Pour une deuxième année consécutive, on vous présente cinq jeunes artistes R&B et soul québécois qui ont le vent dans les voiles
FERNIE
Sur son deuxième minialbum Hopeless Dreams, paru cet hiver, Fernie entame un processus de pardon. « J’ai passé ma vie à mettre le blâme sur moi. Cette fois, j’avais envie de pardonner à cette version de moi qui pense toujours que tout est de sa faute. Je commence ma guérison sur le plan de la santé mentale. Y’a encore du travail à faire. »
Née au Brésil à la fin des années 1990, Fernie a été adoptée par une mère brésilienne et un père allemand, tous deux installés à Montréal. Son enfance et son adolescence, essentiellement passées dans une école allemande de la métropole, ont été ponctuées d’épisodes de discrimination. « Pendant des années, je n’étais à l’école qu’avec les 15 mêmes personnes. C’était impossible pour moi de me cacher. J’ai toujours été queer, mais c’était difficile pour moi de le comprendre. Je ne savais même pas ce que ça voulait dire. Et quand on a commencé à apprendre ce que ça voulait dire à l’école, je me suis fait insulter. »
Pour échapper à ce quotidien parfois hostile, Fernie se tourne vers la musique. Grand admirateur de la pop commerciale des années 2000 (notamment Shakira et Black Eyed Peas), le jeune artiste trouve des modèles là où il peut en trouver, notamment à l’émission American Idol. « Il y avait des participants qui avaient des histoires qui ressemblaient aux miennes. »
Après avoir délaissé ses ambitions de devenir acteur et abandonné son programme d’études collégiales, Fernie se concentre sur la musique avec plus de sérieux, notamment inspiré par la musique de SZA, Daniel Caesar et Frank Ocean. À la fin des années 2010, il se joint au collectif Kids from the Underground – une expérience qui lui permettra de créer, avec des membres du groupe, son premier minialbum solo Aurora en 2022. « C’est à partir de là que j’ai commencé à avoir plus confiance en moi. Pour la première fois de ma vie, je m’acceptais à 100% dans ma sexualité et ma trajectoire. »
Fort du succès de son plus récent projet, qui connaît un bel engouement au Royaume-Uni, Fernie travaille actuellement sur son prochain minialbum. Il sera également sur quelques scènes du Québec prochainement.
SARA-DANIELLE
Sara-Danielle a longtemps chanté et joué de la guitare seule dans sa chambre avant de réaliser son plein potentiel. « Je viens de Gatineau, qui n’est pas un endroit très réputé pour son côté culturel. C’est plus une ville axée sur les sports, le plein air et… les fonctionnaires ! Je ne pensais pas que je pouvais écrire des chansons. Dans ma tête, c’était quelque chose d’inaccessible. »
Venant d’un milieu familial modeste, dans lequel la musique n’occupait pas une place prépondérante, l’artiste née en 1994 a eu sa première expérience musicale en chantant à l’église, quand elle était toute petite. La pop chrétienne côtoyait alors la pop radiophonique des années 2000 dans le cœur de la jeune chanteuse, grande admiratrice de Rihanna et de Black Eyed Peas.
Après un détour vers le emo et le pop punk (Paramore, Fall Out Boy) à l’adolescence, Sara-Danielle est tombée en amour avec le folk R&B de la Britannique Lianne La Havas et, éventuellement, avec l’œuvre de Frank Ocean, chef de file du courant R&B alternatif des années 2010. À l’image de ces deux artistes, la musique de Sara-Danielle est à la fois sensible, douce et puissante.
Son premier album ReRun, paru l’année dernière, est le résultat d’une plus grande affirmation artistique de la part de l’autrice-compositrice-interprète, titulaire d’un baccalauréat en chant jazz. « Sur mon premier EP, Healing (2019), je n’avais pas encore trouvé ma façon d’écrire. Mais là, sur ReRun, j’avais mes propres références musicales en tête. Je voulais avoir un son soul plus old school, porté par des instruments organiques, mais avec une touche moderne dans les arrangements. »
Sara-Danielle travaille actuellement sur de la nouvelle musique, fruit de plusieurs allers-retours entre Montréal et Toronto. « Je veux construire un pont avec la scène canadienne anglophone, en espérant leur ouvrir les portes de notre belle scène montréalaise. »
BLYNK
C’est dans les restaurants et les événements de musique arabe que Blynk a passé la majeure partie des fins de semaine de son enfance. Son père, claviériste pour plusieurs artistes libanais, l’a initié à tout un pan de la musique issue du Moyen-Orient et du Maghreb.
« Ça ne me rejoignait pas tant que ça au début… mais maintenant je suis capable de voir toute la richesse de cette musique. Je ne veux jamais rien forcer, mais quand je sens que ça a sa place, j’intègre ces influences dans mes chansons », explique le chanteur lavallois, citant notamment sa pièce phare Infidèle.
L’artiste né en 2000 a eu son premier coup de cœur pour le R&B grâce à sa sœur aînée, qui lui a fait découvrir Usher et Mario. C’est ensuite dans la scène R&B canadienne des années 2010, avec The Weeknd et PARTYNEXTDOOR, que Blynk s’est immergé. « J’étais fasciné par les thèmes et les textes de ces artistes. C’était un R&B plus sombre que celui de Mario ou Usher. Le R&B, historiquement, ça parle souvent d’une histoire d’amour ou d’une histoire de rupture, tandis que là, avec (la scène des années 2010), c’était plus complexe, plus nuancé. Il y avait beaucoup de zones grises. »
Son premier minialbum, Softboy Actif (également le nom de son collectif), est paru l’an dernier. Le projet de six chansons le présente de manière authentique. «- Softboy, ça fait référence à un gars qui tombe amoureux facilement. Actif, ça veut dire que ça m’arrive très souvent ! » explique-t-il, en riant. « Le projet montre toutes les facettes de ma musique. Les deux premières sont plus mélancoliques et sombres. Celles du milieu ont des influences trap, car j’ai toujours été très proche du hip-hop. Et les dernières montrent un R&B plus classique. »
En plus de travailler sur de la nouvelle musique, notamment sur des collaborations avec des artistes français, Blynk compte donner plusieurs spectacles en 2025.
CLARA DAHLIE

Cliquez sur l’image pour démarrer la vidéo de la chanson Danser dans les ombres de Clara Dahue sur YouTube
Quand Clara Dahlie crée ses chansons, elle ne voit pas une série de notes dans sa tête, mais plutôt des couleurs, des décors. « Je vois des couleurs vives, des mélanges d’époques. J’aime mélanger ce qui est moderne et vintage. »
L’autrice-compositrice-interprète et artiste visuelle propose une musique qui colle en tous points à sa façon d’imaginer les décors où s’installent ses histoires. Son R&B propose un groove intemporel, hérité de son amour pour des artistes clés du néo-soul américain comme D’Angelo et Erykah Badu, mais aussi des textures plus planantes et éthérées, qui évoquent son obsession pour la pop expérimentale de FKA twigs.
Cette facilité à mélanger les codes et les époques du R&B est intrinsèquement liée à sa grande ouverture artistique. Née en 1997 à Sainte-Agathe-des-Monts, l’artiste basée à Québec a été élevée dans un environnement socioéconomique modeste, mais très riche culturellement. Avec un grand-père mélomane et prof d’histoire, une grand-mère artiste visuelle et une sœur professeure de danse, Clara Dahlie a baigné dans l’art dès son plus jeune âge.
Après un parcours scolaire avec une concentration intensive en musique à l’adolescence, suivi d’études postsecondaires en chant jazz, la chanteuse aux origines françaises et mexicaines a formé un groupe R&B vers la fin des années 2010. « Mais la pandémie est arrivée. Je ne pouvais plus voir les musiciens avec qui je travaillais. J’ai donc appris les bases du logiciel de création musicale Ableton et j’ai commencé mon projet solo. » Le minialbum Miracles des ombres, paru l’an dernier, représente le point d’ancrage de ce virage sonore.
2025 marquera la création d’un premier album complet. L’artiste maintenant signée en booking avec Bravo Musique compte aussi donner plus de spectacles, en plus de profiter d’une résidence de création à Bordeaux.
BURGUNDY
On ne sait jamais l’impact qu’une œuvre culturelle aura sur le développement d’un enfant. Dans le cas de Burgundy, c’est le film musical Les choristes (Christophe Barratier, 2004) qui a tout changé. « J’ai écouté ce film-là avec mes parents. Et c’est là que ma mère a remarqué que j’avais une affinité avec le chant. Basically, elle m’a fait apprendre toutes les chansons du film ! » se souvient-il, le sourire dans la voix.
À partir de ce moment, le chanteur et producteur né en 2001 à Montréal plonge tête première dans la musique, en suivant des cours de chant, et en apprenant la guitare et le piano. Ses premières compositions arrivent peu après, mais il faudra attendre 2019, à la toute fin de son adolescence, pour entendre ses premières chansons sur les plateformes. On découvre alors un talent brut à la voix soul chaleureuse et magnétique, héritée de son amour pour des artistes influents comme Daniel Caesar, Dominic Fike et – encore lui – Frank Ocean.
Burgundy ne mettra pas de temps à se faire repérer, notamment par une agence de management américaine. Les débouchées ne sont toutefois pas à la hauteur de ses attentes. « Je me suis souvent fait dire qu’on allait me turn en un Justin Bieber. Chaque fois, ça me faisait fuir », raconte l’artiste, qui veut éviter à tout prix qu’on le range dans une case. « À un moment donné, c’est sûr que ça a été un peu décourageant, tout ça… J’ai constaté qu’il y a beaucoup de requins dans l’industrie de la musique. Ça a créé une certaine méfiance chez moi. »
Maintenant sous contrat avec No Diploma, à la fois une marque de vêtements et un label montréalais, Burgundy prépare la sortie d’un tout premier minialbum, Achieving Indigo, qui verra le jour ce mois-ci. « Ce projet témoigne d’une année qui a été difficile pour ma famille et moi. Une année qui m’a également permis de grandir. Le projet incarne l’importance de ressortir d’un moment dark avec des apprentissages plutôt qu’avec un sentiment d’amertume. »