Jean Anfossi est un éditeur qui ne recule devant rien. Contre vents et marées, dans un écosystème où la technologie change complètement la donne, où les redevances fondent comme neige au soleil et où la concurrence est sans pitié, il a réussi à bâtir une impressionnante libraire de musique de production canadienne.
Puis, après 11 ans, il a décidé de changer l’image de marque de son entreprise — MFP (Music for Productions) — et a embauché de nouveaux employés à Toronto et Montréal dans le but de recentrer ses activités sur le marché québécois et mettre encore plus d’accent sur la musique pour la télé et le cinéma.
Jean Anfossi a commencé sa carrière chez Warner/Chappell Music Publishing Canada. Lorsque les services administratifs de l’entreprise ont déménagé au sud de la frontière, il a commencé à travailler avec son mentor, Mark Altman de Morning Music. C’est là qu’Anfossi a pris goût aux librairies de musique de production, alors qu’il collaborait avec Altman à la création des premières collections de Morning Music.
Il avait bien compris que la vague du numérique était en fait un tsunami, et c’est avec cela en tête qu’il a fondé MFP en 2005 : le premier guichet unique de licences musicales au Canada où les clients pouvaient écouter et acheter d’œuvres musicales.
Depuis, le paysage n’a cessé de se métamorphoser. Des éditeurs plus imposants tels que ole ont commencé à faire l’acquisition d’importantes librairies de musique et à se mettre à jour technologiquement.
« Je martèle sans arrêt que les compositeurs devraient être payés pour leur travail, et pas seulement en termes de redevances d’exécution. »
MFP était un petit poisson dans un étang de plus en plus hostile, mais Jean Anfossi est un batailleur et il est parvenu à tirer son épingle du jeu en devenant un as du référencement naturel (SEO) en tirant un maximum de profit des Adwords de Google. Mais même avec ces tactiques, le retour sur l’investissement continue de diminuer au fur et à mesure de l’évolution du monde numérique.
Le domaine de la musique de production a également vu arriver bon nombre de nouveaux joueurs et de nouveaux types de licences. Des géants de l’image libre de droits tels que Getty et Shutterstock ont élargi leur offre de service afin d’inclure la musique, et Jean Anfossi sait que cela a fait très mal aux éditeurs traditionnels.
« La musique libre de droit diminue la valeur de la musique en faisant fi des redevances de synchronisation », affirme-t-il. « Les éditeurs se satisfont d’une petite avance et des redevances d’exécution provenant d’organisations comme la SOCAN. Mais les compositeurs et les éditeurs qui comptaient sur les revenus de synchronisation pour arrondir leurs fins de mois trouvent de plus en plus difficile de survivre dans l’environnement actuel. »
Depuis toujours, le pain — et le surtout le beurre — de MFP provenait de la publicité et des vidéos d’entreprise, mais au fur et à mesure que la concurrence augmentait et que les tarifs diminuaient, Jean Anfossi n’a eu d’autre choix que de se réorienter.
« J’ai récemment décidé de me concentrer sur le marché québécois », explique l’éditeur. « J’ai embauché Pascal Brunet pour administrer nos affaires du bureau de Montréal. Il a travaillé chez Virgin-EMI Music pendant 15 ans et il a des tonnes de contacts. Son expérience et ses connaissances du domaine de la musique seront un atout important pour notre entreprise, surtout dans un marché aussi créatif que le Québec en termes de productions locales et internationales. »
Le catalogue de MFP a considérablement grossi, par ailleurs, grâce à un récent partenariat avec BMG/USA dont les librairies de musique de production contiennent plus de 50?000 œuvres, portant ainsi l’offre de pièces éditées ou sous-éditées par MFP a plus de 160?000 œuvres.
« Nous sommes désormais en mesure d’offrir à nos clients des domaines de la télé, du cinéma, de la publicité, des entreprises et du multimédia un éventail incroyable de musique de grande qualité », se réjouit M. Anfossi.
Selon Darrel Shirk, le directeur des opérations de BMG/USA, « la synergie avec MFP est indéniable. Avec leur feuille de route au chapitre de la distribution et notre offre musicale de premier ordre, nous savons tous que les possibilités sont infinies. »
Par ailleurs, Jean Anfossi se fait le porte-étendard des droits des compositeurs et des éditeurs auprès de tous ses clients.
« Je martèle sans arrêt que les compositeurs devraient être payés pour leur travail, et pas seulement en termes de redevances d’exécution », explique-t-il. « Trop de compositeurs donnent pratiquement leur musique parce qu’ils arrivent à peine à joindre les deux bouts. Je n’accepte pas de compositeurs sur notre site Web s’ils sont également dans des librairies de musique libre de droits. À quelques rares exceptions que j’ai accepté de représenter, mais sous un pseudonyme. »
Jean Anfossi a également une autre corde à son arc, une nouvelle entreprise baptisée ReelSongs.com qui se spécialise dans la musique indie/alternative destinée à la télé et au cinéma, et ReelSongs est le dépositaire de Fieldhouse Music appartenant à BMG, entre autres catalogues.
« J’adore mon métier », avoue M. Anfossi. « Je ne suis pas pressé de vendre mon entreprise. Je vais continuer de bâtir ma librairie avec toujours plus de contenus canadiens. Je viens tout juste de recevoir 15 pièces d’un compositeur québécois qui fait dans la musique traditionnelle québécoise. C’est une offre unique, car personne ne peut composer ou jouer de la musique de ce genre s’il n’est pas originaire du Québec. Je crois que de telles offres sont ce qui donne une véritable valeur à ma librairie, parce que je possède du matériel exclusif qu’il est impossible de trouver ailleurs. »