Dumas« Où sont passés mes idéaux ? On les a pris en otage. En oubliant mes idéaux, j’ai bâti ma propre cage », chante Dumas, exposant une réflexion sur sa vie actuelle, sa nostalgie bien vécue. Son album Nos idéaux s’insère dans son parcours au moment où il aperçoit la quarantaine qui arrive et choisit de jeter un œil en arrière pour comprendre la route qui a fait les vingt dernières années.

« J’étais vraiment dans un mood de textes, explique Steve Dumas. J’avais envie de raconter des choses vraiment personnelles, de faire des tounes axées sur le propos. » Auprès du romancier et parolier Jonathan Harnois, connu pour le magnifique Je voudrais me déposer la tête, il se lance d’abord dans un projet d’écriture voué à une tournée solo plus qu’à un album. « Je n’avais pas tourné tout seul depuis 2004 et j’avais ce désir-là de retourner sur la route pour me retrouver en tête à tête avec le public, rejoindre à nouveau les gens qui étaient là au début. »

Gus Van Go, producteur canadien vivant aujourd’hui à New York est entré en contact avec Dumas pour changer le cours des choses, lui proposant de venir passer quelques jours dans son studio. « Finalement, j’ai eu un problème de vol et je n’ai eu qu’une journée avec lui à Brooklyn et on fait la pièce Nos idéaux en un jour. Je trouvais ça fantastique de travailler avec des gens que je ne connaissais pas. » Gus, accompagné de Werner F n’avait qu’une idée en tête : mêler les ébauches fournies par Dumas aux instruments de ses boys Chris Soper et Jesse Singer. « Il vont sortir un album ensemble bientôt. Leur band s’appelle Megative. Moi j’avais entendu ce qu’ils faisaient par le biais d’un ami commun et ça a été un match parfait dès la première rencontre », se rappelle Dumas. Il est donc retourné à Brooklyn pour finir l’album.

Jouer dans le passé

Nos idéaux, c’est l’album du « retour à la chanson », celui qui vient cueillir les adeptes du Cours des jours, ceux qui fredonnait J’erre et se promenaient Au gré des saisons. « Je sais que je suis allé dans toutes les directions durant les dernières années, admet l’auteur-compositeur. Là, je veux parler aux gens de la même façon que je le faisais dans ma vingtaine, mais avec le regard d’aujourd’hui. »

Or, comme Gus Van Go n’avait rien entendu du matériel antérieur de Dumas, le produit revêt des habits neufs, un son plus éclaté, enrobant des nostalgies connues, des terrains habités par Dumas et ses fans depuis deux décennies. « J’errais, j’errais en solitaire », chante notamment Dumas sur Bleu Clair, faisant un clin d’œil bien visible au passé tout en ancrant ses sujets dans le présent. « J’ai l’impression de faire quelque chose d’actuel. J’ai eu l’occasion d’avoir de nouvelles oreilles à ma disposition. C’est le rêve de tous les auteurs-compositeurs. Mon ADN est ressorti de façon naturelle et je n’ai pas fait obstruction à ça. »

« Je me suis mis en danger. Les gens avec qui j’ai travaillé m’ont redonné confiance. Je me suis donné all in et j’ai enlevé tous les filets. »

Dumas se rappelle son arrivée dans le milieu « à la fin d’une époque », au moment où, sans contrat de disque, il était impossible de faire quoi que ce soit. « Je pense que le paysage a beaucoup changé par rapport à l’indépendance de production. Ça rend ça intéressant pour la diversité. La scène québécoise contient beaucoup plus de sous-genres. Je peux compter sur les doigts d’une main les choses qui me touchaient en musique en tant qu’ado au Québec. L’offre est tellement plus large aujourd’hui. »

Le premier album de Dumas est sorti il y a 17 ans et la carrière de l’artiste s’étoffe encore. « Ça fait exactement vingt ans que je suis inscrit à la SOCAN ! », s’exclame Dumas, réalisant du même coup l’ampleur des choses. « Tu me dis le mot « carrière » et ça me fait peur, mais je suis content des choix que j’ai faits. Je trouve ça intéressant de faire partie de ceux qui n’ont pas fait tant de grands shows de variétés, mais qui sont encore présents. Ça montre aux plus jeunes qu’il y a plusieurs chemins pour faire ce qu’on fait. »

La pop a aussi beaucoup changé en vingt ans, mais on associe souvent le style à une démarche simpliste, sans envergure ou même quétaine. C’est pourtant une musique que porte Dumas avec brio depuis ses débuts. « J’ai un grand plaisir à faire ça. Il faut juste pas trop l’appuyer et les gens doivent sentir la vérité. Les Beatles, c’est de la pop, mais quand tu l’écoutes, tu sens toujours le John en arrière. C’est ça la recette. »

Vingt ans encore ?

« On se demande souvent si on va faire un autre disque », dit Dumas. Avec la métamorphose des formats de consommation de la musique, il est normal de se questionner sur l’avenir de l’objet. Nos idéaux est un album imprévu qui arrive au bon moment. « Je me suis mis en danger. Les gens avec qui j’ai travaillé m’ont redonné confiance. Je me suis donné all in et j’ai enlevé tous les filets. J’avais fait ça pour Le cours des jours. Je m’étais dit que je le ferais à mon goût comme si y’en n’avait pas d’autre après. »

C’est la route qui appellera désormais Dumas pour les prochains mois. « J’ai poussé loin dans la réflexion de ce que tu peux faire en solo sur la scène. Avec l’aspect « dj » qui est là aujourd’hui, tu peux tout faire. Mes idéaux, ça sera en solo ! »