Eli RoseLa musique aurait pu repasser tout droit sous son nez et ne jamais s’arrêter à nouveau. Eli Rose a rattrapé la musique au vol pour ériger le projet solo le moins solitaire au monde. Et si ce premier disque homonyme est un premier pas pour elle, il est aussi le premier album de Maison Barclay Canada/Universal Musique Canada. Comme quoi c’est parfois possible de réussir du premier coup.

« Cet album-là existe en grande partie grâce à la SOCAN », lance sans broncher Eli Rose. Invitée au camp d’écriture Kenekt alors qu’elle était dans une zone d’exploration qui ne la guidait pas du tout vers une carrière solo, elle a fait des rencontres nécessaires. « Je ne pensais pas faire un album. Je pensais arrêter de faire la musique, en fait, se souvient-elle. Ça a été un coup de foudre pour la musique urbaine et j’ai compris que c’était ça que je voulais créer maintenant. »

June Nawakii (Nicki Minaj), Ruffsound (Dua Lipa, Loud) et Mike Clay (Clay and friends) ont été jumelés avec elle le temps d’une création spontanée. « On a écrit Origami et c’est la chanson qui a parti le projet. Ruffsound m’a dit que ma voix, en français, avec des beats urbains, ça n’avait pas été vu avant. On a décidé que c’est là qu’on irait. » Banx & Ranx (Sean Paul, Ella Eyre), Billboard (Britney Spears, Shakira), Realmind (Allie X) et D R M S (Ariane Moffatt) se sont également joints au projet. « D R M S, ça a toujours été mon mentor. Il a une super oreille pour les mélodies », se souvient Eli Rose. Mais comment fait-on pour réunir autant de bons ingrédients dans une même soupe ? « Ruffsound y est pour beaucoup, admet l’auteure-compositrice-interprète. C’est le padré de tous les producers. Ce sont des gens auxquels je n’aurais jamais eu accès sans le camp de la SOCAN. »

Si la pop l’avait bien servie auparavant au sein du duo Eli et Papillon (Marc Papillon-Ferland), Eli Rose ressentait profondément le désir de contrecarrer les règles de celle-ci. « On dirait qu’au Québec on fait la même pop depuis toujours, croit-elle. Quand tu voulais faire de la pop, avant, t’embauchais un réalisateur et des musiciens et tu allais ensuite en studio faire tes chansons. Avec Ruffsound, j’ai vu comment on faisait pour partir de zéro instrument et arriver à une toune de pop actuelle avec seulement un ordinateur. Les producers, ça change la game. »

Après un deuxième album plus « jeune », Colorythmie, qui jouait à la radio et qui marchait pourtant bien, Eli Rose a ressenti le fort besoin de se détacher de son duo. « Je voulais faire quelque chose de plus mature qui me ressemblait. Marc (Papillon-Ferland) voulait aller dans l’instrumental et moi je voulais faire de la pop. Je voulais savoir si ma voix avait sa place dans l’industrie. J’ai enregistré un album folk, Les fantômes n’existent pas. Il n’est jamais sorti. J’ai essayé un EP en anglais, Little Storm, composé avec Olivier Corbeil (The Stills). Ce n’est jamais sorti. J’ai écrit avec D R M S pour d’autres artistes. J’étais perdue, mais je n’arrêtais jamais d’écrire. »

Puis c’est quand elle a commencé à aller vers la musique à reculons que celle-ci lui est revenue au visage d’un coup vif, d’un « coup de foudre », selon elle. « La rencontre avec les gens qu’il me fallait, au bon moment, au bon endroit, ça m’a juste donné le goût de foncer. YOLO ! »

Maison Barclay Canada/Universal Musique Canada cherche à promouvoir des artistes francophones en se donnant les moyens de le faire à l’étranger. « Une maison de disques de Toronto qui pourrait très bien vivre sans francophones, mais qui a décidé d’y aller, je trouve que c’est vraiment encourageant. La France, c’est un rêve et j’ai déjà goûté à la crowd française lors des premières parties d’Angèle et Jain. C’est vraiment un beau territoire. »

Eli Rose est consciente que sa vie actuelle est une série de portes qu’elle a décidé de franchir. « Quand j’ai fait un feature sur Chrome avec Rymz, je me suis dit que je n’étais pas qu’une chose. Que je pouvais aller dans quelque chose de nouveau et que ça serait correct », se rappelle l’artiste, ne tenant rien pour acquis. Dans un Québec pas tellement « propice », selon elle, à prêter l’oreille à autre chose que du folk ou du rap, elle est prête à relever le défi. « Je crois à la pop intelligente francophone », dit-elle. Nous aussi.