Todor Kobakov ne se voit pas comme quelqu’un qui fait flèche de tout bois, mais l’immense variété de son travail dit le contraire. Le compositeur, musicien et producteur aux multiples talents a composé des musiques de films et d’émissions de télévision de différents genres ; il a lancé Pop Music, un album solo de mélodies pour piano d’une beauté dévastatrice ; il a créé de magnifiques arrangements pour Set Yourself on Fire des Stars ; il a connu un succès radio pop avec Major Maker ; et il a produit le récent EP hip-hop d’Odario Good Morning Hunter, pour ne citer que ces quelques exemples. Même pendant la pandémie, Kobakov s’est employé à écrire des trames sonores, notamment pour la comédie Faith Heist — sur laquelle il collabore avec les compositeurs émergents TiKa Simone et Iva Delić — la production indépendante Peppergrass, et un documentaire sur l’intelligence artificielle (IA).

L’éducation de Kobakov dans une famille de musiciens en Bulgarie, ses études en piano classique à l’Université de Toronto, ses premiers emplois dans la musique publicitaire et ses amitiés dans la scène musicale torontoise ont tous contribué à bâtir ses aptitudes pour utiliser le son afin de bonifier les images.

« Ce n’est pas du talent, c’est beaucoup de travail acharné », dit-il. « Je travaille dans le monde de la musique depuis très longtemps. Je pense que ma formation classique m’a donné une bonne discipline. Je nage plus dans le monde de l’électronique pour mes créations en solo, ce qui m’aide dans mon travail pour le cinéma, tandis que de faire partie de l’industrie de la musique m’aide dans mon travail de production pour d’autres artistes. C’est vraiment chouette de sauter d’un projet à l’autre. Le genre m’importe peu, tout ce que je veux c’est d’aller chercher le meilleur d’un artiste et de l’aider à concrétiser sa vision. »

Il va sans dire qu’aider un réalisateur à concrétiser sa vision peut s’avérer un peu plus compliqué. « Ça n’est jamais pareil », dit-il. « J’essaie d’aller au cœur de l’histoire dès le début afin de construire sur ça. J’essaie d’aider à suivre le courant, et il y a beaucoup de travail de réparation si le courant manque d’énergie, ou si une scène n’est pas assez ou trop romantique. »

Le film biographique sur Chet Baker Born to Be Blue (mettant en vedette Ethan Hawke) était un défi unique pour Kobakov et ses co-compositeurs Steve London et David Braid : créer trame sonore pour un film sur un trompettiste jazz sans utiliser de trompette jazz. « Il m’a fallu beaucoup de temps avant de décider quel serait mon instrument principal », se souvient Kobakov. « En fin de compte, j’ai choisi le piano électrique Rhodes que je faisais passer par une pédale d’effet que le faisait sonner comme un vieux disque ; ça ajoutait un élément nostalgique. Tout était lent et onirique étant donné que Baker était tout le temps gelé. Mais le réalisateur ne voulait pas que ce soit trop sombre, alors c’était très intéressant de recherche le juste équilibre. »

« Quand la musique électronique un peu étrange est arrivée, les gens ont tout de suite compris »

Kobakov travaille souvent sous le radar afin d’établir ses atmosphères et ambiances de manière subtile. « Je ne veux pas que la trame sonore vous saute au visage, je suis au service de l’histoire », dit-il. Dans le cas de la série télé Cardinal, il a inclus les sons du Grand Nord en filigrane de la musique. « J’essaie toujours d’aller chercher des éléments qui bonifient l’histoire de manière subconsciente », explique le compositeur. « Ç’a été filmé à North Bay et je suis sorti pour enregistrer des sons de percussions que j’ai créés en frappant sur des arbres. J’essaie de m’inscrire dans la trame de l’histoire le plus possible afin que la musique soit le reflet de l’environnement. »

Sur Faith Heist, Kobakov a créé ses sons de percussions à partir de la voix de la compositrice TiKa Simone. « Au lieu d’utiliser des maracas et des tambourines, on a utilisé des voix humaines, ce qui apporte une tout autre dimension », dit-il. « C’est tangible, s’y identifier. »

Il travaille parfois contre les idées préconçues : pour la trame sonore de la comédie dramatique autochtone Trickster de la CBC, par exemple, il s’est appuyé sur les éléments électroniques. « On voulait amalgamer les deux mondes », explique-t-il. « » On voulait créer une atmosphère où les choses semblent normales, mais pas totalement. La musique a aidé, surtout dans le premier épisode alors que personne ne comprenait encore de quoi la série traite. Quand la musique électronique un peu étrange est arrivée, les gens ont tout de suite compris. »

Kobakov aime relever le défi de trouver un équilibre entre les instruments, les sons ambiants, les images et les attentes des auditeurs. « Les films sont un animal très intéressant », dit-il. « C’est un peu comme un groupe de musique où chacun a son rôle à jouer et quand tout est en place, tu te retrouves avec une œuvre d’art, mais si ton batteur passe son temps à jouer des solos, ça devient une distraction. Les risques que je prends ou les expériences que je fais peuvent être un peu différents, mais il suffit que j’explique au client que je ne change pas les règles du jeu, juste les sons. Jusqu’ici, ç’a fonctionné pour moi. »