Jadis leader du groupe Malajube, l’auteur-compositeur-interprète Julien Mineau s’est toujours senti plus à l’aise à l’ombre plutôt que sous les projecteurs, si bien que le rôle de compositeur de musique à l’image lui va comme un gant. Par une belle journée caniculaire, nous l’avons extirpé de l’obscurité d’un studio de Québec pour discuter avec lui de la musique qu’il a conçue pour accompagner les scènes de L’Ouragan F.Y.T., second long-métrage du réalisateur montréalais Ara Ball.

JulienMineau

Photo : Kacim Steets Azouz

L’œuvre, que l’on peut présumer en partie autobiographique – « Ara, c’est un vrai punk ! », soutient Julien Mineau –, est en quelque sorte la vision complète du récit que le réalisateur a articulé sous forme de court-métrage en 2013, récipiendaire du prix du meilleur de sa catégorie au Gala Cinéma Québec l’année suivante. « L’Ouragan fuck you tabarnak ! Un coup de poing, ce film – quoiqu’il m’est encore difficile d’en juger, je l’ai tellement regardé déjà » qu’il en a perdu son sens critique, dit Mineau.

L’Ouragan, c’est le surnom du jeune protagoniste de 11 ans qui, fuyant sa famille dysfonctionnelle, trouve refuge auprès d’une communauté punk du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Le réalisateur, explique Julien Mineau, imaginait son film rythmé par les refrains de chansons punk (plus ou moins) connues, alors que le travail du compositeur viendrait accompagner les scènes plus (ou moins) sensibles.

« J’ai essayé de m’inspirer du punk, mais pour concevoir une trame sonore plus traditionnelle, détaille Mineau. Je recherchais ce mélange d’urgence et de nonchalance, en évitant que ça sonne trop peaufiné, mais en restant dans les codes de la musique pour cinéma, c’était ça l’exercice. Et c’était le fun – j’ai mis beaucoup de [synthétiseurs] Moog [MiniMoog] Model D et de bruits de guitares, ça faisait du bien de changer de registre. »

Le récit de L’Ouragan F.Y.T. est campé au début des années 1990, « mais le réalisateur cherchait des chansons punk des années 1970, détaille Mineau. C’est clair que dans mon travail de composition, je ne me suis pas dirigé vers les codes de la musique typique des années 1990 ; on est davantage dans les effets de distorsion. Et dans ce sentiment d’urgence : je n’ai pas tourné autour du pot, ma musique est très instinctive, c’est ce qui a plu au réalisateur ».

Comme dans cette scène où le personnage de Delphis, alias L’Ouragan, pique une colère et brise des fenêtres à coups de poing : « Je me suis moi-même tapé une crise de panique tout seul à la batterie en regardant la scène. Je n’avais aucune limite dans l’attitude punk » et dans son mandat, Ara Ball ayant donné carte blanche à son compositeur.

Julien Mineau, Louragan F.Y.T., movie, trailer

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« Pour ce projet, je n’avais pas de direction claire, puisque le réalisateur ne savait pas trop ce qu’il voulait comme musique, confie Julien. Il s’imaginait simplement obtenir les droits pour des chansons punk, mais ça a évolué en une trame musicale plus narrative, pour dire ainsi. J’avais à ma disposition les images montées du film, alors j’ai tout composé en observant les scènes. Pour certaines scènes spécifiques et plus complexes, Ara et moi avons beaucoup échangé [sur le rôle de la musique] ; parfois, je pouvais lui envoyer huit pièces différentes, sans savoir ce qu’il recherchait. »

Depuis la fin de Malajube, Julien Mineau est devenu un réalisateur d’albums sollicité sur la scène musicale québécoise, accueillant les groupes dans son studio maison, ou se déplaçant – dans un studio de Québec, le jour de notre entrevue, pour travailler sur le prochain album du récent finaliste des Francouvertes, Loïc Lafrance. Le travail de compositeur de musique à l’image est une corde somme toute assez récente à son arc.

« La première trame sonore de film que j’ai composée tout seul, c’était pour Game of Death (2017), de Laurence Morais-Lagacé et Sébastien Landry, rappelle-t-il. Par contre, je fais beaucoup d’autres musiques à l’image, pour des jeux vidéo ou des séries télévisées », notamment Sylvain le Magnifique (2018), réalisée par Henry Bernadet. Un travail de l’ombre qui le passionne et que Julien Mineau appelait, d’une certaine manière, lorsqu’il a lancé son projet solo instrumental Fontarabie, en 2014. « C’est vrai que cet album était un peu une carte de visite, reconnaît-il. Ça m’a permis d’afficher mon amour pour les musiques instrumentales. Je me suis beaucoup amélioré dans ce domaine après dix ans », estime le compositeur autodidacte, boulimique de musiques et d’images.