copine habite dans la tour des Canadiens et, pour moi, c’est un vrai mal de tête. Tout ce bruit et tout ce divertissement, ça me dérange. À Laval, je peux me concentrer sur ma musique et ne penser à rien d’autre. C’est comme ça que je réussis à créer. »