Gérante et conjointe de Lary Kidd, programmatrice du Ausgang Plaza, organisatrice d’événements et fondatrice avec son homme de la marque de vêtements Officiel en 2016 – Loud étant son plus illustre mannequin avec ses feuilles de laurier bien griffées arborant les mots Montreal Made Me, – Dana Lluis incarne toute la fraîcheur dont l’industrie a besoin.

Dana LluisNée dans le quartier Rosemont près des shops Angus, elle a étudié au Collège Ahuntsic en cinéma. Après avoir fait les belles nuits de Montréal alors qu’elle est gérante du bar Salon Officiel, aujourd’hui fermé, Lluis a mis à profit cette expérience dans sa vie professionnelle actuelle, trépidante au possible et jamais routinière.

« Je suis insomniaque de nature et je dors un maximum de trois heures par nuit », avoue-t-elle, une condition métabolique qui lui sied parfaitement avec un agenda aussi diversifié que chargé, « ça me permet de rentabiliser le temps sur différents projets ».

La marque de vêtements Officiel fait des envieux : « nous avons acheté un lot de vestes discontinuées datant des années 90, c’est comme ça que ça a démarré. C’est l’effet de rareté ! Deux fois par an, on vend du Officiel dans nos pop-ups (boutiques éphémères) à Montréal et une fois l’an à Paris. Et l’on vend maintenant en ligne ».

La fonceuse de 34 ans, moitié catalane, moitié mexicaine, à n’en point douter, fait preuve d’une grande polyvalence.

Ausgang Plaza

Ausgang Plaza, la salle pluridisciplinaire de 4,500 pieds carrés, comprend quinze petits studios aménagés au sous-sol de l’édifice de la rue St-Hubert et accueille plus de 150 événements par an, estime Lluis.

« Nos soirées sont très diversifiées, on peut louer la salle pour des fêtes privées, des événements, des spectacles de tous genres musicaux, plusieurs DJ’s de renom dont Kaytranada ont joué au Ausgang », nous confirme la férue de sono mondiale, de hip-hop, d’indé et de house qui est en poste depuis six ans.

Lary Kidd y a réalisé deux EP’s (mini album) dont le magnifique Le poids des livres en 2021. Un album complet est dans les plans pour une sortie en 2024. « Durant la pandémie, puisqu’ il n’y avait pas de spectacles, nous en avons profité pour améliorer tout l’équipement technique ».

Le Ausgang Plaza possède une autre corde à son arc : l’organisation d’une vitrine de beatmakers qui exultent en pleines Francos sur l’esplanade de la Place des Arts, à Montréal. « On est très ancré là-dedans, entre autres avec l’événement mensuel Loop Sessions au Ausgang. À partir d’un même échantillon, un DJ l’adapte à sa propre sauce et peut faire jouer son remix en soirée devant les autres co-participants à l’événement. »

Développer, réseauter, conquérir

Déployer ses antennes dans des marchés hors Québec fait irrémédiablement partie du travail de gérance d’artiste dans notre écosystème musical actuel. L’occasion de tisser son réseau avec les diffuseurs et tourneurs européens par exemple.

Avec la chanteuse pop-électro-r&b Gab Godon alias Laroie (édité chez Arts & Crafts, distribué par Awal aux UK) qui a participé à un camp de création Kenekt Studio (SOCAN) en 2022, elle s’envolera bientôt vers Londres, avant de tracer vers l’Écosse et la France pour quelques showcases avec l’espoir de lancer sa carrière en Europe.

Dana Lluis« Je mesure davantage l’ampleur du défi entre travailler avec un artiste signé avec un label (Lary Kidd est chez Coyote Records) et une artiste indépendante sous tous les aspects ; malgré qu’elle bénéficie de certaines subventions, Laroie doit forcément autofinancer ses dépenses en production et en promotion ».

Dans un autre contexte, les délégations québécoises qui se rendent au Printemps de Bourges et qui profitent de la vitrine Spécimens canadiens ou à Paris pour le MaMa et son volet Ma Cabane à Paname sont autant de vitrines musicales qui servent Lluis et les musiciens québécois d’ici, tous genres confondus.

Dana Lluis, on doit lui reconnaître bon goût et talent. Difficile de faire sa marque en tant que femme ? Si certains regardaient le rap d’un œil apeuré, Lluis ne s’en formalise pas trop. « J’avais une certaine appréhension au début vis-à-vis de l’univers masculin du hip-hop et du rap. Des gérantes, il n’y en a pas beaucoup. On te prend au sérieux lorsque tu fais tes preuves, le fait que j’ai plus d’expérience aujourd’hui et plus confiance en moi me permet dans une situation donnée d’être en désaccord et de le dire sans crainte ».

Observe-t-elle une disparité entre les salaires hommes-femmes ? « Je connais les salaires dans le milieu et je peux te confirmer qu’il y a disparité. Il y a une prise de conscience parce qu’une équité s’impose. En revanche, il y a de plus en plus de femmes dans l’industrie ! », se réjouit-elle.

Le printemps de 2023 sera fertile, comme toujours, pour Dana Lluis. Avec tous les chapeaux qu’elle porte, on pourrait lui affubler le sobriquet de couteau suisse de l’industrie. Ce que j’aime le plus dans mon travail, c’est la concrétisation d’un projet fait en équipe. »