Laurence Lebel est en train d’éclore dans le printemps musical avec la rapidité d’un cerisier. « On m’a donné les clefs d’un label et du volet management et je chapeaute les deux départements ».

Laurence Lebel, ArtificeArtifice, la boîte de Québec spécialisée en promo radio (notamment des Louis-Jean Cormier, Les Louanges, tous les artistes signés chez Bravo Musique) n’a pour l’instant qu’une adresse postale à Montréal, donc pas de locaux. Elle possède aussi treize artistes en gérance, seize pour lesquels elle fait les relations de presse et neuf sous la bannière Disques Artifice. En plus d’œuvrer dans l’édition et la distribution numérique. L’enthousiasme de la jeune femme de 33 ans est évident. « Je ne pouvais pas rêver mieux comme environnement de travail ».

Même si elle est novice dans le domaine de la gérance, elle fonde ses ententes sur le contact humain en premier lieu. « Il y a tout en plan personnel à gérer au-delà des stratégies numériques, 95% de mes décisions personnelles et professionnelles sont basées sur l’instinct, la petite voix intérieure qui me parle ».

Ceux qui la connaissent ont tous été foudroyés plus d’une fois par son sourire radieux, ses ricanements communicatifs, sa bonne humeur proverbiale. Arrivée de Sherbrooke en 2010, Lebel a mis son nez dans plusieurs rouages de l’industrie de la musique au Québec.

« Pas facile de trouver un job en musique, tout le monde veut faire ça ! C’est insécurisant quand t’as pas trouvé ta place, j’ai été angoissée, j’ai même songé à tout laisser et faire un bac en ressources humaines. Ma plus grande qualité ? Je suis très résiliente. Plus grand défaut ? Le lâcher-prise ».

À 33 ans, dans son écosystème musical montréalais, ami.es journalistes, baladodiffuseurs, employés de l’ombre, diffuseurs, attachés de presse, sa gang comme elle dit, Lebel est l’un des visages de cette génération pour qui la promotion de la musique émergente francophone est une passion.

« Je suis toujours aux lancements de disques, comme tout le monde, j’essaie de voir les partenariats possibles avec mes projets », d’expliquer la mélomane. Et comment on recrute les prospects ? Une question de flair, bien sûr, mais encore ?

« Super Plage qu’on a signé l’été dernier, on a pris trois mois à se connaître, à se fréquenter dans des parcs, prendre des bières, à suivre l’évolution de son projet musical. Pour la stratégie de mise en marché de l’album Super Plage 2, on voulait absolument opter pour YouTube sur les dix jours précédant la sortie de l’album, une nouvelle chanson étant dévoilée chaque jour (ce qui augmente l’affluence sur la plate-forme). C’est toujours une question de ton sans dénaturer le projet. Il y a des artistes qui ont beaucoup de difficultés avec les réseaux sociaux et d’autres qui embrassent la méthode. Je dis toujours aux musiciens de ne pas se forcer si le geste ne vient pas naturellement ».

Son premier boulot en musique, elle l’obtient chez HMV en tant que disquaire section punk ! La mère de Laurence, l’illustre chanteuse country Renée Martel, fille du légendaire Marcel Martel a eu ce conseil pour sa propre fille : « elle ne voulait pas nous inclure dans son monde (le showbizz) à moins que mon frère et moi on ne le demande ».

À Montréal, elle obtient un poste à la radio étudiante CISM pour gérer les bénévoles et les émissions. Un an plus tard, elle s’engage pour quatre ans à la SOPROQ, société de gestion collective des droits des producteurs d’enregistrements sonores et de vidéoclips. « C’est là que j’ai fait mes classes, appris sur les métadonnées, tout le background d’une chanson ».

Elle passe ensuite chez Believe Digital et Dep où elle s’occupe de distribution, une aventure qui durera quatre ans, jusqu’à la faillite de ce dernier. Trois semaines plus tard, elle passe chez Audiogram pour occuper un poste en marketing numérique. « Ma première expérience en label. Au départ je ne voulais pas travailler pour une seule marque et ne m’identifier qu’à ses artistes, sauf Audiogram. Avec mon père, j’ai beaucoup écouté les musiques de Lhasa, Pierre Lapointe ou Daniel Bélanger, ils ont bercé mon enfance, c’était comme retourner dans ma famille ».

L’aventure a duré un peu moins de deux ans. « Je n’ai pas de bac en communication ou de formation en web, j’apprends sur le tas. Je butinais de job en job parce que je deviens rapidement bored si je ne suis pas stimulée par la nouveauté et que je ne peux prendre en main des projets. Plus j’avançais, plus je voulais faire de la gérance. À la fin, je sentais que j’avais fait le tour de la gestion des réseaux sociaux ».

Catherine Simard, qui venait de fonder La Maison Fauve l’a prise sous sa gouverne pour l’aider au marketing et à la coordination de gérance avec Eli Rose. Huit mois plus tard, remplie de certitudes sur son futur en gérance, Lebel quitte avec la ferme intention de partir sa propre boîte pour travailler ses propres projets.

Finalement, fin mars 2020, en pleine pandémie, Laurence est officiellement engagée par Alex Pouliot, président d’Artifice.

Qu’est-ce que son illustre mère pense du chemin professionnel parcouru par sa fille ? « Quand j’ai commencé à travailler dans l’industrie, j’entendais souvent : oh! t’es  la fille de Renée! Aujourd’hui, c’est: oh ! Vous êtes la mère de Laurence !  (Rires).
Ça la fait bien rigoler parce qu’elle croise dans des émissions de télé des musiciens qui me connaissent, ou des journalistes, des recherchistes. Elle a une très grande fierté de mon parcours, sans que j’ai eu à jouer la carte de ‘la fille de’ ».