Née à Seattle, l’auteure-compositrice-interprète Claire Ridgely a grandi entre Lausanne et la petite ville de McLean en Virginie avant de jeter son dévolu sur Montréal. Un terreau musicalement fertile qui, ces jours-ci, la voit éclore à son plein potentiel.

Claire RidgelyDe son appartement du 514 où elle vit en colocation avec Clément Langlois-Légaré et son amoureux Adel Kazi, les gars du duo Pops and Poolboy par ailleurs, la globe-trotter bilingue Claire Ridgely incarne le pendant actuel de La Bohème d’Aznavour. La moindre parcelle de son existence s’articule autour de la composition, de l’écriture, de l’enregistrement.

Claire Ridgely, on la reconnaît à sa voix feutrée, mais limpide à la fois, à son timbre mutin ancré dans le soul qui lui vaudra nul doute quelques flatteuses comparaisons avec la Canadienne Alessia Cara. En phase avec les élans funk et les rythmes chaloupés de Clay and Friends, formidable groupe tous azimuts auquel Adel et Clément appartiennent, la Québécoise d’adoption s’enracine dans le jazz, au creux des genres qui du moins en découlent.

Et pourtant, c’est en chant lyrique qu’elle a fait ses dents avant de se heurter à l’âge adulte. « Il y a plus de swing dans ce que je fais aujourd’hui, j’avoue. La musique classique, c’est quand même straight. […] Je pense que c’est parce que je ne voulais pas être une chanteuse classique. Ça a pris vraiment beaucoup de temps et plein de chansons que je n’ai jamais sorties pour trouver ma voix. »

À présent en plein contrôle de son instrument et des couleurs qu’elle lui confère, Claire va même jusqu’à se risquer à un flirt avec le hip-hop sur les couplets It’s All Over Now – l’une des chansons de son EP paru le 29 janvier dernier. On est encore manifestement dans le chant sauf que le débit et le phrasé de la vocaliste s’avèrent vraiment aux frontières du rap. « C’était définitivement un challenge. J’ai vraiment assumé, je dirais.  […] Au début, ça ne devait pas être ma chanson à moi, mais mon ami et coauteur Oren Lefkowitz alias Oscar Louis m’a convaincue d’essayer. J’ai osé, j’ai vraiment donné tout ce que j’avais dans le booth d’enregistrement et je suis très contente du résultat! »

Claire Ridgely n’est pas la fille d’un seul style de musique. Sur Take The Pain, plage 3 de son premier effort encore tout chaud, elle s’offre une profession de foi pop aux nuances rose bébé et bleu poudré. À la fin de cette chanson de rupture pavée de réflexions positives et aux accents un peu reggae, la musicienne s’amuse à citer les Spices Girls, à entonner un passage de leur mégasuccès Say You’ll Be There. « Pour moi, ce groupe-là représente la créativité, les femmes fortes, la bonne musique, la sororité. »

Le « girl power », ces deux mots qui faisaient office de slogan pour les Spice Girls jadis, teinte l’intégralité de la jeune carrière de Claire Ridgely. Sa musique un rien acidulée et ses paroles en témoignent. À preuve? Can We Be Friends?, un simple sorti préalablement à la parution de son maxi qui tire ses bases d’un échange avec un prédateur sexuel potentiel qui l’avait suivi jusqu’à chez elle. Une expérience hautement déboussolante pour la jeune fille de 12 ou 13 ans qu’elle était, un traumatisme qu’elle a gardé en elle avant de le changer en morceau vitaminé. « Je voulais créer un contraste entre des paroles sombres, en parlant d’un moment spécifique, d’une histoire qui m’est réellement arrivée. J’aime que la production soit bouncy et pleine d’énergie. Au final, c’est un peu bizarre, mais ça fait du bien de pouvoir danser sur quelque chose de sombre. »

Forcément, toute femme évolue dans l’industrie de la musique en se voyant moult pièges se dresser devant elle, un jeu de coulisses assez sordide que la seconde vague du mouvement #MoiAussi a mis en lumière au cours de l’été 2020 dans la Belle Province. Plutôt que d’avancer les doigts croisés en espérant ne pas tomber sur de mauvaises personnes, Claire Ridgley a la mainmise sur le gouvernail. Après avoir suivi la formation de l’Incubateur de créativité entrepreneuriale de la SOCAN, elle lorgne le marché américain.

« Ça fait absolument partie de mon plan de match et ce serait incroyable, mais je pense qu’il faut juste se laisser aller. J’ai des rêves et des buts, mais il ne faut jamais que j’oublie que je suis là pour faire de la bonne musique whatever happens. »