Catherine DurandCatherine Durand est de cette trempe d’artistes résolument perfectionnistes. Depuis ses débuts, elle nous a habitués à des pauses substantielles entre chaque album. Fidèle à la cadence, quatre années séparent donc le nouveau gravé, La pluie entre nous, de son prédécesseur Les murs blancs du Nord: « C’est une gestation lente. Je ne suis pas quelqu’un qui écrit beaucoup et rapidement. »

Jusqu’au moment-clé où l’artiste « possède » son album : « Le moment existe définitivement. Tu peux écrire plusieurs chansons pour n’en garder aucune tout comme en pondre deux en une heure qui se retrouvent sur l’album. On ne peut jamais prévoir d’avance ce qui restera. Je suis toujours en quête de quelque chose. Et tout ça se précise à coups d’essais-erreurs… Vers où je veux aller, musicalement et dans les textes. Et ça prend un certain laps de temps comprendre et tout mettre ça en place. »

La quête, pour ce sixième opus, fut une bête à plusieurs têtes. Après dix-huit ans dans le métier, l’auteure-compositrice-interprète en arrive nécessairement aux bilans, un désir de surprendre les gens, de se surprendre elle-même : « Mon besoin de changement, de surprise, imposait que je change d’équipe, de réalisateur. J’avais besoin d’un Emmanuel Éthier, que je ne connaissais pas. J’aimais la « vibe » de Maladie d’amour de Jimmy Hunt (qu’il a réalisé) et je lui ai écrit sur Facebook… » Durand n’est pas certaine s’il a même entendu ce qu’elle a fait précédemment – et s’en balance : « c’est parfait pour un nouveau départ! »

Épaulée pour la cause par une brochette de collaborateurs de calibre, Durand semble définitivement trouver son compte. Les complices José Major, Joe Grass, Salomé Leclerc et Ariane Moffatt participent à l’aventure et magnifient les compositions sans pour autant les saturer : « On reconnaît encore mes lignes mélodiques, mais il y a un petit quelque chose de plus dépouillé – mais plus efficace. On est dans l’époque d’aujourd’hui. Mais pas trop ! ça m’embête quand les sonorités sont trop ancrées dans une époque… Comme présentement, PJ Harvey et la quantité d’artistes qui mettent des solos de sax. J’ai l’impression que tout le monde fait ça donc je ne le ferai pas. » Besoin d’intemporalité avant tout, « j’aime les sonorités classiques. »

Résultante qui trouve écho dans le thème qui traverse l’œuvre : « C’est un album qui traite des relations interpersonnelles, en amitié, en amour, dans les liens familiaux. L’amour est là, mais la difficulté persiste à se rapprocher avec les êtres présents. Être bien ensemble malgré les difficultés – même si c’est loin d’être évident de marcher ensemble sur le même chemin. »

Productrice indépendante depuis maintenant quelques années, Durand lance cette fois-ci sa propre étiquette de disques : « J’aime être en contrôle de mes affaires, avoir la tête dans la business et pas nécessairement dans la création. Ce déclic-là est parfois difficile à déclencher, mais je pense que c’est une très bonne chose au final. C’est certain que je suis super proche de mon projet, c’est ma carrière, ma vie, donc ça m’arrive de prendre les choses plus personnelles, on est un peu plus sentimental vis-à-vis ce qui se passe envers nous. »

Et la question qui brûle les lèvres ces jours-ci : Le streaming, on en fait quoi ? « La base de toute l’industrie, c’est les créateurs. Sans chanson, il n’y pas de label, pas d’éditions, pas de spectacles, etc. La base de toute cette industrie, ce sont les auteurs et les compositeurs. En ce moment, on dirait que ceux qui véhiculent la chanson font des sous, tout le monde sauf le créateur, celui ou celle qui écrit la toune. C’est un déséquilibre qui doit être réglé. Les câblodistributeurs donnent dans un fond pour les créateurs de contenus, pourquoi pas d’équivalent en musique ? Après dix-huit ans de métier, je suis beaucoup plus sereine, plus terre-à-terre. Un jour, il va falloir qu’il y ait des solutions concrètes, je suis très lucide par rapport à ce qui se passe et j’ai foi que ça va s’améliorer. Mais je sens que ça va être long… »