Le duo indie folk Fortunate Ones – le couple musical et romantique formé de Catherine Allan et James O’Brien – a dû composer avec l’isolement et l’incertitude bien avant la pandémie.

Après avoir connu le succès avec leur premier album The Bliss (2015) paru sur l’étiquette Old Farm Pony Records de Rose Cousins, les deux artistes ont vécu un épuisement professionnel. Deux des chansons de cet album, « The Bliss » et « Lay Me Down » ont atteint la première position du Top 20 de CBC Radio 2. Ils ont remporté le prix du Groupe vocal de l’année au Canadian Folk Music Awards en 2015 et été finalistes dans la catégorie Album roots contemporain des JUNOs en 2016. En 2018, ils ont lancé Hold Fast et se sont lancés dans une longue tournée tandis que leur pièce « Northern Star » atteignait la quatrième position du Top 20 de la CBC. Ils était aussi épuisés que reconnaissants.

Leur vie a changé en 2019 lorsqu’une blessure a mené à la découverte d’une tumeur dans la main de O’Brien. Une chirurgie et la nécessaire, mais longue convalescence qui a suivi l’ont empêché de jouer de la guitare, ce qui a d’autant plus ralenti le couple établi à St-John’s, Terre-Neuve. O’Brien s’est trouvé un emploi au Inn by Mallard Cottage et il était ravi du changement que lui apportait le fait de faire des lits et prendre des réservations. « Je travaillais à la réception et, honnêtement, j’étais soulagé et heureux de faire autre chose que de la musique, rendu-là », dit-il.

Quant à Allan, inquiète pour son conjoint autant que pour leur vie sur la route et en dehors de celle-ci, a pris une pause pour réfléchir. Elle a écrit « Clarity » afin de l’aider à y voir plus clair. « Cette chanson est née du désespoir ; j’étais à la recherche de quelque chose, mais je ne savais pas quoi », dit-elle. En fin de compte, ce que le couple cherchait – et a fini par trouver –, c’était d’accepter sa place dans le monde.

Leur environnement les a aidés à y arriver. Ils ont passé un été pandémique dans une magnifique saltbox house sur le bord de la mer à English Harbour. Pour Allen, cet isolement était « nécessaire » et n’était pas simplement le fruit du fait « d’être laissés à nous-mêmes », tandis que O’Brien a trouvé que c’était une leçon d’humilité et une bonne façon de se rappeler que « nous ne sommes pas le centre de l’univers ».

Cette profonde introspection a donné naissance aux chansons de leur nouvel album, That Was You and Me, qui expriment l’amour et la perte, et aux paroles riches en métaphores inspirées par la beauté naturelle de Terre-Neuve. Un bel exemple est la pièce « Anchor » où ils comparent l’amour à une rivière en permanente permutation et le temps à une mer sans fin. La chanson évoque également l’incertitude des relations de couple et l’importance de se soutenir mutuellement. Autrement dit, chaque membre d’un couple se doit d’être le point d’ancrage de l’autre. « Heavy Heart », une autre des pièces-phare de ce projet, s’ouvre sur la crainte que la noirceur qui habite l’autre personne dans un couple finisse par vous séparer. Bref, comme en témoigne tout l’album, l’amour, la confiance et le lâcher-prise sont les seules façons de traverser les périodes difficiles de la vie qui sont inévitables.

La pandémie, cependant, a compliqué leur horaire d’enregistrement en compagnie du producteur torontois Joshua Van Tassel (Amelia Curran, Sarah Slean) qui a trouvé un Plan B afin que Fortunate Ones enregistre – pas simplement les démos, mais les versions finales de leurs chansons – depuis leur maison dans les maritimes. Heureusement, les deux artistes ont pu accomplir tout cela en personne, ce qui a permis de maintenir leur magie musicale. « It’s Worth It (For Leo) » qu’ils ont enregistrée en une seule prise, a ému Van Tassel aux larmes, lui qui est justement père de jeunes enfants. Et il n’y a rien de surprenant à ça : O’Brien a écrit la chanson pour faire savoir à son propre père malade qu’il a fait du bon travail en l’élevant.

That Was You and Me est rempli de chansons profondément personnelles, mais universelles sur la famille, l’amour et le fait de trouver sa place dans le monde. Leurs harmonies s’entremêlent chaleureusement d’une manière dont seuls les frères et sœurs ou ceux qui ont une connexion indéniable – comme Gillian Welch et David Rawlings – sont capables. Paradoxalement, les textes doux-amers nous bouleversent et nous apaisent à la fois et nous forcent à vivre nos émotions tout en nous rassurant que tout va bien aller. Leur musique nous ramène les deux pieds sur terre tout en nous tirant vers de meilleurs cieux.

C’est dans le refrain de la chanson « Day to Day » que cela est le plus évident (librement traduit) :

I’m learning to find my way (J’apprends à trouver mon propre chemin)
Own the mistakes I’ve made (Je prends la responsabilité de mes erreurs)
Hoping to finally say (Dans l’espoir de pouvoir dire)
I’ve found some meaning in the day to day (Que le quotidien a enfin un sens pour moi)

Les membres de Fortunate Ones ont fait face à l’isolement et à l’incertitude en se connectant à eux-mêmes et à l’autre, mais aussi à leur amour de la musique. Ainsi, That Was You and Me est un baume pour quiconque doit traverser une période difficile, ce qui est notre cas à tous dans ce monde (post-)pandémique.