Nathalie Bonin est née à San Francisco de parents québécois francophones. Si elle a passé toute sa vie au Québec, ce retour dans sa Californie natale semble une visée du destin. Assistée de son mentor Michael Levine (qui a composé entre autres les musiques de la série Sirens sur Netflix et du jeu vidéo Resident Evil) qui l’a épaulée à travers différents ateliers et séminaires au cours des trois dernières années, elle a, avec l’aide de la Fondation SOCAN, obtenu une bourse pour vivre l’expérience du Game Developers Conference (GDC) en plus de passer une semaine à la Maison SOCAN en 2016 à Los Angeles.
« J’avais un plan de trois ans en tête, j’étais tannée de vivre dans le froid six mois par année alors j’ai fait le grand saut », raconte-t-elle. Sereine, sa nouvelle vie lui convient parfaitement. « Si j’étais une ville, je serais Santa Monica ! Je pense que c’est mon authenticité qui m’a ouvert les portes, j’aime avoir des défis ». Rien d’étonnant pour cette assoiffée d’expérimentations. Nathalie Bonin est une artiste exigeante qui a su se remettre en question avec lucidité et objectivité.
Violoniste acoustique et électrique, elle a tourné exhaustivement avec le groupe Tocadéo, accompagnée Stevie Wonder lors de sa dernière escale montréalaise avec un quatuor à cordes, fut suspendue au tableau indicateur du Centre Bell avec un numéro aérien époustouflant en collaboration avec le Cirque Éloize lors de la cérémonie d’ouverture du Match des étoiles de la LNH en 2009. Impériale au Gala de l’Adisq en 2018 lors d’une performance endiablée avec Klô Pelgag, puis en duo intime avec Michel Louvain, elle a aussi accompagné Marc Dupré en concert, écrit deux saisons de musique pour les Hyp Gags de Messmer sur Z Télé, composé le thème de l’émission Prière de ne pas envoyer de fleurs animée par Patrice L’Écuyer sur ICI Radio-Canada, participé à 75 représentations du spectacle Hommage à Joe Dassin et en novembre dernier, Bonin officiait dans un concerto jazz à la salle du Gesù avec le saxophoniste et compositeur new-yorkais Quinsin Nachoff. Comme si ce n’était pas assez, sa musique fut choisie pour aider la Fondation du Dr Julien dans sa levée de fond.
« À L.A, confie-t-elle, je ne peux plus pratiquer huit heures par jour, ma vie est un marathon et je suis heureuse comme ça. La plupart des gens avec qui je travaille ne sont pas de LA, ils viennent d’ailleurs. Du monde qui ont cru en leurs rêves avec des défis similaires aux miens. Chacun essaie de s’entraider dans son parcours. Je ne suis pas là pour prendre la place de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas une compétition. »
« J’ai fait la paix avec mon désir de faire beaucoup de choses en même temps »
« La musique à l’image, les films scores, c’est surtout transmettre une émotion, de composer pour une histoire que je vois, ça m’inspire de jouer en temps réel. Je vais regarder le film plusieurs fois, ensuite je discute longuement avec le réalisateur pour m’assurer que les personnages sont bien appuyés par la musique, question de dosage, de ton. Je suis au service de l’image. Mais je ne joue pas par-dessus les images, si on ne se rend pas compte que la musique se glisse dans une scène, c’est réussi. Je deviens créatrice, mais tout en étant au service d’une œuvre. »
Membre de l’académie des Grammys, des Emmys, de la Society of Composers and Lyricists (SCL), du Malibu Composers Club qui se réunit une fois par semaine, la compositrice s’est mérité la plus haute distinction au Live Score Film Festival pour le film The Devil’s Hour, un film d’horreur.
« Dix compositeurs étaient jumelés à dix réalisateurs (trices), explique-t-elle. On ne savait pas sur quel film d’horreur on allait travailler. Pas facile, parce je déteste les films d’horreur ! J’étais répugnée par les images de sang. Ça va de full enthousiaste à panique totale. Toujours cette angoisse : est-ce que je vais y arriver ? Ça me rassure de savoir que des grands compositeurs que je côtoie vivent cette incertitude même après une centaine de films. Mais on y arrive en baignant suffisamment dans l’atmosphère du film, un moment donné les impasses sont dénouées, il y a une idée qui surgit, un déclic qui fait germer tout le reste. Il faut se faire confiance ».
Nathalie Bonin a aussi composé vingt pièces qui figurent sur huit albums de musique de production sur le label de Michael Levine, MPATH. Souvent seule chez elle, avec le logiciel Logic, en bidouillant des sons, en expérimentant. Elle a aussi lancé son propre disque au début de l’année, Emotional Violin, truffé de musiques sombres sur le label CrimeSonics distribué, par BMG Production Music.
Le 1er mars, elle s’envolera vers New York au DIY Music Festival pour y donner un atelier sur l’art de combiner son côté business et son côté artistique pour réussir sa carrière. Et, après avoir réalisé un projet de musique pour téléphones 3D, elle planche sur la composition d’une oeuvre destinée à la réalité virtuelle. Bref, il n’y a pas assez de 24 heures dans une journée dans la vie trépidante de Nathalie Bonin.
« Je me suis longtemps battue avec moi-même en me demandant si je n’étais pas trop éparpillée dans mes différents projets. La réalité, c’est qu’en musique, tu ne peux pas être bon juste dans un aspect. J’ai fait la paix avec mon désir de faire beaucoup de choses en même temps ». Tout ça, sans agent ni gérant.