Il y a au Canada une importante cohorte de talents musicaux émergents de l’Asie du Sud qui font des vagues à Bollywood. De nombreux compositeurs et auteurs-compositeurs indiens de Bollywood deviennent membres la SOCAN. Pour souligner leur impact croissant, nous vous présentons une série de reportages intitulés Bollywood Nord. Notre premier reportage de cette série vous présente Jonita Gandhi.

De son propre aveu, Jonita Gandhi a commencé à chanter « sur le tard ». Âgée de 34 ans, cette chanteuse née à New Delhi et élevée à Toronto que tout le monde ou presque appelle désormais simplement « Jonita » a commencé à se produire localement à l’adolescence avant de s’installer en Inde où elle s’est bâti une brillante carrière de chanteuse de doublage, enregistrant des chansons pour des superproductions de Bollywood telles que Chennai Express et de nombreux films en tamil. Bien qu’elle ait commencé à écrire des chansons à l’âge de 17 ans, très peu de gens les avaient entendues avant cette année. « Tout ce qui a rapport avec l’écriture de chansons se passait dans le garde-robe », avoue Gandhi. « Personne savait que je faisais ça. »

Jonita, Love Like That, Video

Sélectionnez l’image pour faire jouer la vidéo YouTube de la chanson Love Like That de Jonita (avec Ali Sethi)

Tout le monde le sait, maintenant. « Love Like That », le premier simple tiré de son premier EP du même nom, a rapidement cumulé 1,5 million de visionnements sur sa chaîne YouTube en janvier 2024. Elle a été coécrite avec la Canadienne Julia Gartha, le producteur Juan Ariza, nommé aux Latin Grammys, et Ali Sethi, l’auteur-compositeur pakistanais-américain derrière « Pasoori », qui cumule à ce jour 709 millions de visionnements sur YouTube, qui figure également sur ce titre hyperpop. La pièce entremêle des paroles en hindi, en ourdou et en anglais pour raconter son histoire d’amour.

En tant que chanteuse de doublage, Gandhi a enregistré des chansons dans de nombreuses langues, dont l’hindi, le bengali, le tamil, le punjabi, le sanskrit, l’ourdou, le kannada et le gujarati. Lorsqu’est venu le temps de créer sa propre musique, elle nous explique qu’il était important de se concentrer sur les langues qu’elle parle afin de pouvoir participer pleinement à l’écriture collaborative, un processus qu’elle qualifie d’« addictif ».

Comme beaucoup d’artistes, Jonita a constaté qu’elle avait modifié son processus de création pendant les confinements de la COVID-19, et c’est à ce moment-là que l’écriture de chansons est devenue une priorité. « Ça m’a toujours intimidée », dit-elle. « J’avais l’habitude de me dire « OK, si j’écris ma propre musique, ça va être quoi mon style? Dans quelle langue? Il y avait trop de questions… Quand on a été forcés de passer autant de temps seuls avec nous-mêmes, j’ai saisi l’occasion pour me forcer à m’enfermer dans une pièce et à le faire. J’ai été très inspirée et j’ai senti que j’avais des choses à dire. »

Musicalement et au niveau des thèmes et des textes, le EP Love Like That parle de vivre à cheval entre deux univers. Sur la première pièce, la ballade « It Is What It Is (Madhaniya) », elle réinvente cette chanson folklorique traditionnelle qu’on entend très souvent dans les mariages indiens avec un « beat » Afrobeat moderne. Les auditeurs peuvent l’apprécier à différents niveaux, en fonction de leur connaissance de la langue, des mélodies et des références culturelles.

« J’étais comme “Wow, notre musique plaît à des gens qui ne parlent même pas le punjabi”! »

« Une partie importante de ce que je veux exprimer avec ma musique, c’est l’expérience d’une personne née en Inde et élevée au Canada », déclare Jonita. « Il y a plein de gens qui vivent cette expérience et qui commencent une nouvelle vie et assimilent une nouvelle culture. Mais ils essaient aussi de s’accrocher à leurs racines. C’est déroutant d’être issu d’une culture et d’être élevé dans une autre ; on est constamment tiraillés en se demandant “où est ma place?” Je crois que c’est magnifique de pouvoir vivre cette expérience diversifiée et au lieu de voir ça comme une chose négative, ce que j’ai souvent fait en grandissant, je veux la célébrer. »

Jonita est la première artiste signée par 91 North, un partenariat entre Warner Music Canada et Warner India. Ce nouveau label reconnaît l’énorme appétit pour les talents indo-canadiens en Asie du Sud et dans le monde entier. C’est une scène musicale dont elle est fière de faire partie.

« Je me souviens quand Panjabi MC a été remixé par Jay-Z, ou quand j’ai vu Slumdog Millionaire aux Oscars et aux Grammys », raconte Jonita. « J’étais comme “Wow, notre musique plaît à des gens qui ne parlent même pas le punjabi” et c’est pas juste une mode passagère. J’ai toujours su que ça finirait par arriver et que ça serait là pour de bon. Je suis vraiment heureuse de constater que c’est sur le point de se produire pour vrai et je veux faire partie de cette vague qui va apprendre au monde entier qui nous sommes. »