Allie X est un Lion. La vedette des signes du zodiaque aime avoir l’attention des gens. Il veut qu’on le remarque. Il en va de même pour cette artiste pop de Toronto établie à Los Angeles. Allie X veut être vue. Le hic, c’est que son approche artistique était en conflit avec sa réalité en tant qu’adolescente grandissant dans une banlieue ontarienne. Elle a dû affronter la dure réalité et admettre que les autres ados sont cruels et vous rendront la vie difficile si voues êtes le moindrement différent.

« Quand j’étais au secondaire, je voulais vraiment qu’on me remarque, mais socialement j’essayais de passer inaperçu. J’étais prête à accepter qu’on soit cruel avec moi en échange du fait qu’on me reconnaisse. »

Ce sont ces expériences qui sont la fondation du somptueux deuxième album d’Allie X, Cape God. En surface, ce nouveau projet semble très différent de ses précédents, a fortiori lorsque l’on compare Cape God à la pop plastique de son EP Super Sunset. Au chapitre des sonorités, elle prend des détours et se fait silencieuse avant de se propulser dans ce qu’elle appelle un « party segment ». C’est différent, mais on ne s’attendrait à rien d’autre d’elle, n’est-ce pas ?

Allie affirme qu’il était grand temps qu’elle confronte certaines des expériences difficiles de sa jeunesse, ce qu’elle n’a jamais fait auparavant. La majorité des articles et critiques publiés jusqu’à maintenant au sujet de Cape God parlent du fait qu’Allie a été touché par le documentaire Heroin : Cape Cod, USA. Le documentaire a certes une certaine importance dans ce projet, mais c’est avant tout un exercice d’ouverture émotionnelle où elle fait preuve d’empathie envers une version plus jeune d’elle.

« Ce que le documentaire a fait, c’est de me placer dans un état d’esprit où j’ai été en mesure d’explorer de vieilles émotions à l’aide de personnages », explique-t-elle. « Je m’identifiais à la peur, au désespoir et aux lutes des gens dans le documentaire. L’isolement et la difficulté à établir un lien avec notre famille, la honte, la gêne, ne pas savoir ce que l’avenir nous réserve à tous les niveaux. »

La création de Cape God s’est faite très facilement, à sa grande surprise. De toutes ses créations, incluant l’écriture de chansons pop pour d’autres artistes comme BTS, récemment, Cape God est celle qui a vu le jour le plus facilement. Elle n’a pas eu à se forcer ni à écrire et réécrire. C’est en vase clos, à Stockholm, Suède, qu’Allie a produit cet album en compagnie de quelques personnes, principalement Oscar Görres et James Alan Ghaleb.

L’album débute avec « Fresh Laundry », une pièce mélancolique et nostalgique. La définition de ce que « normal » signifie refait surface à plusieurs endroits, comme sur « Regulars », « Life of the Party » et « Super Duper Party People ». La dernière pièce du disque, « Learning in Public » est probablement le joyau de cet album, et c’est en quelque sorte un hommage à elle-même, un regard sur ce que ça signifie de grandir. (Ça n’est jamais facile.) Elle boucle la boucle avec « Fresh Laundry » et elle affirme que c’est un choix de séquence tout à fait volontaire dont elle est fière.

Cape God est un espace liminal, mais c’est également, comme Allie le confirme, un espace sécuritaire qu’elle a créé elle-même afin de pouvoir y faire le ménage dans ses émotions de jeunesse. « J’avais envie de créer un endroit plein de beauté et dont je contrôlerais l’esthétique », dit-elle. « C’est un espace où je me rends, où je suis en contrôle et où je peux exister sans aucune crainte. Je pense que c’est pour ça que l’écriture de ce projet a été aussi agréable. »

Selon elle, ce projet documente une période de sa vie pour laquelle elle ne s’est jamais sentie équipée avant maintenant, alors qu’une dose de maturité, de croissance et d’expérience lui permet désormais d’absorber tout ça. Elle a créé un dialogue empreint de sympathie et de tendresse entre une personne (Allie) et une autre (Allie ado) que pratiquement tous les adultes seront en mesure de comprendre.

Pas facile d’être jeune. On doit composer avec un manque d’expérience alors même qu’on se fait dire que c’est la plus belle période de notre vie et qu’on s’attend de nous qu’on soit au cœur de la culture. Alors lorsque de surcroit on est artistique et authentiquement différent, ça ajoute une couche de difficulté. Le désir d’Allie d’être vue et entendue, de faire quelque chose de remarquable avec sa vie est en train d’être assouvi, mais il n’y a rien qu’elle aurait faire, plus jeune, pour se rassurer que ça arriverait. Il fallait qu’elle grandisse et soit patiente.