Lorsque les créateurs de musique lancent leurs créations dans l’univers, c’est généralement un acte de foi, puisqu’ils n’ont généralement pas d’idée claire de la manière dont leurs œuvres seront reçues.

Ce genre de mystère ne plane jamais en ce qui concerne les chansons créées par l’équipe de BigDay Music, Lee Baillie et Marc Rogers : leurs œuvres sont écrites sur commande et sur mesure pour des auditoires très petits et parfaitement ciblés.

L’auteure-compositrice torontoise Lee Baillie a fondé BigDay et elle collabore étroitement avec le multi-instrumentiste et réalisateur Marc Rogers pour la création de pièces qui répondent aux besoins de leurs clients. Le nom de l’entreprise fait référence au fait qu’à la base, leurs compositions sont conçues pour les grandes occasions, le plus souvent pour un mariage, un anniversaire important ou un jalon de vie. Mais on leur a déjà également commandé des chansons pour un animal de compagnie et l’anniversaire d’un cabinet d’avocats.

Les droits de BigDay
Fait à noter, les droits des enregistrements de BigDay demeurent la propriété exclusive de BigDay Music, il est impossible de les monétiser ou de les revendre. Les clients reçoivent une licence d’utilisation personnelle à perpétuité pour l’enregistrement qu’ils achètent. Les redevances d’exécution n’entrent en jeu que si la chanson de BigDay est jouée ou diffusée dans un lieu public licencié par la SOCAN. Par exemple, si un client fait jouer sa chanson de BigDay durant son mariage dans une salle licenciée, ou si une chanson de BigDay est diffusée à la radio ou encore téléversée sur YouTube. BigDay déclare ses œuvres à la SOCAN afin de couvrir ce genre de possibilités qui peuvent toutes générer des redevances d’exécution publique.

Tout a commencé de manière très naturelle. « J’ai fondé l’entreprise en 2014 », explique Baillie. « Auparavant, par simple passion, j’écrivais des chansons pour ma famille et mes amis, comme cadeaux pour marquer une grande occasion. Les gens se partageaient ces chansons et de fil en aiguille, de bouche à oreille, d’autres personnes ont commencé à m’approcher pour une commande spéciale pour un être cher et des moments importants de leurs vies. Ainsi est née BigDay. »

La première chanson personnalisée écrite par Baillie était destinée à son frère. « C’est un chanteur incroyable et il a chanté ma chanson à sa femme qui ne s’y attendait pas lors de leur mariage », raconte-t-elle. « Peu de temps après, ma grand-maman Kitty avait 95 ans, et notre famille élargie planifiait un gros “party” pour son anniversaire. Je lui ai écrit deux chansons et elle était aux anges. »

« Je crois que c’est à ce moment que j’ai pleinement réalisé à quel point une chanson personnalisée est porteuse tant pour la personne qui en est le sujet que pour ses proches. »

Pour réaliser et enregistrer les chansons pour sa grand-mère de manière professionnelle, Baillie a fait appel à Marc Rogers, un bassiste de studio et réalisateur très connu (Philosopher Kings, Holly Cole, Norah Jones). « Je connaissais Marc à travers ma coloc de l’époque [l’auteure-compositrice-interprète de renom], Emma-Lee » poursuit Baillie. « J’ai adoré mon expérience et j’ai ensuite décidé de faire officiellement équipe avec Marc pour lancer BigDay. »

Rogers s’empresse d’ajouter que « Lee est le cerveau de BigDay. Elle a su identifier une demande qui ne faisait l’objet d’aucune offre et que personne ne soupçonnait, même, et c’est une tellement bonne idée. »

Plusieurs des premières chansons de BigDay ont été coproduites par Rogers et sa femme Karen Kosowski, elle-même une réputée auteure-compositrice et réalisatrice (Brett Kissel, Emma-Lee, Madeline Merlo). « La carrière de Karen est en pleine expansion, alors elle n’a plus de temps à consacrer à ce projet », explique Rogers.

« Écrire des chansons hommage qui ont une valeur inestimable pour un nombre restreint de gens procure une satisfaction unique. C’est un tout autre monde de création musicale. » — Lee Baillie de BigDay Music

Il est heureux de combler le vide laissé par sa femme. « J’aime vraiment ce travail », avoue-t-il. « Je comprends très bien l’importance d’une chanson spéciale pour un mariage, étant moi-même marié depuis 16 ans. Être en mesure de commémorer le début d’une telle aventure est une opportunité en or. »

Il se réjouit également de pouvoir exercer son talent dans une grande variété de styles musicaux. « Lorsqu’on est bassiste de studio, si on travaille avec un artiste pop, par exemple, on est un peu obsédés par le fait d’être le plus à jour possible dans la palette de tons qu’on doit utiliser », explique-t-il. « Dans nos chansons sur mesure, ça n’est pas le cas. »

« Par exemple, nous avions une commande de clients “qui aiment vraiment la musique espagnole”, alors j’ai ressorti mes vieux albums de Paco De Lucia et j’ai joué la pièce à la guitare à cordes de nylon. Je n’avais pas joué comme ça depuis l’adolescence, alors c’était un défi amusant. »

Le processus créatif de BigDay commence par un questionnaire complet que Baillie envoie au client afin de pouvoir cerner la personnalité du sujet de la chanson ainsi que son style musical préféré.

« J’ai vite appris que les gens sont beaucoup plus poétiques qu’ils le pensent lorsqu’ils décrivent candidement leurs êtres chers et qu’ils partagent des anecdotes, ce qui rend mon travail d’auteure-compositrice d’autant plus inspirant », explique-t-elle. « C’est une expérience qui fait chaud au cœur lorsqu’on a la chance d’avoir un point de vue privilégié sur la manière dont les gens s’aiment et expriment cet amour les uns envers les autres. »

Baillie utilise ces informations pour « en extraire les pépites d’or et écrire une chanson avec celles-ci. Je l’écris et l’enregistre, j’ajoute la voix dans mon studio avec quelques accords de piano. J’envoie ça à Marc avec les notes du client sur le genre musical, des chansons de référence ou une instrumentation particulière qu’ils souhaitent. Il complète la production, le mixage et le matriçage ; il parvient toujours à faire des chansons qui sonnent merveilleusement bien. »

« Mon travail est d’habiller la chanson de manière à ce qu’elle vive dans un monde que le client aime », explique Rogers.

« Plutôt que d’essayer de faire une pièce qui plaira au plus grand nombre de gens possible, nous avons la liberté de créer des morceaux qui ciblent un groupe très restreint de personnes pour qui cette chanson aura une valeur très significative, si on fait bien notre travail. Il n’y a aucune autre circonstance où l’on peut avoir une telle chance, et j’adore ça. »

Baillie est tout aussi amoureuse de ce concept. « Il y a une satisfaction particulière dans l’écriture de chansons pour les masses, mais écrire des chansons hommage qui ont une valeur inestimable pour un nombre restreint de gens procure une satisfaction unique », dit-elle. « C’est un tout autre monde de création musicale. »



Lindsay Ell profite d’une rare journée de congé à sa demeure de Nashville. « J’ai vraiment l’impression de passer six jours sur sept sur la route », confie-t-elle. Mais elle est loin de se plaindre. L’auteure-compositrice-interprète de 28 ans adore la tournée. Chaque matin, en sautant du lit, elle vit sa passion. « J’ai prié pour me sentir aussi fatiguée depuis que je suis toute petite ! Je vis mon rêve et je pars en tournée avec des artistes avec qui je rêvais de partir en tournée quand j’étais plus jeune. »

LES CONSEILS CRÉATIFS DE LINDSAY ELL
1) L’honnêteté, c’est la clé. ‘C’est la règle #1 et une règle qu’il ne faut jamais briser. Plus vous pouvez être vulnérable en tant qu’auteur-compositeur, plus votre chanson sera bonne, règle générale… Plus je suis authentique, plus la chanson est bonne.’
2) Écrivez tous les jours. ‘Même si ce n’est qu’un titre ou encore une ou deux phrases. L’appli de mémos vocaux sur mon téléphone est bourrée de fragments, d’idées que je chante en marchant à l’aéroport ou à moitié endormie dans un lit… Je m’efforce d’écrire quelque chose chaque jour et de capter mes idées lorsqu’elles passent.’
3) Il n’y a pas de règles ! ‘Dès l’instant où je me dis ‘ça doit être fait de cette manière’, je sais que le lendemain je vais briser ma propre règle !’

Parmi ces artistes, on retrouve Brad Paisley (avec qui Ell est actuellement en tournée), Sugarland (qui se réunit et partira en tournée l’été prochain), et Keith Urban (Ell prendra part à la deuxième portion canadienne de sa tournée mondiale Graffiti U dès septembre 2018).

Depuis la parution de The Project en août dernier, la Calgarienne d’origine désormais établie à Music City n’a cessé d’accumuler les accolades. Dès son lancement, ce premier album a pris son envol sur les palmarès. Ce recueil de 12 chansons est devenu #1 du palmarès des albums country d’iTunes, #2 sur le palmarès tous genres confondus et une première position sur le palmarès des albums country actuels de Nielsen Soundscan. Puis vinrent plusieurs apparitions importantes à la télé, notamment au Today Show et à Jimmy Kimmel Live !

Grâce au producteur Kristian Bush (de Sugarland), Ell a trouvé sa zone de confort. Comme on peut le lire dans le livret de son album, « je voulais intituler cet album The Project parce que c’est exactement ce qu’il est. J’ai tellement appris à propos de moi-même. Je suis une chanteuse différente, une guitariste différente, une artiste différente. J’ai enfin trouvé ma voix. »

Lorsqu’on lui demande si elle s’était imaginé un succès aussi rapide, Ell demeure humble. « Je voulais que mes fans tombent en amour avec ces chansons autant que moi », dit-elle. « Mais je n’aurais jamais cru qu’il débuterait en première position. C’est encore un peu surréaliste. »

« Castle », une pièce coécrite en compagnie d’Abbey Cone et Josh Kerr, est l’une des étoiles de cet album encensé par la critique. La chanson se veut une métaphore de la philosophie qu’Ell a adoptée : toujours garder les deux pieds sur terre, peu importe son succès. Dans le refrain, elle chante (librement traduit) « Et même si nous avions une maison sur la montagne/je parie que nous voudrions un château ».

RÉ-ENREGISTRER SON ALBUM PRÉFÉRÉ
Avant d’enregistrer The Project, le réalisateur Kristian Bush lui a donné un devoir qu’elle ne pouvait pas refuser. ‘Tant de gens ont été une influence pour moi que je ne savais pas par où commencer et où je m’en allais avec ma musique’, explique-t-elle. ‘Lors de notre première réunion de travail, Kristian m’a demandé quel était mon album préféré de tous les temps, et je lui ai dit : Continuum de John Mayer. Il a dit ‘C’est parfait ! Tu vas réenregistrer l’album au complet. Voici les seules règles du jeu : tu n’as que deux semaines, tu dois jouer tous les instruments toi-même et tu dois tout faire au studio. Pendant deux semaines, je travaillais de 8 h à 15 h pour y arriver… J’ai tellement appris au sujet de Mayer, de sa façon de jouer de la guitare et de la mienne, et de comment je voulais que mon album sonne. Tout s’est mis en place dans ma tête.’ Après deux semaines en studio, elle a remis son devoir à Bush. ‘Je lui ai dit, ‘je sais finalement comment je veux que mon album sonne !’’ Ell a décidé de lancer sa version de Continuum afin que ses fans puissent entendre son travail. Il paraîtra plus tard cette année.

« C’est très facile, peu importe notre rang dans la société, de penser que nous n’avons jamais assez de quelque chose ou que nous ne sommes pas assez cool, etc. », dit-elle. « Nous sommes tous pris au piège dans ce cycle, mais ce n’est pas là-dessus que nos cœurs et nos esprits devraient se concentrer ; ça n’est pas ça a réalité. Cette chanson parle de mettre les choses en perspective et d’être reconnaissant pour ce que nous avons et de la vie que nous avons la chance de vivre chaque jour. »

Ce sont là de judicieux conseils que nous pouvons tous adopter, mais comment la principale intéressée — tandis que s’accumulent les # 1 et que son étoile est en pleine ascension — s’y prend-elle pour vivre dans le respect de sa propre philosophie ? « Mes fans », dit-elle. « J’ai une relation tellement étroite avec eux, ils me gardent les deux pieds sur terre. » Ell est de son propre aveu férue de réseaux sociaux — elle affirme passer en moyenne cinq heures par jour sur ses divers comptes. « J’écris à mes fans, je constate comment mes spectacles influencent leurs vies, et ça m’aide à garder les pieds sur terre. »

Les 12 pièces sur The Project sont toutes des collaborations ou des contributions d’autres artistes. C’est un album de puissantes chansons personnelles au message simple et universel : amour et espoir. Avant de s’établir à Nashville, il y a huit ans, Ell avoue n’avoir jamais collaboré à la création d’une chanson. De nos jours, les co-créations sont devenues la norme. Le premier simple, « Waiting on You » a atteint le Top 5 de la radio country canadienne. La chanson country rock aux accents blues, coécrite avec Adam Hambrick et Andrew DeRoberts, est celle qui a agi comme catalyseur des séances pour The Project. « Champagne », coécrite avec Walker Hayes, est une des préférées d’Ell, car elle a dû sortir de sa zone de confort.

« C’était une expérience incroyable pour moi, en tant qu’auteure, d’apprendre qu’il n’y a aucune règle », raconte-t-elle. « Vous pouvez écrire sans crainte ; il y a toujours moyen de modifier par la suite. Lorsque j’étais avec Walker, je lui ai demandé : “est-ce qu’on peut faire rimer ‘feel’ avec ‘Jessica Biel’ ? et il m’a répondu : ‘Bien entendu !’ Ce fut une bonne leçon d’écriture”.

Les leçons musicales d’Ell — formelles et informelles — ont commencé dès son plus jeune âge. À six ans elle jouait du piano et à huit ans elle apprenait la guitare, souhaitant suivre les traces de son père dans le domaine country-bluegrass. Aujourd’hui, comme le chantait un de ses premiers mentors, Ell sait prendre soin de ses affaires. Il y a 15 ans, alors qu’elle avait 13 ans, elle a fait la rencontre de Randy Bachman, membre du Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens.

Ell se souvient : “Randy a entendu un de mes démos où je reprenais des chansons de Jann Arden et des pièces instrumentales de Tommy Emmanuel à la guitare, et il a dit ‘on dirait une jeune Chet Atkins ; il faut que je la rencontre’. Une séance d’écriture avec Bachman et Ell a été organisée et le cofondateur des Guess Who est devenu l’un des tout premiers fans de la jeune auteure-compositrice. ‘Il m’a fait découvrir le blues, le jazz, le rock, et ça m’a permis d’élargir mon vocabulaire musical jusqu’alors inexploré’, raconte Ell.

Les deux artistes sont encore en contact de nos jours. Bachman a appris une autre leçon importante à Ell : ne perds jamais de vue les raisons pour lesquelles tu as choisi ce métier. ‘Randy m’a expliqué que cette vie que j’ai choisie sera une véritable montagne russe d’émotions et que je dois toujours me souvenir pourquoi j’adore faire ce que je fais, et ainsi je garderai toujours les deux pieds sur terre’, dit Ell. ‘Ce sont de précieux conseils auxquels je pense tous les jours.’



Dans un marché hypercompétitif à l’international et dans un style musical la plupart du temps sous-diffusé chez nous, les empreintes laissées au passage par nos artistes blues dans ces territoires relèvent-elles de l’exploit ?

Dawn Tyler Watson

Dawn Tyler Watson

« Ce n’est pas surprenant, affirme la chanteuse Dawn Tyler Watson qui revient tout juste du Legendary Rhythm & Blues Cruise où elle a côtoyé les légendaires Buddy Guy et Taj Mahal pour ne nommer que ceux-là. Nous avons au Québec une vision du blues qui plaît. Dans la manière, dans le style, dans l’authenticité, dans le répertoire. On me le rappelle régulièrement ».

Si Watson a démontré toute sa polyvalence avec le duo éclaté qu’elle complétait avec le guitariste et chanteur Paul Deslauriers (des concerts en Russie, Australie, Maroc, Brésil, Europe) son rôle de chanteuse de big band avec le groupe de Ben Racine lui sied à merveille : trois mois après avoir subi un triple-pontage, elle a remporté les grands honneurs à l’International Blues Challenge (ICB) à Memphis en 2017. Première sur 200 participants. De quoi faire écarquiller les yeux des diffuseurs. Les festivals se l’arrachent depuis sa consécration.

« Les artistes qui chantent le blues en français, oublie ça, le développement à l’extérieur, annonce d’emblée le programmateur et agent Brian Slack qui s’occupe de la destinée de Dawn Tyler Watson depuis 1997. J’ai de la misère à les vendre au Québec ! Les programmateurs internationaux ont peur du blues en français. Je regarde ce que les autres font, poursuit-il, en parlant des festivals canadiens, américains et d’outre-mer : il faut créer un momentum, c’est hyperimportant. Les informer continuellement. Un artiste blues, peu importe sa provenance, doit faire un disque bien produit tous les deux ans. On choisit les événements. Des chanteuses, il y en a plein ! »

Le rôle de la Société Blues de Montréal dans l’épanouissement des artistes du Québec est non négligeable. Entremetteur, catalyseur, informateur, l’OSBL utilise à profusion les réseaux sociaux comme tout le monde. C’est elle qui envoie nos artistes à l’IBC, condition sine qua non du concours. Chaque concurrent doit être parrainé par sa société locale.

Autre incontournable: le Canadian Blues Summit, qui a lieu tous les deux ans à Toronto, sorte de Canadian Music Week ou de Bourse Rideau du blues à la feuille d’érable. Incontestablement un accélérateur.

Steve Hill

Steve Hill

Steve Hill, le patriarche bleu du Québec, prix Juno de l’album blues en 2015 en plus d’une flopée de trophées aux Maple Blues Awards, sillonne l’Europe depuis deux ans. Tournée en solo et avec les légendaires Britanniques de Wishbone Ash dans des salles de 1 000 à 2 000 places. « Je réinvestis dans ces tournées européennes tout ce que je gagne ici, les frais de tournée, mon technicien, etc. Je perds de l’argent quand je vais en Europe, mais le blues est une business où il faut que tu te fasses voir. C’est un investissement ».

Sa revue de presse européenne est à faire rêver : les grandes publications anglaises comme Classic Rock Magazine et Mojo sont extatiques de la perfo en solo du blueman. Les Allemands, aussi friands de rock et de blues, donnent la part belle au québécois dans leurs écrits. Cet été, Hill fera les premières parties allemandes de la superstar du blues Joe Bonamassa devant des foules de 10 000 personnes.

Autre gros défi pour Hill :  le Electric Candlelight Concerto où il s’est échiné le 16 février dernier avec l’OSM sous la direction de Kent Nagano (une œuvre de vingt minutes en cinq mouvements) dans cet atypique ‘’Concert à l’aveugle’’ à la Maison Symphonique. Le constat est évident : Hill vient d’entrer dans le monde de la musique classique, un exploit inimaginable pour un bluesman du Québec il y a dix, vingt ans. Et si son rayonnement à l’international passait aussi par ce genre de visibilité ? « Le lendemain matin, je déjeunais avec maestro Nagano au Ritz Carlton, clame fièrement le guitariste. Il est question que je rejoue cette œuvre ailleurs dans le monde avec d’autres orchestres symphoniques ». Hill, qui fait de trois à quatre tournées canadiennes depuis les cinq dernières années reçoit aussi l’aide à la tournée de la SODEC.

Le montréalais Michael Jerome Browne est un spécialiste du blues traditionnel. Ses disques sous étiquette Borealis font le bonheur des puristes et amateurs de blues du Delta du Mississippi. Aux côtés du très connu Eric Bibb, Browne se promène aux quatre coins du territoire nord-américain et même jusqu’à Hawaï ! Sans gérant depuis dix ans. En avril prochain, c’est quinze concerts qui sont programmés au Royaume-Uni.

Jordan Officer, avec ses trois albums de guitare au style raffiné (son nouveau disque chez Spectra Musique sort en juin), bien qu’il ait reçu une bourse de création du CALQ pour une résidence en 2013 à New York, préfère les pèlerinages dans le sud des États-Unis en fourgonnette-camping avec la petite famille afin d’établir des contacts. Et bon mal an, une agence française lui réserve dix dates. « Tu peux développer un peu partout, même à l’extérieur des réseaux connus ».

Angel Forrest, qui roule sa bosse sur tout le territoire canadien depuis trente ans, publie, elle aussi, un nouveau disque, Electric Love, captation en concert, hébergé chez Ad Litteram. Forrest, à l’instar de ses confrères et consœurs québécois, engage un tourneur européen. Dans quelques jours, le public anglais de Sheffield, Bristol et Glasgow, pour ne nommer que trois des vingt escales à l’itinéraire, aura un premier contact avec la chanteuse à la voix sablonneuse. Ensuite, c’est Omaha, Kansas City et Minneapolis en août. « C’est vraiment le bouche-à-oreille qui fait son chemin. Et cela passe obligatoirement par le spectacle ». Avec elle, on est loin des relectures des classiques du blues, elle privilégie plutôt ses propres chansons mâtinées de folk et de rock. Chemin faisant, elle s’est hissée parmi les huit finalistes à l’IBC en janvier dernier. « Ça m’a étonné confie l’Anglo-Québécoise, ma musique est plutôt outside the box, moins conventionnelle ».

Gagnante du Maple Blues 2018 catégorie « chanteuse de l’année », elle admet que « gagner des trophées c’est sympathique, mais il n’y a pas de réelles retombées ».

Mike Goudreau

Mike Goudreau

Le guitariste Paul Deslauriers vient de parapher une entente avec le tourneur blues réputé Intrepid Artist. À l’agenda : plusieurs concerts en Floride dont le Daytona Blues Fest, ensuite direction Omaha, Las Vegas, la liste est longue. Gagnant de quatre Maple Blues cette année, le Paul Deslauriers Band est très en demande partout au Canada. Avec une deuxième place en 2016 à Memphis, lui et ses deux comparses ont le vent en poupe. « On est plus juste un band de Montréal aux yeux des programmateurs américains. La seule façon d’élargir son bassin d’admirateurs, c’est de multiplier les opportunités de jouer devant du monde ».

Pourtant, Mike Goudreau, originaire des Cantons-de-l’Est, est peut-être celui qui rayonne le plus aux États-Unis et partout dans le monde… sans faire un seul spectacle dans ces marchés! Avec dix-neuf albums au compteur, la télévision et le cinéma s’arrachent sa musique. Depuis 2007, on entend les blues du guitariste dans plus d’une centaine de séries américaines: NCIS (CBS), Gotham (FOX), Hung (HBO) pour ne nommer que ceux-là. La tournée Forever Gentlemen en 2016 en Europe et les quarante concerts en Europe de l’Est avec Garou ne rivalisent pas avec son carton américain, ce qui démontre que le blues québécois possède ce « je ne sais quoi » qui plait, et s’immisce partout, même sur le territoire qui a vu naître le genre.

Certainement une question de manière, de style, d’authenticité et de répertoire, pour reprendre les mots de Dawn Tyler Watson… et aussi sûrement de talent, tout simplement.