Lors du lancement de Landing, il y a trois ans, il a beaucoup été question du chemin tortueux qui a mené Amélie Beyries à la chanson. Un long processus de création, semé d’embûches personnelles avait poussé la trentenaire à se déclarer tardivement artiste, bien qu’elle se gardait encore une petite gêne à assumer complètement ce rôle.

BeyriesLe succès de Landing et les nombreuses tapes dans le dos qui ont suivi sa sortie ont donné corps au projet BEYRIES. Après cet atterrissage en douceur, l’artiste est allée à la rencontre de son public, qui s’est approprié ses chansons intimistes.

« Des fois j’aimerais faire des chansons plus légères que je pourrais chanter avec un certain détachement, mais je n’y arrive pas, explique la chanteuse. Moi je suis plutôt du genre à me mettre à brailler sur scène et ça m’est arrivé souvent ! Ça m’angoissait au début, mais j’ai vite compris que le public est généralement bienveillant envers l’artiste; il ne veut pas le voir se planter ni bafouiller, il est là pour le soutenir. Je ne suis pas une entertainer née et je pense que je ne le serai jamais, mais j’ai développé un amour du métier grâce à cet échange qui a lieu avec le public lors des concerts. »

Les rencontres, voilà le thème central qui a donné son titre à Encounter, deuxième album sur lequel elle propose un son toujours aussi intemporel, mais plus expansif, bricolé en compagnie de son complice des débts, le multi-instrumentiste et réalisateur Alex McMahon. « On s’est rendu compte qu’on avait encore plein de choses à se dire et on avait envie de voir où pourrait aller notre relation musicale, explique Amélie. Alex m’a demandé ce que je voulais faire et tout ce que je lui ai dit c’est que j’avais envie de chansons plus… larges, quelque chose de plus fédérateur. »

La base folk est toujours la même, mais BEYRIES se permet des incursions plus pop, avec des titres entraînants comme Over Me, qui a presque la fougue de Florence and the Machine ou la lancinante Keep it to Yourself, où une ligne de basse entêtante dialogue avec des violons. Ces arrangements de cordes, signés Antoine Gratton, font aussi partie de l’expansion sonore que souhaitait Amélie et sont l’un des rares éléments qui ne sont pas attribuables au duo créatif BEYRIES-McMahon.

« Alex est tellement doué qu’il peut jouer de tout ! Pendant l’enregistrement, il jouait même les partitions de guitare et de basse, qui ne sont pas du tout ses instruments de prédilection; mais lorsqu’on a essayé de les faire jouer par de « vrais » guitaristes, tout le monde trouvait que les versions d’Alex étaient meilleures. Il joue avec instinct et passion, c’est un talent vraiment rare. »

Bien qu’elle se dise grande consommatrice de musiques en tous genres, Amélie revient toujours aux incontournables qui l’ont formée : les Cat Stevens, Beatles et autres Elton John. À travers ces influences, elle cherche à donner à ses propres compositions quelque chose d’intemporel.

« Landing, c’était un album volontairement dépouillé et je voulais mettre l’accent sur les voix, les harmonies. Même si cette fois-ci, j’avais envie de quelque chose de plus ample, ce sont quand même des chansons qui peuvent toutes être ramenées à leur plus simple expression; je peux les interpréter guitare-voix ou piano-voix, voire carrément a capella. »

Rien d’étonnant, puisqu’elles ont presque toutes été composées sur le piano familial, un Heintzman de 1923 qu’Amélie a fait restaurer avec minutie. « C’est le seul objet auquel je suis attaché dans la vie, précise-t-elle. Je suis pianiste autodidacte, mais le fait de jouer sur ce piano sur lequel ma mère et ma grand-mère ont aussi joué me donne une connexion au passé. C’est quelque chose de très émotif pour moi. »

Et si Amélie s’est spécialisée dans l’intime, elle tourne aussi son regard vers le monde qui l’entoure, notamment avec la mordante Graceless, que l’on pourrait presque qualifier de protest song. « Normalement, j’essaie de garder mes chansons ouvertes, de façon à ce qu’elles puissent être interprétées de différentes façons, mais pour celle-là, il fallait que j’exprime franchement mon désarroi face à la direction que prend l’humanité. C’est ma toune préapocalyptique… Je me demande carrément jusqu’où on va aller dans la déshumanisation et la destruction de notre planète. Est-ce qu’on va réussir à se rassembler pour faire face aux grands enjeux qui menacent notre survie ? »

À défaut d’offrir une réponse, les chansons de BEYRIES sont là pour nous accompagner et nous rappeler notre humanité commune. C’est déjà pas mal…