Peu d’artistes connaissent la sensation de voir leur nom sur la première ligne du palmarès Billboard, encore moins lors de leur première tentative. Deryck Whibley venait d’avoir 21 ans lorsque le premier simple tiré du premier album de Sum 41 All Killer, No Filler a fait son apparition en première position du palmarès Modern Rock. Il était désormais majeur et pouvait faire la fête partout aux États-Unis, pays où sa chanson pop-punk-rap est devenue un hymne pour toutes les pestes et pestes en devenir et un succès instantané sur les ondes de MTV.

On a depuis pu entendre la chanson dans de nombreux films et jeux vidéo tels que NHL 2002 de EA Sports, American Pie 2, Guitar Hero, ESPN X Games Skateboarding, GuitarFreaks V4 et DrumMania V4, ainsi que dans les contenus téléchargeables de Guitar Hero 5. On a également pu l’entendre en musique de fond dans un épisode intitulé « Leech » de la première saison de la télésérie Smallville. On pouvait également la télécharger pour la jouer en mode Débutant et Pro dans le jeu Rock Band 3.

Son lancement a marqué le début d’un tourbillon d’activités pour le groupe originaire d’Ajax, en Ontario : Vans Warped Tour, Grammys, Japon, Congo, et bien plus encore?! Malgré plusieurs changements de membres et l’effroyable — et quasi fatale ­ insuffisance hépatique dont a été victime Whibley en 2014, le groupe a un nouvel album sous le bras et prépare un grand retour en force. Whibley a bien voulu répondre à quelques questions depuis sa résidence de Los Angeles.

Sum 41 était un groupe punk?; pourquoi rapper sur « Fat Lip »??
J’ai grandi en ville et c’était la musique qui était populaire à l’époque. LL Cool J, Beastie Boys, Run DMC — le rap de la fin des années 80 et du début des années 90 était la première musique que j’écoutais qui n’était pas celle de mes parents. J’aurais aimé rapper plus souvent dans le groupe, mais les autres gars n’aimaient pas ça autant que moi. On adorait Run-DMC. On voulait faire notre propre « King of Rock ». Sauf que nos voix de « nerds » blancs nous faisaient plutôt sonner comme les Beastie Boys.

Parle-nous du processus de création.
Cette chanson nous a pris beaucoup de temps à rapiécer. Tout a commencé dans le sous-sol chez ma mère, qui était aussi mon sous-sol, à l’époque. [rires] J’ai commencé à travailler sur cette pièce quand j’avais 15 ans. Marc Costanzo [du groupe Len] m’a donné des micros et j’ai commencé à me pratiquer en enregistrant des groupes d’Ajax. Je me souviens que j’avais la partie rap de la chanson, mais elle n’était pas encore complète. Puis on l’a mise de côté pour un bout. J’ai ensuite écrit un refrain. Puis je n’y ai pas retouché pendant très longtemps. J’ai ensuite trouvé l’intro. Puis je l’ai mise de côté pendant un autre six mois. J’ai dû travailler sur cette pièce pendant près d’un an et demi.

Comment s’est-elle retrouvée sur l’album??
Jerry Finn, notre producteur. Je n’avais aucune idée de ce que les gens allaient en penser. J’avais ce démo où je rappais toutes les sections, mais j’entendais le produit fini dans ma tête. Il est le premier à qui je l’ai fait écouter. On avait pratiquement terminé l’enregistrement de All Killer et j’ai dit : « je dois terminer cette chanson ». J’espérais simplement qu’elle serait assez bonne pour se retrouver sur l’album, et Jerry a dit : « ça, c’est votre premier extrait. C’est un “hit”. » J’espérais tellement que ce soit vrai. C’était la pièce la plus intéressante que j’avais créée. Dès qu’il a dit ça, j’ai trouvé le courage de la faire entendre à tout le monde.

Quelle a été la réaction du reste du groupe??
Dave m’a demandé d’avoir à rapper le moins possible. [rires] Tout le monde savait très bien qu’on était incapables de rapper. Au tout début, c’est MC Shan, un rappeur old school, qui nous a montré comment faire. C’est un des pionniers du genre. Quelqu’un nous a mis en contact avec lui. Nous allions le rencontrer dans un studio de Scarborough et il essayait de nous enseigner comment rapper. Il était plutôt découragé. Imaginez cet excellent rappeur en train d’essayer de montrer à ces petits banlieusards comment rapper.

Quel est ton meilleur souvenir de jouer cette pièce??
Sans aucun doute lorsqu’on la jouée lors du spécial 20e anniversaire de MTV en compagnie de Tommy Lee et Rob Halford. Ils nous ont demandé de faire le numéro d’ouverture. Personne ne nous connaissait encore à ce moment, la pièce n’était pas encore un « hit ». J’imagine qu’ils ont aimé le clip et c’est pour ça qu’ils nous ont appelés. Nous avons suggéré l’ajout de quelques invités. Nous avons grandi au son de ces performances plus grandes que nature, tu sais, des collaborations immenses du genre Kid Rock et Steven Tyler, des trucs du genre. Rob Halford était une de nos idoles — dans « Fat Lip » il y a les paroles « Maiden and Priest were the gods that we praised » (Maiden et Priest étaient les dieux que nous vénérions). C’était complètement débile?! Ça a littéralement fait exploser notre carrière. On tournait à la radio et MVT diffusait notre clip. Après cette soirée-là, plus rien n’était comme avant. On ne pouvait plus retourner en arrière.

La chanson parle essentiellement d’un ado qui veut « faire le party ». Ça fait quoi de jouer cette chanson maintenant que tu as 35 ans??
J’aime encore ça. C’est encore une chanson qui a des couilles. Même si elle représente qui nous étions à l’époque — nos partys de banlieue, se saouler la gueule et se foutre de tout — je ne crois pas qu’elle a mal vieillie. Je n’ai certainement pas honte de la jouer.

Avec le recul, est-ce que tu crois que « Fat Lip » t’a appris quelque chose en tant qu’auteur-compositeur??
Que je suis capable d’amalgamer différents styles de musique d’une façon qui fonctionne. On ne jouait que du rock et j’ai réussi à y incorporer différentes influences. Je me souviens, au début, quand je disais au gars qu’on allait incorporer du métal à notre son punk, ils me disaient : « mais comment on va faire ça?? C’est vraiment bizarre. » Même moi j’ai commencé à remettre ça en question. Je savais que je voulais le faire, mais est-ce que j’allais en être capable?? Même chose avec « Fat Lip ». Mon entourage me disait qu’incorporer du rap ne fonctionnerait jamais. C’est une de mes forces en tant qu’auteur… Pas que je pense que je suis particulièrement bon, mais au moins je sais que je suis capable de traduire ce que je ressens. Même si tout le monde me dit que ça ne se peut pas, je vais trouver un moyen d’y arriver.