Guitariste de formation, Kim Gaboury s’est d’abord fait connaître avec les sonorités électroniques de son projet Akido avant de se consacrer presque exclusivement à la composition pour la télé et le cinéma. Nommé à trois reprises au prochain Gala des Gémeaux, l’artiste s’est extirpé de son studio, où il mène plusieurs projets simultanément, le temps de répondre à nos questions. Rencontre avec un créateur occupé et heureux de l’être.

Kim Gaboury aime les « deadlines ». Créer sous pression, livrer une somme énorme de matériel en très peu de temps et devoir composer avec les exigences parfois insensées du monde de la télé et du cinéma font partie de son quotidien depuis des années. Et même si la fatigue est une compagne familière, il ne changerait rien à sa vie.

« Composer, c’est organiser des sons dans l’espace et le temps; mais lorsque tu fais de la musique à l’image, ça implique une autre forme de gestion du temps », précise-t-il. « On est à la fin de la chaîne alors on doit payer pour tous les retards de la production. En même temps, il y a quelque chose de stimulant de savoir que notre travail peut changer le ton d’une scène. Et puis le stress, ce n’est pas toujours négatif; ça peut être stimulant. Comme dit souvent mon ami Michel Cusson: pas de deadline, pas de musique ! »

Ce n’est pas par vanité que Kim mentionne nonchalamment le nom de l’ex-guitariste d’UZEB. Avant de devenir un ami et collaborateur, Michel Cusson a été le mentor de Kim, celui qui lui a littéralement appris les rudiments de la musique à l’image. « Mon projet Akido existait déjà, mais j’avais envie de gagner ma vie avec la musique », se souvient-il. « Je me suis inscrit à Musitechnic, mais comme je jouais de la musique depuis l’âge de 11 ans et que j’avais déjà une certaine maîtrise des techniques de studio, j’ai vite constaté que ça ne me ferait pas avancer. Une semaine plus tard, j’avais claqué la porte. »

Kim Gaboury

Photo par Kim Gaboury

Nous sommes en 2004. Décidé à acquérir des connaissances pratiques, Kim se met en quête de vrais pros capables de mettre sa carrière sur les rails et le nom de Cusson arrive au sommet de sa liste de souhaits. « Je ne suis pas du genre à insister quand on me dit non; mais j’ai dû m’y reprendre par trois fois avant qu’il me dise oui! Très vite, il était clair que je ne serais pas seulement son assistant et je suis devenu un collaborateur. »

Près d’une décennie plus tard, Gaboury et Cusson fondent le collectif Melodika, et s’entourent d’autres compositeurs pour leur permettre de répondre à une demande croissante du milieu de la télé et du cinéma. La relation entre les deux hommes continue de s’approfondir au fil des ans, comme en témoignent des collaborations sur des projets télé d’envergure comme Unité 9, À cœur battant et District 31.  « Ça m’a pris des années à maîtriser cette forme de composition », avoue Kim. « Maintenant, c’est un terrain de jeu où je peux m’amuser. Malgré les contraintes évidentes, il y a une immense liberté quand on travaille à l’image : je peux me permettre de faire des trucs complètement bizarres, intégrer du « noise » ou de la musique expérimentale, tout ça dans une série grand public. »

Malgré l’insistance de certains membres de son entourage, qui aimeraient entendre de nouvelles compositions sous le nom d’Akido, il semble que le projet soit en jachère jusqu’à nouvel ordre. D’autant que Kim prend de plus en plus de plaisir à travailler sur des projets de la trempe de Classé Secret, série policière de Stéphan Beaudoin mettant en vedette Mélissa Désormeaux-Poulin.

Kim Gaboury est nommé à trois reprises au Gala des Gémeaux cette année : meilleure musique originale et meilleur thème original pour la série Classé Secret, et meilleur thème musical pour Les histoires bizarres du professeur Zarbi, des créateurs de Têtes à Claques.

« Je suis toujours surpris et touché que des gens de l’industrie pensent à moi, mais en même temps, j’essaie de ne pas trop accorder d’importance aux récompenses. En fait, peut-être parce que je n’ai encore jamais gagné de Gémeaux! », lance-t-il en ricanant. « Cette année par contre, c’est différent parce que je me retrouve en lice en même temps que Hans Zimmer (nommé pour sa participation à La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, réalisé par Xavier Dolan), ce qui est complètement surréel! »

Outre remporter un Prix Gémeaux face au célébrissime compositeur de cinéma germano-américain, Kim a-t-il encore des rêves professionnels à réaliser? « Une grande série à la Ozark ou Breaking Bad, qui se développe sur plusieurs saisons, ça serait un cadeau. Sinon, j’espère continuer de travailler avec le réalisateur Stéphan Beaudoin; s’il y a quelqu’un au Québec qui est capable de créer une grande série qui va voyager à l’international, c’est bien lui. »