Renée Martel

« C’est un titre d’album qui est approprié, autant dans ma carrière que dans ma vie, confie l’artiste. Quelque chose qui finit et quelque chose qui commence. J’ai l’impression d’avoir fait tellement de choses en plus de 65 ans de carrière, mais je me sens comme si j’avais encore autant de choses à faire aujourd’hui. »

Didier Barbelivien et Paul Daraîche ont posé leur talent sur cet album qui se place à un carrefour précis sur la ligne du temps de Renée Martel qui a tant d’histoires à dire encore malgré tout ce qui la précède. Les collaborations sont multiples et la jeune Sonia Cordeau signe même le dernier texte du livret, Plus jamais mais toujours. « Sur ce nouvel album, il y a des chansons qui ont été suggérées par mon directeur artistique, Lionel Lavault, explique Renée Martel. Des auteurs que je n’ai jamais chantés, mais dont j’adorais les chansons. Il y a aussi des auteurs que j’aime beaucoup chanter et que je chante toujours, comme Nelson Minville, mon auteur fétiche. (NDLR voir encadré) »

Toutes les collaborations nécessitent des ajustements, car on ne peut interpréter ce qui ne nous colle pas parfaitement à la peau. « Martine Pratte m’a fait une chanson en dehors de mon confort (Où le vent soufflera). Quelque chose qu’on ne me verrait pas chanter, admet-elle, mais je le fais quand même parce que c’est comme un défi à relever. La beauté de mon métier, c’est vraiment de prendre ce que l’on m’offre et de m’approprier tout ça.

Nelson Minville : Écrire dans la complicité
Pour chacun des interprètes pour qui il écrit, Nelson Minville fait du « sur mesure ». « Des fois, ça tient au hasard et à la connaissance de la personne », explique-t-il en assurant qu’il lui arrive fréquemment de se sentir complètement immergé dans l’univers de celui ou celle pour qui il écrit. « Quand j’écris pour quelqu’un, j’écris pour cette personne et jamais pour moi. Ce n’est pas une recette dans laquelle j’écris une toune et que j’essaie de la passer à un artiste ensuite. Je la Google souvent, Renée Martel, dit-il en riant. Elle fait beaucoup d’entrevues. Que ce soit dans Le Devoir ou dans le 7 Jours, je cherche partout pour trouver un point dans sa vie, son vécu. Elle a un bassin d’aventures belles et moins belles. Je vais dans tout ce que je pense qu’elle voudra raconter. » Une relation honnête et intime s’est tissée entre les deux artistes donc Nelson peut écrire huit chansons qui ne fonctionneront pas avant d’arriver à celle que Renée choisira. « Ça m’est déjà arrivé, par exemple de faire référence à la chanson Liverpool dans une chanson plus récente. Elle m’a dit que c’était une chanson dont elle ne voulait pas se rappeler, elle ne voulait pas aller là. » Sur l’album La fille de son père (2014), Minville a composé la chanson titre et c’est ce qui solidifie tant sa relation avec l’interprète. « C’est ce que j’ai réussi de mieux, dit-il. Le titre est un flash que j’ai eu en jardinant. La chanson s’est écrite toute seule après. »

Tu ne fais pas dire n’importe quoi à n’importe qui ! »

Le disque paru le 2 novembre se dessine sur son parcours comme un bilan, un instant pour tout englober, se rappeler et commémorer. « Je trouve que l’album récapitule bien ma vie au complet et ce sont toutes des chansons que je n’aurais jamais pu chanter il y a 25 ans. On y entend mon vécu. » Durant le processus de création, elle a écouté de nombreuses mélodies et lu de nombreux textes. Elle voulait être certaine que chaque collaborateur trouvait les bons mots au bon moment. « Je ne veux pas que, quand je chante, les gens se disent, « elle chante tel auteur », je veux qu’ils se disent que c’est moi qui leur raconte quelque chose. C’est moi qui dis les choses. »

Choisir des chansons écrites par d’autres n’est jamais un chemin sans failles et sans détour. Il peut arriver de commettre des erreurs. « Il y a un album que j’ai fait, Réflexions (1974), beaucoup trop tôt dans ma vie. Il était extraordinaire, mais j’y ai chanté la peine d’amour de Marcel Lefebvre, se souvient-elle en riant. Il vivait une rupture assez difficile. J’ai chanté certains textes que j’ai jamais vécus. Avec le recul, aujourd’hui, j’en profiterais pour chanter mes peines d’amour à moi ! », ajoute-t-elle, amusée.

Lors du dernier Gala de la SOCAN, Renée Martel a reçu des mains de sa fille Laurence le prix d’Excellence pour l’ensemble de sa carrière. « C’est tellement un moment qui m’a touchée, dit Renée Martel avec émotion. J’ai jamais été nommée interprète féminine de l’année à l’ADISQ et j’en n’ai jamais fait de cas, j’ai pas eu ce Félix-là, mais j’ai eu tellement d’autres choses au cours des années. Je vois cet hommage de la SOCAN comme une de ces reconnaissances qui font du bien et qui confirment des affaires. »

En mars, Renée Martel débute une tournée qui se veut un récit historique dont elle est la seule héroïne. « C’est moi du début à la fin. De mon adolescence à aujourd’hui, ce qui m’a marqué », précise la grande dame du country.

« Tellement de choses », dit Renée lorsqu’on lui demande ce qu’il lui reste à faire. « J’ai donc ben pas fini, ajoute-t-elle. J’ai tellement de projets. J’ai jamais vraiment chanté dans le Canada anglais, je sais qu’à Calgary, je suis connue ; j’ai déjà animé une émission à Calgary pour Radio-Canada et c’était la folie furieuse.

Renée MartelLe Canada francophone me connaît et  j’aimerais beaucoup aller toucher à ça. »

Plus de 70 ans de vie teintent sa musique et Renée Martel y voit une énorme richesse. « Je reviens de loin. C’est quelque chose qu’on peut dire à mon âge. Avec tout ce qui m’est arrivé dans la vie, j’espère continuer à parler aux gens. J’ai été leur fille, leur blonde, leur bru. Y’en a qui m’aurait voulu comme femme. Aujourd’hui je suis leur grand-mère et c’est parfait comme ça. »

 



Avec ses récits touchants et hyper réalistes, Matiu creuse son propre sillon de chanson engagée, loin des grandes théories politiques et proche de ce qui habite les gens de sa communauté de Maliotenam.

« Ce qui m’intéresse, c’est le côté humain des personnes. Je constate ce qui se passe autour de moi et je raconte mon petit point de vue, de la manière la plus humble et sincère possible », explique l’artiste innu de 32 ans, qui chante en français, anglais et dans sa langue maternelle sur son premier album Petikat (« lentement » en innu).

Avec sa plume brute et décomplexée, Matthew Vachon est d’un naturel désarmant, en entrevue comme en musique. Rampe de lancement de Petikat, Jean-Guy témoigne de son talent de parolier, de son aisance à raconter son quotidien. Clin d’œil à un cousin aux prises avec des problèmes de consommation (mais qui s’en est sorti depuis), la chanson reflète le dilemme qui habite bien des gens de sa communauté, une réserve de 1300 habitants située à une quinzaine de kilomètres de Sept-Îles.

« C’est de choisir entre rester dans la réserve ou aller voir du pays. Ici, on est confinés dans un rayon de 2 km2, on voit pas grand-chose… Et souvent, les gens sont même pas conscients de leur potentiel. Tout ce qu’ils voient, c’est la job en menuiserie, dans les mines ou au Wal-Mart. Il pourrait y avoir un jeune qui tripe sur les jeux vidéo, mais pour lui, ça va rester juste un jeu vidéo. On lui a jamais dit que ça pourrait être lui, le concepteur du jeu ! »

En quelque sorte, Jean-Guy est également une discussion que Matiu a eue avec lui-même. Captivé par la musique depuis qu’il s’est acheté une guitare au début de la vingtaine, il a mis du temps avant de croire en ses capacités. « Je savais pas où aller, à quelles portes aller cogner… J’étais pas mal déconnecté. »

Soutenu par des amis, qui l’ont constamment félicité et encouragé, l’auteur-compositeur-interprète a participé à la deuxième saison de l’émission Le Rythme, « un genre de Star Académie pour les Autochtones » diffusée sur le canal APTN en 2016. L’un des trois juges lors de cette compétition était Steve Jolin, fondateur et directeur des étiquettes 7ième Ciel et 117 Records. « Il a vraiment accroché à ce que je faisais. Il m’a rien fait signer sur le coup, mais il a continué de me suivre », se souvient celui qui, dans les mois suivants, s’est illustré au Festival international de la chanson de Granby et au volet Chansons rassembleuses de Petite-Vallée. « Il a vu que la musique me tentait, que mon intérêt était vraiment fort, donc j’ai signé avec 117, et on a eu notre subvention… À partir de là, on n’avait pus le choix de faire un album ! »

« J’appelle ça du folk bipolaire. »

Révélé par son premier EP homonyme en août 2017, Matiu a passé les derniers mois à plancher sur la création de Petikat. Pour un menuisier de métier, père d’une petite fille de cinq ans de surcroît, les défis ont été nombreux. « Dans la vie, mon métier, c’est de faire des rénos avec mon sac à clous pis mes caps d’acier. Disons que je suis pas habitué à m’ouvrir le cœur de même ! Là, je devais écrire des textes et je savais même pas s’ils étaient bons ou, même, pertinents… En plus, je voulais pas froisser personne de ma communauté ou, même, tomber dans la grosse revendication. Oui, y’a un engagement dans mes chansons, mais y’a pas d’extrémisme ni de hargne. »

Réalisé en collaboration avec Luc Charest, un membre de la défunte formation Kalembourg qu’il avait rencontré « dans une autre vie » (lorsqu’il travaillait comme technicien de scène à Sept-Îles il y a plus d’une décennie), ce premier opus a une couleur folk rock nord-américaine bien assumée. « J’appelle ça du folk bipolaire », résume-t-il. « À la base, je suis un gars très ‘’guit-voix’’, car j’ai été élevé avec du Cat Stevens et du Neil Young. Mais quand est arrivé le moment de me trouver un style pour l’album, j’ai pas voulu cacher mes autres influences. Ça passe de ZZ Top sur Nuitsheuakan à Red Hot Chili Peppers sur Far Away. »

Et jusqu’à maintenant, le folk bipolaire de Matiu a surtout des échos chez les jeunes dans son village. Autrement, sa proposition ne résonne pas encore avec une forte intensité dans les communautés avoisinantes – du moins pas autant que l’a fait, il y a maintenant 30 ans, une autre formation originaire de Maliotenam, Kashtin. « Dans mon coin, les gens qui vont voir des spectacles au centre communautaire, c’est pour danser. Je vois rarement des shows avec des chaises ou des contextes qui se prêtent à mon genre de musique. En fait, c’est comme si j’arrivais avec un nouveau style. On me dit souvent que ce que je fais est ‘’rafraîchissant’’. »

Tout juste de retour d’une tournée de quatre dates en quatre jours, comprenant un spectacle de lancement à Montréal dans le cadre de Coup de cœur francophone, Matiu reste terre-à-terre quant à ses ambitions. « Pour vrai, j’ai pas vraiment d’attentes et, de toute façon, j’ai pas beaucoup de temps libres pour partir dans une longue tournée. Le plus important pour moi, c’est de rester proche des miens et des paysages qui m’inspirent. »



Bâtir une maison d’édition à partir de zéro n’est pas une mince tâche, surtout si on ne dispose pas de financement illimité. Cela n’a toutefois pas empêché Jodie Ferneyhough d’aller de l’avant avec son projet CCS Rights Management, une entreprise qui vise au-delà de l’édition et inclut la collecte et la répartition des droits voisins pour son écurie d’artistes et de créateurs. Elle se spécialise également dans la gestion de succession.

Ferneyhough bâtit son entreprise depuis sept ans déjà, après avoir quitté Universal Music Publishing Canada où il était directeur général. Lentement mais sûrement, l’entreprise a grossi ses rangs avec auteurs-compositeurs/artistes et employés.

On a les droits : des nouveaux contrats pour CCS
Récemment, CCS a conclut des ententes avec le héros du blues rock Colin James, l’ex Great Big Sea Sean McCann ainsi que le réalisateur et auteur-compositeur Gavin Brown. Dans l’ouest du pays, ses clients sont notamment League of Wolves de Saskatoon et Yukon Blonde de Vancouver.

« Chez CCS, nous ne pensons pas uniquement à l’auteur-compositeur, mais aussi à l’interprète », explique Ferneyhough, « je suis un éditeur de musique, c’est ce que je fais. Mais l’entreprise s’occupe de collecte, d’administration et de répartition des revenus dus à nos artistes et à nos créateurs. L’objectif premier de l’entreprise est d’être un solide gestionnaire de droits. »

« Les droits voisins, en général, sont généralement perçus par les gérants ou les artistes eux-mêmes », poursuit-il, « mais souvent, ils tombent dans les craques du plancher. J’ai connu bon nombre d’artistes qui disent s’occuper de leurs droits, mais je ne sais pas comment ils y arrivent, car c’est ce que je fais à plein temps, et c’est un véritable casse-tête ! Il y a plein de choses qu’il faut savoir, parce qu’il y a tellement de variables et de changements d’un territoire à l’autre. Mon travail, c’est de protéger vos actifs afin que vous puissiez vous concentrer sur la création et la performance. »

Mais alors, comment une petite boîte comme CCS parvient-elle à concurrencer avec des géants de l’industrie comme Universal ou d’imposants concurrents indépendants comme peermusic, où Ferneyhough a également déjà travaillé ?

« C’est dur », avoue-t-il. « C’est vraiment, vraiment dur. Il y a une entreprise en ce moment dont tout le monde semble croire qu’elle est magique et tous veulent signer une entente avec cette entreprise magique, et c’est incroyablement frustrant pour moi. »

« Une des raisons pour lesquelles les artistes et les créateurs signent avec nous est que nous ne sommes pas monolithiques et nous ne faisons pas de promesses que nous ne pouvons pas tenir. “On prend les artistes par la main, on s’assoit régulièrement avec eux afin de déterminer ce dont ils ont besoin et quels sont leurs objectifs.” Nous les aidons à atteindre leurs objectifs en leur présentant des joueurs de l’industrie qui peuvent les aider à passer à un niveau supérieur. »

« On prend les artistes par la main, on s’assoit régulièrement avec eux afin de déterminer ce dont ils ont besoin et quels sont leurs objectifs. »

CCS a également conclu des ententes avec des clients importants du domaine de la télévision comme Spin Master Ltd., producteurs d’immenses succès comme PAW Patrol, Little Charmers, Tenkai Knights et Hatchimals. Afin d’aider l’entreprise à croître dans ce domaine, la plus récente addition à son équipe est Sarah Keith, directrice des synchronisations.

Ferneyhough voyage sans arrêt afin d’élargir son réseau de sous-éditeurs internationaux, notamment au Royaume-Uni, dans le Benelux, au Chili, au Brésil, en Italie, en Espagne et en Grèce. Le président de CCS siège également aux conseils de l’Association canadienne des éditeurs de musique (CMPA) et de l’International Confederation of Music Publishers (ICMP).

« Nous sommes tissés serré », explique Ferneyhough au sujet de ses pairs éditeurs. « Nous sommes des concurrents commerciaux et nous cachons notre jeu, mais nous sommes conviviaux. J’ai besoin de leurs créateurs et ils ont besoin des miens pour des collaborations créatives, etc. ».

« Pour nous, aller de l’avant signifie de continuer à faire ce que nous faisons en prenant le plus grand soin de nos créateurs et de nos artistes », explique Ferneyhough. « Nous sommes à la recherche d’artistes établis à la recherche de nouvelles opportunités parce qu’ils ne sont pas satisfaits là où ils sont présentement. Nous sommes confortables depuis cinq ou six ans et maintenant nous sommes prêts à progresser, à signer de nouveaux artistes et à prendre de l’expansion. »

« Chaque droit d’auteur est important pour nous, et nous voulons faire grandir l’entreprise en ajoutant de nouveaux droits et de nouveaux artistes. »