L’Edmontonois Darryl Hurs est sans doute le meilleur ami des musiciens indépendants.

Fondateur du Indie Week — le festival rock torontois qui est passé de 40 groupes présentés dans six salles à 240 groupes provenant de 20 pays présentés dans 25 salles — l’homme de 49 ans pourrait mériter ce titre uniquement grâce à cet événement qui en est à sa 17e édition.

Toutefois, en février 2019, Hurs en a rajouté une couche en devenant le représentant canadien de CD Baby, un site web de vente au détail qui est aujourd’hui devenu le plus important distributeur en ligne de musique indépendante au monde.

On imagine très bien à quel point ce double rôle oblige Hurs à se déplacer et à cumuler d’innombrables points Air Miles. « Je suis toujours sur la route quand je travaille », donnant à titre d’exemple l’édition 2019 du Halifax Pop Explosion où il s’est rendu afin de trouver de nouveaux talents pour la Indie Week et en tant qu’ambassadeur pour CD Baby.

Diplômé du programme général en musique du Grant MacEwan College, Hurs a œuvré dans plusieurs secteurs de l’industrie de la musique : guitariste dans un « cover band » de l’Alberta, responsable des consignations indie pour HMV — d’abord à Edmonton et ensuite à Toronto —, neuf années comme pigiste pour le promoteur de spectacles Live Nation où il s’occupait de marketing et de « relookage graphique ». Et durant la même période, il a participé à la création du VIP Nation Membership Club et il s’occupait de « booking » de quelques clubs.

 “L’objectif d’Indie Week et de donner une plateforme aux artistes émergents.”

Indie Week, qui a été un tremplin important pour des groupes aujourd’hui populaires comme Walk Off the Earth et Sumo Cyco, a vu le jour lorsqu’il était responsable du « booking » pour un club qui n’existe plus aujourd’hui, The B Side. Il a réalisé que de nombreux groupes avaient non seulement besoin d’une poussée, mais aussi de conseils pour faire progresser leur carrière. « L’objectif d’Indie Week et de donner une plateforme aux artistes émergents », dit-il.

Toutefois, leur donner une vitrine dans le cadre d’Indie Week n’est pas suffisant. « Tout est une question de ce que ces artistes ont besoin pour passer à un niveau supérieur », explique-t-il. « Rencontrer les gens de l’industrie, s’éduquer, réseauter ; trop d’artistes émergents n’ont pas ces connaissances et je crois que plus on leur donne d’opportunités, plus ils apprendront. »

Hurs insiste beaucoup pour que ces artistes soient conscients des précieuses ressources auxquelles ils ont accès. « De nombreux artistes ne connaissent même pas l’existence d’associations provinciales comme Music BC et Music NL et nationales comme CIMA [la Canadian Independent Music Association] », explique-t-il. « Conséquemment, ils ne s’y sont pas inscrits et même intéressés. Nous voulons être une plateforme qui comble ces lacunes et éduque ces artistes. »

L’arrivée de la diffusion en continu et la tendance lourde de la disparition des salles de spectacle représentent des défis formidables pour les musiciens indépendants. « Les artistes ont besoin d’endroit où jouer, mais ils ont beaucoup de difficulté à trouver leur auditoire », poursuit Hurs. « La diffusion en continu, c’est bien, mais on est noyés sous une tonne d’artistes et de chansons ; comment fait-on pour se faire entendre dans cette cacophonie ? C’est le problème que les artistes doivent surmonter. Nous sommes bombardés de choix, alors ils doivent être très futés et stratégiques. Mais l’avantage, c’est que ça n’est pas nécessairement très dispendieux. »

C’est dans cette optique que Indie Week présente aussi des conférences — cette année elles ont lieu le 14 novembre au Revival et les 15 et 16 au Thompson Hotel — et elles incluront désormais la scène musicale autochtone. « Il y aura un panel de discussion d’un après-midi pour discuter de la communauté autochtone et de diversité », dit Hurs. « Il y aura également une vitrine autochtone le 14 novembre au Hugh’s Room. Nous sommes très fiers de pouvoir dire que des acheteurs de nombreux festivals et salle de spectacles viennent à notre événement dans le but précis d’engager ces artistes. » Un volet pour tous les âges a été ajouté à certaines vitrines et un accent particulier sur la technologie et le numérique font partir des nouveautés.

“Soyez en contrôle de vos affaires afin de vous assurer de toucher tout ce que vous pouvez de chacune de vos sources de revenus.”

Hurs a également bâti des partenariats d’échange de talents avec des festivals brésiliens comme CoMA afin d’offrir une visibilité internationale aux artistes canadiens. « La tournée est plus importante que jamais de nos jours. Les artistes peuvent trouver leur niche de marché dans d’autres territoires plus facilement que jamais grâce à des festivals comme Reeperbahn en Allemagne ou The Great Escape au Royaume-Uni. Ce sont d’excellentes vitrines et il y a de nombreuses autres opportunités. »

Quant à l’autre pôle de sa vie professionnelle, il faut noter que CD Baby a élargi ses activités avec la création de CD Baby Pro Publishing. « Il faut savoir que CD Baby est un distributeur, mais une grande partie de nos activités est la collecte de redevances [à titre d’éditeur] », explique-t-il. « Au moment où on se parle aujourd’hui, et pour la toute première fois, plus personne n’est propriétaire de la musique et le public paie des abonnements pour l’écouter. C’est donc crucial pour les artistes de suivre leurs redevances de très près, de déclarer leurs œuvres adéquatement avec des métadonnées exactes et de savoir où leur musique est jouée. Il faut être en contrôle de ses affaires. »

Hurs fait partie de ceux qui croient que les technologies ont créé de nombreuses nouvelles opportunités. « Il se peut qu’il y ait eu de mauvais “deals” dans les débuts de la diffusion en continu, et cela rend la monétisation plus ardue aujourd’hui », convient-il. « J’étais guitariste avant, et cette option n’existait tout simplement pas. C’est une source de revenus qui n’existait pas. YouTube n’existait pas encore, et il y a également LyricFind qui offre des opportunités intéressantes pour les artistes afin de monétiser leurs paroles de chanson. »

« Les artistes doivent s’asseoir et prendre le temps de voir tout ça comme une tarte. Soyez en contrôle de vos affaires afin de vous assurer de toucher tout ce que vous pouvez de chacune de vos sources de revenus. De nombreux artistes à qui j’ai parlé me disent qu’ils tirent leur épingle du jeu grâce aux redevances provenant des radios Internet et satellite.

Il y a de nombreuses façons de trouver sa niche de marché, de faire jouer sa musique et de toucher des redevances. »