« La vie arrive à toute vitesse » est un dicton qui a pris tout son sens pour l’auteur-compositeur-interprète torontois Dylan Sinclair. En six ans, il est passé de slammeur au secondaire à une des vedettes R&B les plus en vue au Canada, cumulant des millions de « streams », des critiques dithyrambiques et une nomination aux JUNOs pour son Proverb paru en 2020. Toute cette attention était la bienvenue, mais elle a également placé la barre très haut alors que l’artiste s’apprêtait à travailler sur son prochain projet.

« Je ressentais une certaine pression », avoue Sinclair à propos de son succès fulgurant. « Je pense que les gens succombent à la pression quand ils lui accordent trop d’attention. Je me suis concentré sur ma croissance personnelle et artistique et j’ai essayé d’être aussi constant que possible sans pour autant me tuer à l’ouvrage. Je ne vais pas me noyer dans la pression. »

Cette attitude déterminée a alimenté l’approche de Sinclair dans l’écriture de No Longer in the Suburbs, un projet empreint d’amour et de réflexion qui voit le jeune homme de 21 ans composer avec sa nouvelle célébrité alors qu’il devient un adulte et vit des relations amoureuses compliquées. Comparé à ses pairs, le son de Sinclair sur Suburbs est clairement nostalgique et n’est pas sans rappeler des vétérans comme Jon B et Musiq Soulchild. Sinclair attribue cette ressemblance à la musique qu’il écoutait pendant le processus d’écriture.

« J’écoutais plein de R&B par les dieux du genre comme Usher et Chris Brown », explique le crooner aux origines philippines et guyanaises. « J’écoutais des albums comme Confessions et des groupes féminins comme 702 et SWV. Que de la musique romantique noire. » Ces influences sont évidentes, en particulier sur des morceaux tels que « Open » ou « Suppress » sur lesquels Sinclair réfléchit lucidement à sa relation amoureuse avec toute l’introspection d’un jeune Donell Jones.

Mais au-delà du fil conducteur old-school très évident de Suburbs, d’autres éléments distinguent Sinclair de ses pairs, notamment une tendresse sincère et omniprésente qu’il attribue à ses débuts à l’église. Quel que soit le sujet de ses textes, il y a quelque chose d’unique et de doux dans l’approche de Sinclair qui remonte aux séances de louange et d’adoration de son enfance dont il se souvient affectueusement.

« Je veux bâtir un monde qui apporte la paix aux gens – l’idée c’est de créer de la belle musique. »

« Je veux bâtir un monde qui apporte la paix aux gens. L’idée, c’est de créer de la belle musique et l’église est pleine de belle musique et de chant », dit Sinclair. « Je n’ai jamais vraiment été attiré par la musique [plus agressive] parce que je viens d’un milieu où il y avait du chant, des harmonies et de vrais instruments. L’influence gospel finit toujours par imprégner ma musique, mais c’est totalement inconscient. Je fais ce que j’aime de manière purement instinctive. Je fais mes harmonies à trois voix sans même y penser parce que c’est ce qu’on faisait pendant nos séances d’adoration à la maison. Les mélodies que je choisis sont toujours en fonction de chanter en chœur. C’est tellement plus joli comme ça. »

Une équipe solide de collaborateurs était une autre exigence pour le processus de Sinclair sur Suburbs, et ses coéquipiers sont plus que de simples collègues de l’industrie – ce sont ses véritables amis. « Jordon Manswell, c’est mon bras droit », dit Sinclair, faisant référence au producteur nommé aux Grammy Awards et qui a produit Proverb, Daniel Caesar et Mariah Carey, entre autres. Le musicien et producteur Alex Ernewein (Caesar, Charlotte Day Wilson) est également mis à l’honneur, tout comme Zachary Simmonds, un producteur et ami proche qui est le frère cadet de Caesar.

L’amitié – et le partenariat musical – entre Sinclair et Simmonds remonte à avant la naissance de l’un ou l’autre – à quatre jours d’intervalle, qui plus est. Leurs pères, Kevin Sinclair et Norwill Simmonds, ont lancé un album gospel au début des années 2000, et les deux familles ont continué à tisser des liens au cours des décennies qui ont suivi. Et maintenant, leur progéniture reprend la balle au bond.

« Zach et moi on a le même âge. Il est le producteur, je suis l’auteur-compositeur. C’est notre histoire, on a grandi ensemble », explique Sinclair. Cette histoire n’en est pas une uniquement de production musicale, mais aussi de nombreuses rencontres et de voyages hors de la ville pour changer d’air. Pendant la création de Suburbs, l’équipe est allée un peu partout, de Fort Érié à Montréal, dans le but de voir le monde. Le but était de vivre pour ramener des expériences en studio et les raconter en chanson. Ces voyages représentaient également pour Sinclair une pause de sa célébrité grandissante.

« C’est vraiment un travail de groupe et c’est bien plus amusant comme ça. J’ai essayé de travailler en m’enfermant dans ma chambre, et c’est pas plaisant. J’ai besoin de cet équilibre entre la vie et le travail », avoue l’artiste. « Je pense que plein de gens hibernent en studio et cherchent l’inspiration dans tout ce qui passe. Mais le problème c’est que la musique perd sa substance, comme ça. Je me concentre sur les nombreuses expériences de la vie pour que la musique soit porteuse de sens et qu’elle soit authentique. »

Cette authenticité a joué un rôle crucial dans le choix des artistes invités sur l’album. Sur la version de luxe de Suburbs, de jeunes talents comme Destin Conrad, Jvck James et Joyce Wrice font des apparitions et ce sont tous des artistes dont Sinclair était véritablement fan avant même de pouvoir imaginer collaborer avec eux. Pour lui, boucler la boucle de cette façon – par exemple collaborer avec Wrice alors qu’au secondaire il chantait son « hit » « Never » – est une importante source d’inspiration.

« Mon inspiration s’étiole rapidement », explique-t-il. « Quand elle revient, c’est souvent à cause d’une boucle qui s’est bouclée, comme quand je regarde les JUNOs et que quelqu’un mentionne mon nom. C’est ce qui s’est produit avec Joyce et notre collaboration. C’était un moment majeur pour moi! Ça me donne juste envie de retourner en studio pour travailler encore plus fort. »



L’amour de Sacha pour la musique country et la vie en campagne coule de source après avoir grandi dans une bourgade où il n’y a qu’un feu de circulation.  

« Ç’a tendance à laisser des traces », dit-elle à propos de son enfance à Warkworth, en Ontario, un village pittoresque dans les collines verdoyantes de la région du Northumberland, à 90 minutes à l’est de Toronto. 

Nous avons discuté avec l’étoile montante du country canadien, lors d’un entretien sur Zoom un lundi après-midi. Elle est encore portée par l’adrénaline d’un spectacle vitrine donné la veille au El Mocambo, à Toronto, où le groupe de ses parents, The Arguments, a déjà joué. Sur le mur, près d’elle, se trouve le disque d’or du simple « What the Truck » soulignant plus d’un million d’écoutes du succès qu’elle a coécrit avec The Reklaws (nous y reviendrons). Des albums de certaines de ses influences – Van Lear Rose de Loretta Lynn et Bella Donna de Stevie Nicks – figurent sur un autre mur.  

Outre ces artistes légendaires, Patsy Cline a été une des premières influences de Sacha. « Ma mère écoutait ses albums sans arrêt », explique-t-elle. « Sa voix est la première à m’avoir marquée… son âme et comment tu te sens quand tu l’entends dans les haut-parleurs. » 

Comme les parents de Sacha étaient musiciens, il va sans dire qu’elle a pu toucher à tous les instruments imaginables dans son enfance. Il y avait constamment des musiciens qui passaient par chez elle pour répéter et des prestations impromptues autour du feu de camp étaient monnaie courante. Tout ça a fini par constituer sa formation musicale informelle. 

« On avait un vieux piano droit auquel il manquait des touches », se souvient Sacha. « Ç’a été mon premier instrument. J’ai appris toute seule et lisant les notes et en chantant des chansons. » 

Plus tard, les chansons, les histoires et surtout le parcours professionnel de Taylor Swift ont inspiré la musicienne. Si Swift a pu réussir à Nashville en approchant des prospects potentiels jusqu’à ce qu’elle en trouve un qui l’écoute, peut-être pourrait-elle adopter la même approche.  

« J’ai lu les journaux intimes que Taylor a partagés et j’ai appris comment, au début de sa carrière, elle est allée à Nashville et s’est démenée, en frappant à toutes les portes sur Music Row », raconte Sacha. « Je me suis dit que je ferais pareil! » 

Pendant sa première visite à Music City, elle a visité plusieurs des endroits qu’avait visités Swift il y a fort longtemps. « J’ai donné ma carte et mon démo à tout le monde : aux maisons de disques, aux maisons de relations publiques et aux associations d’auteurs-compositeurs », dit-elle. « Peu de portes se sont ouvertes après cette première tentative, mais j’ai commencé à coécrire. » 

« J’ai poursuivi mon rêve sans relâche » 

Chaque fois que Sacha y retournait, une nouvelle porte s’ouvrait. Elle a organisé des vitrines pour les auteurs-compositeurs et joué dans plein de salles de la ville comme le Opry Mills, Hotel Indigo et le Bluebird Cafe. Tout ce travail et cette persévérance ont fini par porter leurs fruits.  

Puis, en 2021, Sacha s’est jointe aux Reklaws pour leur « hit » devenu viral sur TikTok, « What the Truck ». La chanson a récolté plus de 450 000 écoutes en à peine une semaine, devenant ainsi la chanson country canadienne qui a atteint un million de diffusions en continu au pays le plus rapidement à ce jour. 

« C’était hilarant! » se souvient Sacha à propos de cet heureux hasard. « J’étais chez moi et je surfais sur TikTok quand j’ai vu que les Reklaws avaient publié un extrait de “What the Truck”. D’autres utilisateurs y sont allés de leur propre duo et j’étais moi-même en train d’écrire quelque chose qui me semblait cadrer avec la chanson. J’ai failli ne pas le faire, mais je me suis lancée. J’ai posé mon appareil pour aller faire la vaisselle et avant que j’aie le temps de crier “lapin!”, j’avais reçu un message privé de Jenna [Walker des Reklaws] qui m’invitait à participer à la chanson. » 

En 2022, Sacha a gardé la cadence. Elle a lancé un EP de quatre chansons (We Did) dans la foulée de The Best Thing (2020) où l’on sent bien son évolution et sa maturité en tant que chanteuse et auteure-compositrice country-pop. Parmi les autres faits marquants de 2022, citons sa rencontre avec Carrie Underwood dans les coulisses des CMT Music Awards, son premier CCMA Award et le concours Top of the Country de SiriusXM, sans parler de la tournée avec Maddie and Tae dans le cadre du CMT Next Women of Country Tour. Mais de toutes ses expériences, la plus excitante a sans aucun doute été la fois où elle se trouvait à Times Square, le regard tourné vers les gratte-ciel et voir la première diffusion de son clip pour la chanson « Pretty Please ». 

« Je me souviens être allée à New York le soir du Nouvel An 2012 », se souvient Sacha. « J’étais sans emploi et je me demandais comment j’allais faire pour me rendre de A à Z. C’est à ce moment-là que j’ai vraiment pris une guitare et commencé à écrire sérieusement parce que c’était le chemin pour aller au bout de mes rêves. Ces premières chansons écrites dans ma chambre sont devenues mon premier EP. » 

Ce EP, intitulé Stix N Stones, lui a gagné une base de fans partout à travers le monde grâce à la chanson-titre, un hymne anti-harcèlement qui est devenu un succès viral. 

« J’ai poursuivi mon rêve sans relâche », ajoute Sacha. « Tout part de ce Nouvel An, il y a 10 ans, quand j’ai regardé toutes ces lumières et que je me suis dit “qu’est-ce que je peux bien faire pour me retrouver sur un de ces panneaux un jour?” Eh! bien, j’y suis arrivée en mai 2022 et ça prouve qu’il ne faut jamais abandonner. » 

À l’automne 2022, Sacha a réalisé un autre rêve en faisant équipe avec Jade Eagleson – la gagnante du CCMA 2022 de l’album canadien le plus vendu – sur « Call It Country », une chanson écrite par Allison Veltz, Seth Mosley et Brooke Eden.  

Pour l’instant, Sacha partage son temps entre l’Ontario et Nashville. Forte de ces deux EP, il va sans dire qu’il y a encore plein de choses à venir. Elle écrit sans arrêt et est prête à nous présenter plein de nouvelles chansons et de « collaborations amusantes » en 2023.   

« Je travaille sur un bouquet de chansons qui reflètent bien mon histoire et toutes les facettes de ce dont je suis capable en tant qu’artiste », conclut-elle.

 



À l’heure des bilans de fin d’année, Lionel Kizaba s’accordera une pause du temps des Fêtes avec le sentiment du devoir bien fait. « Cette année fut vraiment la meilleure de ma vie! », s’exclame-t-il, soulignant la trentaine de concerts qu’il a donnés, ici et ailleurs dans le monde, ces douze derniers mois, ainsi que la parution le 18 novembre dernier de Kizavibe, son nouvel album d’afropop électronique coécrit et coréalisé avec le complice Gone Deville. 

Pour l’auteur, compositeur, batteur et interprète originaire de la République démocratique du Congo (RDC), 2022 s’est terminée comme elle s’était (à peu près) commencée, soit par une invitation au festival Mundial Montréal/M pour Montréal. La ligne de départ de ce cycle créatif, explique-t-il : « Le concert à Mundial en 2021 dressait la table pour l’année à suivre, que j’ai terminée par un grand concert à la Société des arts technologiques [SAT] pour le lancement de l’album », en guise d’after-party de M pour Montréal. 

« Son directeur Sébastien Nasra avait vu mon concert à Mundial ; après, il m’avait dit : Mais je croyais que tu faisais de la musique africaine, alors que c’est de la pop ! », d’où l’invitation l’année suivante à l’affiche de M pour Montréal. L’observation du directeur illustre bien le chemin parcouru par les musiques pop du continent africain ces dernières années, plusieurs d’entre elles s’étant débarrassées de la clivante (et désormais désuète) étiquette de « musique du monde » pour enfin être reconnue pour ce qu’elle est : de la sacrée bonne pop, dansante et moderne, qui mérite de fouler le pied des plus grandes scènes du monde, comme l’a fait le Nigérian Burna Boy l’été dernier à Osheaga, ou comme le fera son confrère Wizkid le 18 mars 2023 au Centre Bell. 

Car c’est aussi le terrain de jeu musical de Kizaba, qui fusionne la pop, le rap et les musiques électroniques dansantes aux rythmes de son Congo natal, soukous et rumba en tête. « J’ai mis beaucoup d’efforts sur cet aspect, abonde Kizaba. Je voulais amener ailleurs le son congolais en faisant des mélanges avec d’autres styles musicaux. Je voulais arriver avec des influences musicales diversifiées, car je ne veux pas qu’il n’y ait que des Congolais d’origine à mes spectacles, je veux que tout le monde y assiste, tout le Québec, toute la planète. C’est l’univers entier que je propose. » 

Un univers qui débute à Montréal – littéralement, puisque c’est le titre de la douce chanson qui ouvre l’album Kizavibe, une lettre d’amour à sa ville, « à la vibe d’ici, aux artistes que j’ai rencontrés ici, comme frère Pierre Kwenders », Congolais de cœur lui aussi qu’on entend en duo sur la chanson Bella, ponctuée par une rythmique dancehall. « De toutes les villes que j’ai visitées, j’affirme que Montréal est la meilleure – la meilleure vibe, la musique qu’on y découvre, le vivre-ensemble, j’avais besoin de rendre hommage à tout ça ». 

Lionel Kizaba avait tout fait seul sur son premier album paru en 2017. « Pour ce nouveau, j’avais envie de pouvoir compter sur une autre paire d’oreilles ». Un ami l’a mis en contact avec le compositeur et DJ Gone Deville (Pierre Belliveau), qui cherchait un percussionniste pour l’accompagner lors d’un événement qu’il organisait. Ça a cliqué tout de suite : « Pierre m’a dit : Lionel, je ne te laisse plus, je te suis ! Il m’a fait entendre des beats sur lesquels il travaillait, je suis passé au travers de sa banque pour en choisir quelques-uns, ce fut la base de l’album », enregistré à Montréal et en partie en RDC. 

 Gone Deville tient aussi le rôle de directeur technique des concerts de Kizaba, qui a passé 2022 à jouer dans des fuseaux horaires différents : « Après mon concert à Mundial Montréal, j’ai été invité à jouer dans plein de gros concerts – aux États-Unis en première partie de Lionel Richie, en tournée en Louisiane, en Grande-Bretagne, en Italie, en Colombie-Britannique… » L’année qui se pointe le nez sera aussi riche en engagements, la tournée reprenant le 12 janvier 2023, avec notamment une présence au prestigieux festival WOMAD, qui se tient cette année en avril au Chili.