Chantal Archambault lançait à l’hiver dernier un petit bijou d’EP intitulé L’amour ou la soif, bouquet de cinq titres enregistrés par la rousse chanteuse originaire de Val-d’Or dans un geste enthousiaste et spontané : « Je suis partie au chalet sans trop me poser de questions, avec presque rien et je suis revenue avec quelques maquettes. Ça sonnait mieux qu’on l’aurait cru, mes musiciens et moi. » Le résultat est en vente sur bandcamp et en spectacle, mais pas en magasin.

Pour son deuxième album, Les élans paru en 2013, elle s’était adjoint les services de son complice Dany Placard à la réalisation. Cette fois, elle joue de tous les instruments, réalise, et s’occupe de la prise de son. Psychoéducatrice de formation, Chantal Archambault n’a pas étudié en musique. Elle évolue dans le métier au fil d’une trajectoire autodidacte : « Je suis une touche-à-tout, j’ai toujours joué de la musique et chanté, mais je lâchais mes cours de solfège car l’approche des professeurs ne me convenait pas. Bref, j’ai appris par moi-même, sans me spécialiser. Ce que je propose musicalement est tout simple, voilà pourquoi j’aime être bien entourée. »

« Il y a quelque chose qui m’interpelle dans la musique country, c’est en moi, c’est moi. »

Lorsqu’on la questionne sur le sens du si joli titre qui coiffe son mini-album, ce choix à faire entre L’amour ou la soif, elle répond : « Ce n’est pas tant de la soif qui donne envie de boire que d’un état d’esprit dont il est question ici. J’ai 33 ans, je ne suis pas venue à la musique au début de la vingtaine comme la plupart des musiciens. Mon premier album, La romance des couteaux, est sorti en 2010. On m’a prédit une trajectoire d’artiste qui se développerait avec le temps, je n’avais pas vraiment d’attentes. Mais après le lancement de mon deuxième album trois ans plus tard, il y a eu un petit creux de vague, les choses ne décollaient pas assez vite à mon goût. J’étais un peu déçue, j’avais investi beaucoup de temps et d’énergie dans cet album. J’étais en état d’attente, comme si j’avais eu soif et que cette soif n’était pas comblée, et je me suis rendue compte que beaucoup de monde autour de moi était aussi dans cet état. Soudainement, j’étais moins dans la gratitude et dans l’appréciation de ce qui m’arrivait alors que ce n’était pas ainsi, jusque là, que j’avais approché la musique. J’ai essayé de replonger dans l’état où j’étais avant : faire les choses pour les bonnes raisons, cultiver l’amour, me grounder. Comme société, on est beaucoup dans la quête d’avoir plus. Ça manque d’amour tout ça, on n’est jamais rassasié. D’où la métaphore de la soif. »

Et pour combler la faim, il y a le boulot de psychoéducatrice. L’auteure-compositrice-interprète a su trouver un bel équilibre entre sa vie d’artiste et un mode de vie plus humble. « Je ne suis pas quelqu’un qui vit nécessairement bien avec le fait d’avoir toujours toute l’attention sur moi. Je trouve ça un peu étrange et démesuré en regard de la reconnaissance qu’on porte à des gens dont le métier est de sauver des vies. J’ai trouvé du boulot dans une garderie qui m’engage pour accompagner des enfants à besoins particuliers. C’est moi qui fait mon horaire, c’est super compatible avec ma vie d’artiste. Ça me permet d’avoir une place où je ne suis pas centrée sur moi. Je côtoie plein de gens, j’offre même de petits ateliers de musique… J’ai besoin de cet équilibre et je peux dire que j’ai vraiment trouvé mon point G de carrière! » Chantal Archambault éclate d’un beau rire ensoleillé. Généreuse en entrevue, loquace et sensible.

La scène folk-country nous a donné ces dernières années quelques nouveaux venus très enthousiasmants, nouvelles venues devrions-nous peut-être écrire : Lisa LeBlanc, Les Hay Babies, Les sœurs Boulay, pour ne citer que trois noms. Comment voit-elle sa filiation musicale? Dans une descendance ralliant Renée Martel (qui reprend « La barque »  de Chantal Archambault sur l’album Une femme libre) et Mara Tremblay? « J’ai toujours écouté beaucoup de musique de filles. J’étais groupie de Tori Amos au secondaire, j’aimais Sinead O’Connor et Alanis Morissette. Pour ce qui est de l’influence folk-country, ma mère écoutait Johnny Cash lorsqu’elle était enceinte de moi. C’était son chanteur préféré et il paraît qu’avant même de marcher et de parler, je réagissais à sa musique! Il y a quelque chose qui m’interpelle dans la musique country, c’est en moi, c’est moi. Ces dernières années j’écoute Eleni Mandell, Lucinda Williams… »

Sur L’amour ou la soif, Chantal Archambault s’est permis une petite fantaisie : l’intégration d’un interlude musical capté dans une église du Costa Rica où une dizaine de femmes s’étaient rassemblées pour chanter, en laissant les portes grand ouvertes. « En voyageant, j’ai constaté à quel point la musique est présente et intégrée au quotidien dans certains pays du monde. Ça se vit, la musique, là-bas. On en fait une expérience collective riche. » Et c’est toute l’ivresse que l’on se souhaite.