« Je suis quelqu’un qui sait où il s’en va, je ne suis pas trop du genre à hésiter quand j’ai un plan et je ne me remets pas en question mille fois. Mais je prends le temps de bien analyser une situation, je ne prends jamais de décisions sur un coup de tête. J’ai confiance en mes capacités, à mon équipe ».

Catherine Simard, enceinte jusqu’au cou, par une chaude journée de juillet, nous reçoit sur sa terrasse pour se prêter au jeu de l’entrevue en position légèrement inclinée les mains sur le ventre, posture de circonstance introspective pour faire le point sur la fulgurante année qui vient de passer à La Maison Fauve, son agence, sa ‘’Petite Entreprise’’ comme le chante Alain Bashung dans le film du même nom.

« Mon souhait c’est qu’on ne grossisse pas, confie-t-elle. Le plan de match c’était d’avoir six employés max et de prendre peu de projets, mais de les achever de A à Z. On a deux ‘’motion designers’’, animateurs 3D et conception qui réalisent aussi du contenu vidéo pour Star Académie, -on sous-traite, ça nous diversifie encore plus-qui font aussi partie de l’équipe (surtout pour le projet de réalité virtuelle Astéria)».

Catherine Simard, Patrice Michaud

Avec Patrice Michaud

La Maison Fauve. Spectacle, gérance et maison de disque, à l’image de plusieurs entreprises dans le milieu de la musique. On diversifie ses compétences en assurant l’une ou l’autre de ces composantes. Avec des artistes aussi différents que Michel Rivard, Eli Rose, Vincent Vallières, Dominique Fils-Aimé, Philippe Brach, Patrice Michaud, et la petite nouvelle Ariane Roy, choisie Révélation Radio-Canada cette année et parmi les membres SOCAN à surveiller en 2021.

« Les artistes qui se remettent souvent en question aiment savoir qu’on avance avec un plan. On avait un an et demi d’existence quand la pandémie est arrivée. On a été chanceux parce que plusieurs artistes étaient en création donc on n’a pas trop subi les annulations et les reports de spectacles. Au moins, nous avons eu des revenus de gérance. Les revenus de streaming ont aussi été au rendez-vous, ceci dit, étant une petite entreprise, on a pu couper dans nos frais d’opération mais en ne touchant pas aux salaires des employés, c’était primordial pour moi de conserver mon équipe. Et en plus, Patrice Michaud s’est retrouvé à l’animation de Star Académie, la diversification nous a aidés ».

Avant de fonder La Maison Fauve, Catherine Simard était directrice générale de Spectra Musique, l’une des ramifications de l’Équipe Spectra, fondée par Alain Simard, père du Festival international de jazz de Montréal et des Francos de Montréal pour ne nommer que ces deux institutions culturelles. Mais pourquoi diable une Simard délaisse Spectra, la compagnie à succès fondée par son père ?

« Un ensemble de facteurs, répond-elle, la maternité a beaucoup joué, je voulais avoir moins de pression, moins de travail, ne pas avoir à me déplacer au centre-ville, au Centre Bell où Spectra a déménagé. Et finalement, je travaille autant ici. Mais au moins c’est à mon rythme. Nos bureaux sont à dix minutes à pied de chez nous, la garderie est à deux coins de rue, la conciliation travail-famille idéale. Je peux être davantage présente sans être obligée d’aller voir des spectacles trois soirs par semaine. Chez Spectra Musique je m’occupais de 20 artistes, c’était demandant, constate-t-elle en riant. Je n’ai plus à convaincre du monde autour d’une table avec mes idées, si j’ai de mauvais chiffres c’est mon problème. Je vis bien avec ça ».

« Sincèrement, quand mon père a vendu à evenko, il croyait que j’allais m’épanouir à la tête de Spectra Musique. J’aurais eu un potentiel de croissance plus grand au sein de cette entreprise, mais je n’ai pas cette ambition-là d’avoir vingt-cinq employés et de gérer des millions. Avec la pandémie, j’ai vu tous les avantages d’avoir ma propre entreprise, de pouvoir prendre MES décisions et d’avoir cette flexibilité ».

Catherine Simard, Vincent Vallières

Avec Vincent Vallières

Plusieurs artistes en fin de contrat chez Spectra Musique ont suivi Catherine dans sa nouvelle aventure. Brigitte Matte (Anacrouse), directrice du volet spectacle de Spectra à l’époque était déjà l’agente de Michel Rivard, tâche qu’elle partage en cogérance avec Simard. « La gérance, c’est l’aspect le plus prenant de tout. Michel est mieux servi en tous cas ! ». Mes quatre boys (Michel, Patrice, Philippe et Vincent) m’ont suivi à La Maison Fauve, mais pour moi c’était primordial de faire une place aux femmes ».

Sur la courte liste du prix Polaris, la chanteuse de jazz Dominique Fils-Aimé confirme les attentes et ses spectacles se vendent tout seuls: «on a une grosse tournée de planifiée pour elle en Europe, nous informe Simard, fière de ses partenaires tourneurs outremers. Dominique avait déjà une maison de disques et un gérant, pour moi c’est une artiste tellement exceptionnelle. C’est énormément de travail pour développer à l’international, trouver les agents, établir les partenariats étrangers, mais sans s’occuper de la vente de disques et sa distribution ».

Eli Rose a été sacrée Révélation de l’année au Gala de l’Adisq l’an passé et Ariane Roy a certes toutes les antennes dans sa pop-franco pour donner raison à Simard. « Développer un artiste, si t’as pas un bon gérant, c’est comme travailler dans le vide ».

Qu’est-ce qui manque à l’industrie de la musique au Québec ? « Deux choses, dit-elle. Meilleur partage des revenus du streaming avec un projet de loi fédéral et meilleure visibilité pour la nouveauté francophone sur lesdites plates-formes. Faut que tu veuilles la trouver, déplore Simard. Aussi, il faut que la musique parvienne mieux aux oreilles des jeunes générations. Pour moi, le renouvellement du public est un enjeu prioritaire ».

Comment Catherine Simard entrevoit les prochains mois, mis à part donner la vie ? « Il y aura forcément trop d’offres pour la demande. Et ça risque d’augmenter puisqu’il n’y avait pas de spectacles pendant plus d’un an, plusieurs artistes en ont profité pour écrire et composer. Il y a plusieurs disques qui vont sortir en même temps à cause de ça et les tournées vont se bousculer… La prochaine année ne sera pas facile ».